La formule Dumont (2)

Québec 2007 - ADQ



Les allocations aux parents encouragent-elles la natalité? C'est ce qu'assure Mario Dumont, en promettant 100 $ par semaine aux parents d'enfants d'âge pré-scolaire qui ne fréquentent pas les garderies subventionnées. M. Dumont affirme que c'est par de telles mesures que la France a réussi à augmenter son taux de natalité.
Il est vrai que la France, aujourd'hui, est la championne européenne de la natalité, avec en moyenne un peu plus de deux naissances par femme. Les taux de natalité, au Québec comme en Allemagne, en Espagne et en Italie, sont au-dessous de 1,4; même la très catholique Pologne arrive loin derrière, avec un taux de remplacement de 1,3.
Il n'y a pas de doute que la myriade de mesures incitatives offertes aux familles par les gouvernements français ont joué considérablement : vaste réseau de crèches et de maternelles publiques, généreux congés de maternité, allocation mirobolante à partir du troisième enfant, privilèges divers aux parents de plus de cinq enfants
Mais les mesures d'incitation financière n'auraient pas suffi. En France, le taux de natalité est directement lié aux valeurs de la société, et particulièrement à la force des liens familiaux.
Si seules comptaient les mesures d'incitation financière, c'est essentiellement dans les milieux démunis que la hausse de la natalité se ferait sentir. Or, en France, les familles nombreuses, loin d'être l'apanage des classes rurales et des immigrés, se retrouvent au moins autant dans les classes moyennes et bourgeoises.
Alors qu'au Québec, la fertilité est souvent le fait des femmes les moins aptes à éduquer des enfants (les jeunes femmes seules non instruites ou qui vivent de l'aide sociale trouvant dans la maternité une sorte de valorisation personnelle), en France, la natalité est élevée dans les familles les plus stables et les plus prospères, chez les couples mariés de classe moyenne.
Et en général, ces mères de familles nombreuses sont des professionnelles extrêmement actives sur le marché du travail. Les exemples abondent. On n'a qu'à penser à Ségolène Royal (quatre enfants), à Claire Guymard, l'épouse d'un ancien ministre des Finances (huit enfants et une profession exigeante).
J'ai déjà mentionné ce reportage du magazine Elle sur " les nouvelles patronnes ", une dizaine de femmes qui occupent des postes importants dans l'entreprise. Détail significatif, elles étaient toutes mariées et avaient toutes entre deux et quatre enfants. Faites la même enquête au Québec, je mettrais ma main au feu que nos " nouvelles patronnes " seront en majorité célibataires ou divorcées et que les rares mères de famille n'auront pas plus de deux enfants chacune. Ici, Pauline Marois, avec ses quatre enfants, a toujours fait figure d'exception.
C'est dans les quartiers centraux de Paris que l'on peut le mieux juger de cette réalité très particulière à la France. Les rues, les bus, les métros sont remplis de jeunes mères de famille élégantes ou de jeunes pères BCBG qui traînent deux, trois marmots. Allez, le dimanche, au parc Monceau, à la place des Vosges ou au Luxembourg : vous verrez que la famille nombreuse se porte très bien chez les jeunes couples de Français des classes moyennes et bourgeoises.
Il y a très nettement, derrière ce phénomène qui ne laisse pas d'étonner les observateurs (le chroniqueur du Herald Tribune, William Pfaff, établi à Paris depuis des décennies, mentionnait récemment que les amis de ses enfants ont tous trois ou quatre enfants), une question de valeurs : l'importance primordiale accordée à la famille.
Même si le nombre de mariages en France a légèrement diminué au profit du PACS (l'union de fait sanctionnée par l'État), les couples sont plus stables, et les liens familiaux plus forts que partout en Amérique, y compris au Québec. Les jeunes couples déjeunent, le dimanche midi, avec leurs parents. L'été, à Pâques ou à Noël, ils vont en vacances chez leurs parents ou leurs grands-parents. On fréquente la famille élargie. Les naissances vous inscrivent encore plus profondément dans la chaîne familiale.
Certes, ce modèle conservateur n'a pas que des avantages. Mais si l'on parle de natalité, il explique pourquoi les Français dont les revenus sont élevés (et qui donc ne sont pas mûs par des considérations financières) veulent avoir plusieurs enfants, et pourquoi ils sont prêts à s'investir à très long terme dans un projet familial.
Bref, contrairement à ce qu'affirmait Mario Dumont, l'exemple français montre que si les mesures d'incitation étatiques comptent énormément, la natalité est d'abord et avant tout une question de valeurs sociales.


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