La fin du catholicisme?

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« Un peuple peut-il vraiment faire table rase de son passé sans s’automutiler ? »



La nouvelle est parue sans trop susciter d’intérêt : le nombre des baptêmes est en chute libre au Québec. Rien de surprenant, dira-t-on, dans une société qui a tourné le dos au catholicisme et qui considère de manière très négative la religion.




Baptême




Certes, longtemps, les Québécois ont continué de faire baptiser leurs enfants même s’ils n’avaient plus la foi. C’était la puissance de la tradition. C’était un code culturel largement partagé. Mais il y a des limites, apparemment, à continuer de pratiquer une tradition vidée de son sens. Un jour, sans même s’en rendre compte, le commun des mortels l’abandonne. Il s’agit désormais d’une tradition morte, qui ne nous dit plus rien.




Certains chercheront à nous convaincre que ce n’est pas très grave, surtout dans une société qui considère que la religion appartient au monde d’hier.




Mais ce n’est pas aussi simple que ça.




Car le catholicisme n’était pas qu’une foi. Il a servi, pendant plusieurs siècles, de structure mentale et de cadre culturel et symbolique à notre peuple. Il était alors absolument indissociable de notre identité collective et nous connectait au monde. Il suffit de penser à nos paysages, à notre architecture, aux grandes fêtes de notre calendrier pour nous en convaincre.








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Il suffit de penser aussi à notre vocabulaire pour savoir à quel point le catholicisme nous imprègne. Les Québécois savent-ils encore ce qu’ils disent lorsqu’ils hurlent ostie, ciboire, crisse, câlisse, tabarnak et ainsi de suite ?




Que serait le Québec sans cet imaginaire, sans cette identité profonde ? Est-ce qu’un peuple peut arracher ses propres racines sans tôt ou tard dévitaliser sa culture ?




Si les Québécois deviennent absolument étrangers au catholicisme, même à la manière d’une tradition culturelle, ne risquent-ils pas de devenir tout simplement étrangers à eux-mêmes ? Un peuple peut-il vraiment faire table rase de son passé sans s’automutiler ?




Qu’arrivera-t-il le jour où nous ne comprendrons tout simplement plus nos ancêtres, qui croyaient au ciel, et que nous les considérerons simplement comme des aliénés ?




D’ailleurs, la décomposition des traditions catholiques n’est pas sans effets sur la vie concrète. Une société a besoin de rituels pour s’inscrire dans la durée et marquer les différentes étapes de l’existence. Il faut un rituel pour marquer l’entrée dans la vie. Il faut un rituel pour marquer l’union de deux êtres qui s’unissent aux yeux de la collectivité et fonder une famille. Il faut un rituel pour marquer la mort.




Culture




Et nous constatons, aujourd’hui, qu’il est bien plus facile de sacrifier une tradition que de la remplacer. On le voit notamment avec les funérailles qui virent souvent à la farce triste, ce qui est peut-être inévitable quand chacun cherche à bricoler son rituel improvisé.




Nous ne redeviendrons pas demain ou après-demain catholiques, même si certains demeureront malgré tout fidèles, d’une manière ou d’une autre, à notre vieille religion, celle de nos ancêtres. Mais nous pourrions chercher à maintenir un lien culturel avec ce passé qu’on ne saurait réduire à une collection de souvenirs honteux. Peut-être portait-il même une certaine sagesse.