La fin de la récréation?

1997

30 juillet 1997

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Vous le dirai-je? Lors de la commémoration de la visite de Charles de Gaulle, je me suis mise à espérer que cet événement sonnerait peut-être la fin de la récréation au Québec.
Car, on l'aura constaté, le gouvernement fermait la machine souverainiste dès l'an dernier. Depuis, c'est la «récréation», c'est la mise en veilleuse de l'option, c'est l'incapacité de contrer le Plan B ou les partitionnistes, ce sont les reculs sur le front de la langue dont les effets débordent déjà de Montréal, c'est un Bloc québécois d'une discrétion frôlant l'inanition, etc.
Depuis le début de cette récréation, on assiste aussi à une espèce de chasse à ce que les médias nomment les «radicaux» ou les «purs et durs» du mouvement. Ceux qu'on appelle faussement les «ayatollahs» et les «hard-liners» ont été marginalisés à l'intérieur même de leur propre camp. Notez bien, ce sont, curieusement, des fédéralistes qui, dès janvier 1996, réclamaient haut et fort que l'on isole ces présumés «radicaux». Et lorsque votre adversaire vous demande quelque chose...
Le résultat, fort prévisible, ne s'est pas faire attendre. Les débats de fond furent évacués (car on ne discute pas avec des supposés «radicaux»!) et la coalition de 1995 entre les ailes dites «molle» et «dure» a commencé à s'effriter. Pourtant, comme nous l'enseignent l'histoire et un certain Machiavel, c'est à la direction d'un mouvement qu'il revient de soigner ses alliés, et non l'inverse. Sinon, le camp faiblit irrémédiablement de l'intérieur. La morale de cette histoire: il est toujours hasardeux d'écouter ses adversaires et de trop tenir pour acquis ses meilleurs militants...
Mais il faut sûrement s'entêter à croire que le général de Gaulle en inspirera quelques-uns et en extirpera d'autres de leur sommeil. Jeudi soir, sous le balcon de l'hôtel de ville, le vice-premier ministre, Bernard Landry, semblait vouloir siffler la fin de la récréation. «Nous devons nous faire mutuellement l'engagement de consacrer toutes nos forces démocratiques, disait-il, pour commencer la mobilisation qui va nous conduire à l'étape suivante.» Fort bien. Mais encore faut-il que l'exemple vienne d'«en haut» puisque c'est au gouvernement qu'il revient de reprendre une mobilisation qu'il a cessée lui-même.
Parce que la souveraineté n'est pas inéluctable en soi, il est urgent d'entreprendre un travail permanent de pédagogie populaire. Bref, plutôt que de s'«indigner» face au Plan B et aux partitionnistes, il faut expliquer et surtout il faut agir. Et agir, c'est affirmer sur toutes les tribunes, québécoises, canadiennes et internationales, le droit absolu du peuple québécois à disposer de lui-même et à quitter le Canada avec l'entièreté de son territoire. D'où la nécessité, entre autres choses, de reconstruire notre réseau de délégations générales.
Agir, c'est se doter d'un équivalent souverainiste du Conseil privé d'Ottawa. C'est aider à la mise sur pied de «think tanks» souverainistes formés de chercheurs, d'analystes et de stratèges. C'est se donner une infrastructure solide et s'assurer qu'avant le prochain référendum, chaque question aura trouvé réponse.
Agir, c'est reconstruire la coalition, cesser la chasse aux présumés «radicaux» et faire une place à tout le monde, aux «mous» comme aux «durs». Agir, c'est soutenir les organismes souverainistes et stimuler la participation active de la société civile. Bref, agir, c'est cesser de croire qu'un pays se crée par la pensée magique.
Agir, c'est aussi comprendre que, pour de nombreux Québécois, la souveraineté est la chance ultime de se donner un pays plus progressiste et de langue française. Il faut donc savoir d'avance que, le moment venu, rares seront ceux à se mobiliser pour les beaux yeux d'une agence de cotation ou pour un Québec bilingue. D'autant plus que l'on sait que cette francité si précieuse n'a pas empêché et n'empêchera jamais le respect des droits de la minorité.
Lors de la commémoration de la visite de Charles de Gaulle, les Français nous ont rappelé quelques devoirs. Contrairement à ceux qui se laissent ici écraser par le rouleau compresseur de la rectitude politique, ces hommes, de toute évidence, comprennent le pouvoir des mots. Comme pour nous rafraîchir la mémoire, chacun des messages livrés par les invités français et par les cinq principaux partis politiques de France nous parlait de deux combats essentiels: celui pour la «liberté» des citoyens et des peuples, et celui pour la langue française en Amérique et dans le monde. Face au Plan B et à l'affaiblissement troublant de la loi 101, ce message est d'une puissante actualité.
Il reste maintenant à voir si ce combat voulant que les Québécois se gouvernent pleinement et en toute liberté reprendra et si l'on sifflera avec clarté la fin de cette longue récréation. Et, siffler la récréation, ce n'est pas parler, parler et parler encore. C'est agir, agir et agir enfin.


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