La reconnaissance de la nation québécoise
Après avoir connu un certain paroxysme autour des fêtes de la St-Jean 2006 (notamment lors de la réunion à Québec du caucus du gouvernement de Stephen Harper), le débat sur la reconnaissance de la nation québécoise s'est évanoui quelque peu dans l'opinion publique, jusqu'au moment où le candidat à la chefferie du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, décide de prendre une initiative un tant soit peu inusitée pour un politicien fédéraliste d'allégeance libérale.
Inusitée aux yeux d'un souverainiste évidemment, car depuis l'ère Trudeau, nous avions été habitués à un tout autre discours de nature belliqueux, à propos de toute concession, de quelque nature que ce soit, sur le statut politico-constitutionnel du peuple québécois. A-t-on besoin de rappeler l'échec lamentable de l'absence du Québec lors du rapatriement de la Constitution canadienne, de l'échec constitutionnel du Lac Meech, de l'échec des accords de Charlottetown, du vol référendaire de 1995 et du scandale des commandites ? Les libéraux fédéraux ont une pente très sévère à remonter au Québec, et ils en sont parfaitement conscients. Qu'on vienne alors nous sortir un beau gros lapin du chapeau, faut-il s'en étonner ? Poser la question, c'est y répondre.
La question que l'on doit se poser devant un si bel effort soudain des libéraux pour tenter de conquérir à nouveau l'électorat québécois, est celle-ci : que contient au juste cette reconnaissance de la nation québécoise ?
Quand je les entends proclamer ce nouveau credo, je me demande si nous ne nous retrouvons tout simplement pas devant une coquille vide ? A part les belles paroles, ce nouveau concept « ignatieffien » de la nation québécoise, où aucun nouveau pouvoir n'est accordé au Québec, pas plus que l'ombre d'une promesse de rouvrir le débat constitutionnel, je me dis qu'il faut être terriblement affamé pour se contenter d'une aussi minable pitance.
Consensus impossible ?
Depuis que Michael Ignatieff a lancé ce débat qui a largement débordé le cadre de la course à la chefferie du PLC, et tout comme le signalait à juste titre Marie-France Bazzo un peu plutôt cette semaine à Bazzo.tv, on dirait que M. Ignatieff s'est complètement effacé du portrait en véritable espiègle une fois la chicane engagée.
Par exemple, un groupe de travail au PLC-Québec, présidé par l'ancien ministre Martin Cauchon, recommandait la reconnaissance du statut de nation au Québec, recommandation qui, comme on le sait, fut entérinée ultérieurement par le PLC-Québec.
Mais un son de cloche dissonant se fait entendre le 26 octobre dernier, alors que Justin Trudeau, fils de l'ancien Premier Ministre, déclare au journal La Presse que cette idée « date du XIXe siècle ». Évidemment personne ne s'étonnera que le fils vienne défendre, bec et ongle, l'héritage de son père.
Même chez les adversaires de Michael Ignatieff, l'idée de la reconnaissance de la nation québécoise pose problème. C'est le cas entre autres de Bob Rae et du très perspicace Stéphane Dion. Ce dernier en particulier stipulait chez Maisonneuve à la Première Chaîne radio de la SRC cette semaine qu'il ne peut honnêtement reconnaître ce statut au Québec puisque personne ne s'entend sur une définition précise de « nation ». Bon, disons que nous avons affaire ici au Grand Maître de la sémantique au Canada.
Puis voilà que notre ancien premier ministre du Québec, monsieur Bernard Landry, a été incapable de résister à la tentation de sauter dans la mêlée à son tour. Le [27 octobre dernier, dans une lettre ouverte->2569] adressée au Premier Ministre du Canada, le Très honorable Stephen Harper, Bernard Landry invite ce dernier à s'inspirer de l'exemple de Michael Ignatieff, et à son tour, conférer au Québec le statut de nation. Évidemment tout comme monsieur Spock devant les insolences du Dr. Mckoy (série Star Trek), Harper est demeuré stoïquement silencieux et de glace devant la requête de monsieur Landry.
Mais il vaut la peine d'étudier de quelle tactique Bernard Landry s'y est pris pour essayer un tant soit peut de faire comprendre à Stephen Harper le plus gros des bons sens.
Et la meilleure analyse que j'ai relevée à ce propos, est celle qu'a faite le ministre Benoît Pelletier. Dans une lettre ouverte adressée à Bernard Landry, [publiée le 31 octobre dernier dans La Presse->2630], monsieur Pelletier remercie Bernard Landry du très grand service qu'il vient de rendre aux fédéralistes du Québec :
« Dans un texte d'une candeur étonnante, paru le 27 octobre dernier dans La Presse, Bernard Landry affirmait que "la nation québécoise possède et contrôle déjà un puissant État-nation (...) Notre État-nation même sans la souveraineté complète est même plus puissant à certains égards que bien des États-nations formellement souverains ne le sont en réalité. Notre État dispose déjà d'importants moyens juridiques et financiers (...)". Le Québec devenu indépendant, ajoute-t-il, " n'aura en pratique qu'un seul ministère à créer, celui de la Défense nationale (...) Il a déjà tous les autres.
Jamais un leader souverainiste n'a fait un tel aveu concernant les rôles et responsabilités du Québec au sein de la fédération canadienne. Cet État-nation puissant, dont parle Bernard Landry, s'est développé à l'intérieur du Canada. Loin d'être colonisés, opprimés ou bafoués, les Québécois bénéficient, selon Landry, de compétences qui font l'envie d'un grand nombre d'États souverains. »
Puis le clou de la semaine est venu de [Louis Bernard. Dans une réflexion publiée le 1er novembre dans Le Devoi->2646]r, qui est d'une rigueur intellectuelle dont il sait toujours faire preuve dans ses écrits, monsieur Bernard met les fédéralistes devant un choix : ou bien la reconnaissance de la nation québécoise signifie également une réforme en profondeur du système fédéral canadien dans une nouvelle ronde constitutionnelle ou le Québec devient un pays souverain.
Pour ma part, le scénario de la ronde constitutionnelle est un film d'horreur dans lequel nous devons éviter à tout prix d'être à nouveau les victimes, et il est hors de question que le Québec s'engage dans un Lac Meech phase II. Il n'y a qu'un seul et véritable choix et c'est la création d'un nouvel État-nation indépendant au plan politique et constitutionnel que deviendra un jour le Québec, et il est à souhaiter qu'il soit républicain par surcroît.
Conclusion
La seule question que je me pose en observant cette « bagarre générale » est se savoir à quoi sert la reconnaissance du statut de nation au Québec si elle n'a pour but de servir que les simples apparences ? Cessons de nous casser la tête sur des concepts sur lesquels personne, de bonne foi ou non, ne semble vouloir s'entendre, et passons aux vraies affaires : un pays souverain.
Épilogue
Près d'une semaine est passée depuis la publication du « Merci, monsieur Landry » où le ministre Pelletier soulève des observations justifiées à mon sens, et celles-ci sont demeurées sans réponse depuis, de la part de l'ancien premier ministre Bernard Landry. Après que ce dernier eût clamé tout haut son droit de parole sur la place publique (contrairement au devoir de réserve qu'un ancien premier ministre observe pendant un certain temps après avoir quitté la vie politique), il est plutôt déconcertant que le silence règne du côté de monsieur Landry. Ce genre de silence laisse place à toutes sortes de spéculations et n'est pas nécessairement très sain dans le débat public présent.
Ce qui vient spontanément à l'esprit est de savoir si un tel silence ne risque pas, à toute fin pratique, de peser très lourdement de sens sur le mouvement souverainiste et ce pour longtemps ?
Il nous est permis de croire que la question est tout à fait justifiée dans le contexte actuel...
La bagarre générale
Chronique de Normand Perry
Normand Perry126 articles
On pourrait le décrire comme un grand passionné de communication, de philosophie, de politique, d'histoire, d'astronomie, de sciences, de marketing, de musique classique et d'opéra. Normand Perry mène une vie publique bien remplie, toujours avec des projet...
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On pourrait le décrire comme un grand passionné de communication, de philosophie, de politique, d'histoire, d'astronomie, de sciences, de marketing, de musique classique et d'opéra. Normand Perry mène une vie publique bien remplie, toujours avec des projets plein la tête et des rêves à réaliser.
Après avoir obtenu un premier diplôme universitaire en philosophie au milieu des années ’90, Normand Perry débute sa vie publique comme pamphlétaire, exprimant ses opinions librement, ces dernières étant publiées régulièrement dans les journaux régionaux, les quotidiens et divers sites Web.
Depuis avril 2004, il travaille chez [Soleil communication de marque->http://www.soleilcom.com/], agence de publicité montréalaise, où il est au développement des affaires, en veille stratégique et aux relations publiques.
Depuis juillet 2010, il s’est vu confié un projet radiophonique à [l’antenne de Radio Ville-Marie->http://www.radiovm.com/index.aspx] où il conçoit, réalise, anime et supervise le montage d’une émission portant sur l’orthodoxie chrétienne au Québec : [Voix Orthodoxes->http://www.voixorthodoxes.org/].
Sa plume va le conduire en politique active.
Après s’être fait connaître comme pamphlétaire à partir du début des années 2000 dans sa région du Suroît, il se fait remarquer, et on lui propose la présidence de circonscription au Parti Québecois dans Soulanges au début 2005. Suite à la démission inattendue de Bernard Landry en juin 2005 comme chef de cette formation politique, Normand Perry appuie d’emblée la candidature de Louis Bernard tout en s’opposant farouchement à l’élection d’André Boisclair. Lorsque ce dernier remporte la chefferie du PQ en novembre 2005, Normand Perry démissionne de sa présidence et quitte le PQ sur-le-champ.
A l’automne de la même année il se fait élire au conseil municipal à Les Coteaux dans la circonscription de Soulanges au Québec. Il se voit confier notamment les responsabilités du comité des loisirs, où conçoit et implante un programme de subvention à l’activité sportive pour les jeunes; il occupe la vice-présidence du HLM, il aussi responsable de la sécurité publique et participe activement à la fondation de la Régie inter municipale des Pompiers du Lac-St-François (fusion des services des incendies de Les Coteaux et St-Zotique).
Lors de la création du nouveau parti politique Québec solidaire en février 2006, il en devient membre et participe au congrès de fondation à Montréal. Il se porte candidat aux élections provinciales de mars 2007 pour cette formation politique dans la circonscription de Beauharnois.
Après ces quelques années en politique active, il poursuit son œuvre de réflexion pamphlétaire, notamment sur le [Blogue de Normand Perry->http://normandperry.blogspot.com/] tout comme sur Vigile et bien d’autres médias québécois
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