La langue, c'est politique

Chronique de Claude Bariteau


À lire certains commentaires en lien avec [les propos de la mairesse Boucher->1408], j'ai eu l'impression que leurs auteurs ont tout fait pour escamoter la dimension politique et faire valoir la fierté, la vigilance et le souci de la qualité, comme le fit le frère Untel. La seule note discordante fut celle de la [présidente du Conseil de la souveraineté de Québec->1439]. Aussi, devint-elle une cible pour les tenants de ces thèses.
Or, ce commentaire ne minimisait en rien le souci de la qualité, encore moins la fierté et une nécessaire vigilance. Il signalait seulement la dimension politique sous-jacente à l'usage de la langue française. Cette dimension est omniprésente. Le gouvernement canadien, sous Trudeau, Chrétien et Martin, l'a rendue visible à un point tel que l'affirmation du français au Québec par des lois appropriées fut remplacée par celle, inscrite dans la constitution de 1982, du français et de l'anglais.
Alors, quand je lis, chez la mairesse, que le français, depuis la montée du nationalisme au Québec, est en « descente aux enfers » et que j'apprends que les Québécois ont survécu en partie « à cause de leur attachement au français », j'ai énormément de difficulté à la suivre, car, sans s'étouffer, elle nous dit que le cadre politique canadien est idéal pour faire valoir le français et que les Québécois, dont la langue est le français, n'ont d'avenir que dans la survivance.
En fait, avec de tels propos, la mairesse nous rabâche les thèses développées par Mgr Lartigue qui, après avoir remis, en 1838, une missive aux autorités gouvernementales comprenant les plans de la prise de pouvoir par les Patriotes, incita, dès 1839, les prêtres à prendre la relève de leurs chefs politiques, ce qu'ils firent. Ils se sont alors définis les héros de la survivance d'une nation ethnique qu'ils ont créée et mise à leur service, utilisant à l'occasion la volée pour contraindre les brebis à leur ordre.
Je m'attendais à plus de profondeur de la part de la mairesse de Québec. En intervenant comme elle le fit dans ce dossier, elle s'en est pris à ceux et celles qui, contrairement à elle, sont conscients de l'impact négatif du cadre politique canadien sur l'irradiation du français au Québec et cherchent des outils adéquats pour affirmer son rayonnement au sein d'un espace public dont le français serait la langue commune. Une telle affirmation ne peut être que politique. Ce n'est aucunement une affaire personnelle. Encore moins une affaire ethnique.
Là est le vrai problème. Si on ne le voit pas ou si on ne veut pas le voir, il ne reste que les options suivantes : attaquer les promoteurs d'une nation politique, faire des sermons déphasés et des procès d'intention sans fondement, s'imaginer les nouveaux chefs politiques et promouvoir une nation ethnique bien assujettie à ce Canada dont l'objectif premier sera toujours de bloquer l'affirmation de la nation politique québécoise, comme ce fut le cas dans les années 1830 à 1839. C'est ce qu'a choisi de faire la mairesse. Ce sera son Waterloo.
Claude Bariteau, anthropologue, Québec.

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Claude Bariteau est anthropologue. Détenteur d'un doctorat de l'Université McGill, il est professeur titulaire au département d'anthropologie de l'Université Laval depuis 1976. Professeur engagé, il publie régulièrement ses réflexions sur le Québec dans Le Devoir, La Presse, Le Soleil et L'Action nationale.





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