La laisse de François Legault

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« Le Canada n’a jamais rompu avec les réflexes conquérants du pouvoir britannique qui l’a mis au monde. »

Comme on le sait, la question de la présence de signes religieux pour certains employés du secteur public est revenue à l’avant-plan à peine 48 heures après l’élection de François Legault. Peu importe notre position sur l’enjeu, on pouvait s’attendre à ce que cette question puisse être tranchée entre Québécois, suite à un débat tenu en bonne et due forme, où supporteurs et adversaires de la proposition du gouvernement auraient pu se faire entendre.


Erreur! Les fédéraux sont toujours là pour nous rappeler à l’ordre.


Il n’aura fallu que quelques heures pour que Justin Trudeau ne rappelle à François Legault la taille de sa laisse, et celle-ci est plutôt courte. La semaine dernière, on a même ressorti des boules à mites nul autre que Jean Chrétien (lisez l’excellent texte de ma collègue Josée Legault). Ne manquerait plus que Stéphane Dion, qui pourrait, depuis son ambassade à Berlin, nous expliquer que « le libre arbitre du Québec c'est mal, m'voyez ».


Dans tous les cas, le message est clair : couché, François, couché!


À venir : une vague de Québec bashing au Canada à coup de cris scandalisés d’éditorialistes et d’insultes sur les lignes ouvertes. We love you Quebec!, disaient-ils en 1995...


Les sorties de Justin Trudeau et de Jean Chrétien portaient sur un dispositif constitutionnel très précis, la clause dérogatoire, que le PM et son illustre prédécesseur décrivent comme une patate chaude. Le recours à une telle clause permet, pour une province, de soustraire une loi de la tutelle judiciaire. Le Canada accorde une place extrêmement importante à ses hauts tribunaux, leur ayant donné des pouvoirs névralgiques pour renverser les décisions démocratiques. Quand la volonté de juges non-élus passe devant nos députés...


Dans le cas de la proposition du gouvernement Legault, le Québec peut invoquer la clause dérogatoire pour éviter l’invalidation judiciaire. Je vous invite à lire cette lettre ouverte de plusieurs juristes, vendredi dernier, sur la question.


Bonbonne d’oxygène dans une cage hermétique, la clause dérogatoire est généralement mobilisée dans l’argumentaire des partisans du Canada comme la preuve que ce régime n’est pas trop mal, qu’il est toujours possible de se sortir la tête de ses filets. Éloquente admission que la meilleure façon de rendre le Canada viable est d’en déroger...


Voilà, qu’en plus, les fédéraux nous disent qu’il vaut mieux ne pas s’en servir!


Le Canada n’a jamais rompu avec les réflexes conquérants du pouvoir britannique qui l’a mis au monde. Si le parlement canadien a adopté en 2006 une motion reconnaissant que « les Québécois forment une nation dans un Canada uni » (comme si elle ne pouvait en être une en dehors...), toutes les tentatives de reconnaissance constitutionnelle se sont heurtées à un échec. Soyez une « nation dans un Canada uni », mais cela ne revient pas à faire vos propres choix!


Les Québécois ont un certain espace pour prendre leurs décisions, mais pas trop. S’il veut en sortir, on le renvoie vite dans son coin. L’attitude des fédéraux dans le dossier des signes religieux, un débat québécois, en fait foi.


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Simon-Pierre Savard-Tremblay179 articles

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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).