Encore le 1er, 2ème, 3ème Jean Charest

Chronique d'André Savard

Pour dire qu’un gouvernement est “usé”, il faut présumer qu’il lui est arrivé d’échapper à l’usure. S’il y a eu quelque âge d’or du gouvernement Charest, c’est parce qu’il est parvenu de façon saisonnière à se faire oublier. En autant d’années, une réélection, des lectures du trône, des remaniements ministériels, quand on parlait de “renouveau” du gouvernement québécois, on avait l’impression de parler d’un état naissant déjà atteint d’arthritisme.
Aujourd’hui, regardons les choses en face. La corruption éclate comme des bulles de méthane sur des eaux croupies. Le Quebec a l’air d’une république de bananes. Les Québécois vont bientôt retomber dans leurs vieilles habitudes. Ils vont parler d’eux-mêmes avec condescendance. Ils vont dire qu’eux, en tant qu’individus, dépassent cette programmation collective pitoyable. Ils vont finir par se méfier de leur société et par entériner n’importe quelle cabale qui promet de menacer les acquis du Quebec. Quand ça va mal, il y a toujours beaucoup d’espoir pour le fédéralisme.
Ils vont se dire: “La nation semble pourrie, Vite. Sortez-nous un plan de rentabilité, quelque chose pour nous sortir de là, puisque vous dites, au gouvernement, que vous n’avez pas le temps de mener des commissions d’enquête.”
Le gouvernement est usé? Pas du tout. Il attend juste que la grogne passe. Charest fait la même chose qu’au cours de son premier mandat. Il attend que les gens se désintéresse de lui et il mène ses affaires avec son réseau d’intérêt et de pouvoir. Monsieur tout le monde a des factures à payer, des enfants à élever, une hypothèque à renégocier. La rouspétance continuelle épuise monsieur tout le monde plus vite que le gouvernement ne s’use.
C’est pour cela que Charest fait une si belle carrière politique. On se répète qu’il y a eu un premier Jean Charest, un deuxième, un troisième, juste pour se cacher le fait que l’on va à reculons vers notre avenir. Charest à l’Assemblée répète, jour après jour, que les indépendantistes sont accrochés à leur ancienne jeunesse, il déblatère, comme tous les fédéralistes, contre les Assis de la pensée. Et il prêche pour que nous nous modernisions carsa modernité est un écran de fumée avec laquelle on maintient l’ordre.
Pendant que la corruption rampe partout, Charest, comme tous les tribuns fédéralistes, dit mener une guerre contre les concepts fossiles. Pendant que la corruption est la norme, Charest dit à la population qu’il faut réviser ses manières de penser. Il dit qu’il faut le courage de bousculer les modèles. Ouais, bousculer les modèles mais surtout pas les fonctions normalisatrices du système fédéral.
Le Fédéral n’est bien sûr pas compris dans le signal annonçant cette grande révision, ce grand remodelage. Comment s’en surprendre? On se fait répéter depuis cinquante ans que le Fédéral et le fédéralisme sont le point culminant de la modernité, le sujet de la modernité elle-même. Où que l’on soit dans le temps, impossible de rêver à plus actuel. Impossible de penser à plus car c’est barré de ce côté-là.
La corruption éclate de partout et on a un gouvernement qui dit diriger le point fort d’une critique contre les anciens modèles. La corruption éclate de partout et on a un premier ministre qui dit s’opposer au vieux modes de conservation de la pensée. Après avoir fait carrière à prêcher contre les taxes et les impôts, il fait parader un cénacle qui prône l’augmentation des revenus de l’Etat.
C’est le premier, le deuxième, le troisième Jean Charest, maillon d’une seule chaîne.
André Savard


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