La ligue contre la brutalité policière

Chronique d'André Savard

J'ai remarqué la ligue contre la brutalité policière dès leur première manifestation par leur façon d'y convier des participants. Il y a une dizaine d'années, mon oeil avait été happé par leurs affiches montrant des manifestants en cagoule sur les poteaux et les vitres des stations de métro. Comme signe de ralliement, on ne peut pas être plus clair. Venez en cagoule les gars et les filles. C'est drôle les feux de poubelle.
Pourtant, parlez à ceux qui gravitent autour de la ligue et qui attendent avec espoir leur prochaine manifestation. Ils vont vous dire qu'au-delà de la fiesta contestataire, il y a plus que ça. Les éléments les plus actifs de la ligue se voient comme les personnages d'une histoire sainte. Ils vous diront qu'il y a plus de 5,000 prisonniers politiques au Québec.
Si vous leur demandez de préciser, de guerre lasse ils vous répliqueront que les prisonniers de droit commun sont aussi des prisonniers de la société, des "contestataires du système à un autre niveau, genre". Ils font des bras d'honneur, crachent, vocifèrent. Pour revenir dans six mois faire de l'allumage, il faut bien de justifier, dire qu'il n'y a pas que la rigolade. Aussi donnent-ils un côté épique à la brutalité policière. Ils se truffent l'esprit de légendes urbaines. Ils se font entre eux un portrait de l'arbitraire de la police, se racontent des histoires de rafle policière en pleine nuit dans les quartiers pauvres. Ils documentent de toutes pièces des histoires à un point tel que, lorsqu'ils arrivent avec leurs pavées sur la rue pour fracasser des vitres, ils ont perdu de vue le fait qu'ils se jouent la comédie. Ils se croient en guerre contre le goulag.
À la suite d'une chronique sur les événements de Montréal-Nord, j'ai reçu de nombreux courriels. Il y avait bien un courriel d'un ton fort pondéré d'une personne habitant le quartier qui me racontait que des policiers pratiquaient des vérifications systématiques, demandant à des passants vêtus en hip hop d'enlever leurs chaussures. Cette personne écrivait que son fils qui menait une vie fort rangée avait fait l'objet d'une fouille.
Qu'il y ait du profilage racial, cela est d'autant plus possible que les gangs de rue se constituent selon des critères ethniques. Ce qui est dommage, c'est de voir des malins qui allèguent la gravité de la situation pour célébrer. Quand on se répète et qu'on s'entraîne mutuellement dans des légendes qui stipulent qu'il y a 5,000 prisonniers politiques au Québec, on est certainement dans un groupe qui cultive l'idée de la brutalité policière.
Il faut se demander si les acteurs de la ligue contre la brutalité policière veulent faire réfléchir. Ne sont-ils pas des narcisses qui veulent se réfléchir eux-mêmes à la face du monde comme des libertaires à la défense des droits de l'homme?
André Savard


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