L’UPAC devient un corps policier indépendant

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Ça ne changera rien à l'affaire : l'UPAC demeurera la police politique du PLQ

C’est fait : l’Unité permanente anticorruption (UPAC) peut désormais devenir un corps de police spécialisé dans la lutte contre la corruption, en vertu du projet de loi 107, adopté ce mercredi par l’Assemblée nationale. Elle formera un corps policier, et n’aura plus à « emprunter » ses enquêteurs à la Sûreté du Québec ou à divers services de police municipaux. En pleine tourmente, mise à mal par des révélations sur le climat de travail délétère qui règne entre ses murs et par des enquêtes qui n’aboutissent pas, l’UPAC méritait-elle d’obtenir davantage d’indépendance ? Les points de vue divergent.



Un climat de travail décrié



Poursuite, témoignages en Cour, rapports officiels, dénonciations syndicales : les indices sur la morosité du climat de travail au sein de l’UPAC se sont multipliés au fil des semaines.



D’un côté, les syndicats et les élus des partis d’opposition ont martelé qu’un « ménage » s’imposait à l’UPAC. La semaine dernière, les partis d’opposition ont tenté — en vain — d’ajourner les travaux sur le projet de loi 107 pour « prendre le temps de bien évaluer [la situation], parce qu’il s’est dit beaucoup de choses concernant le climat de travail à l’UPAC », comme l’a exprimé le député péquiste Martin Ouellet.



Mais le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a gardé le cap. « Ce n’est pas aux parlementaires de se substituer à la direction d’une organisation pour tenter de régler des questions internes en matière de relations de travail », a-t-il soutenu.



Le journaliste et ex-enquêteur de la commission Charbonneau, André Noël, ne croit pas à la panacée : l’indépendance de l’UPAC ne réglera pas ses problèmes « du jour au lendemain », avance-t-il. Quand même, ses « problèmes de gestion interne et de mauvais climat de travail » s’expliquent selon lui en partie par le fait qu’elle emprunte ses employés à divers corps policiers, car cela crée « un lien hiérarchique confus ». « La direction n’est pas claire. Et il y a un risque de fuites, journalistiques ou autres — par exemple, que [des informations] viennent aux oreilles des accusés qui font l’objet d’une enquête. Plus il y a des gens de l’externe impliqués, plus le risque est élevé », observe-t-il.



Le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, Pierre Veilleux, se dit plus « pessimiste ». « Quand j’entends que d’un coup de baguette magique, on va tout régler les problèmes, qui sont profondément ancrés à l’UPAC à cause de la mauvaise gestion, je commence à avoir peur pour l’intégrité de mes membres », lance-t-il. « Ils veulent prendre l’indépendance, pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas qu’on les représente, que les syndicats s’en mêlent. C’est nous qui nous occupons des relations de travail », s’inquiète-t-il. « On n’a pas besoin de modifier quelque article du projet de loi 107 pour [faire des ententes avec les syndicats] », a répliqué le ministre Coiteux mardi. « On a juste à s’asseoir entre partenaires et à trouver une solution, et c’est ce qu’on est prêts à faire. »



Un nouveau processus de nomination



Les trois partis d’opposition en ont fait un cheval de bataille : le projet de loi 107 aurait dû prévoir la nomination du commissaire à l’UPAC à l’issue d’un vote aux deux tiers de l’Assemblée nationale, ont-ils répété. « Il n’est pas normal que le PLQ choisisse seul, derrière des portes closes, la personne qui va mener les enquêtes sur le financement des partis politiques, dont celles qui touchent le Parti libéral », a pesté le député caquiste Simon Jolin-Barrette.



Ici, tant André Noël que la professeure de droit à l’Université de Montréal Martine Valois servent un avertissement : l’UPAC relève du pouvoir judiciaire, et il est impératif de respecter les principes de séparation des pouvoirs.




  Il faut le plus possible éloigner la nomination et l’UPAC du pouvoir politique.


— André Noël, journaliste et ex-enquêteur de la commission Charbonneau




Avec le projet de loi 107, le gouvernement s’en remet plutôt à un comité de sélection, composé de deux sous-ministres et de trois acteurs issus des milieux du droit, policier et municipal, qui recommande la nomination d’un commissaire pour un mandat de sept ans non renouvelable. Le choix d’instaurer un comité est conforme à une recommandation de la commission Charbonneau, rappelle André Noël. « C’est difficile d’imaginer un complot où le premier ministre veut imposer la personne de son choix », dit-il. « Il faudrait qu’il manoeuvre pour imposer sa décision non seulement au sous-ministre, mais aussi à ces trois personnes qui sont indépendantes du gouvernement, avec tous les risques que ça se sache et que ce soit un scandale qui implique le premier ministre. »



À la demande commune des partis d’opposition pour un vote aux deux tiers, Québec solidaire ajoute le souhait de voir l’UPAC créer un poste de co-commissaire qui serait pourvu par un civil. « Il ne faut pas que ça reste entre les mains des policiers », a fait valoir la députée Manon Massé.





Des comités de surveillance



Face à l’insistance des partis d’opposition et devant l’accumulation de scandales — arrestation de Guy Ouellette et démission du numéro deux de l’UPAC —, le gouvernement a annoncé en décembre la création de comités de surveillance des activités de l’UPAC. « J’ai voulu aller plus loin parce que c’est très important de rassurer le public sur le fait que les enquêtes de l’UPAC sont menées de façon rigoureuse, efficace, indépendante, impartiale et sans entrave », s’est alors félicité le ministre Coiteux. L’opposition s’en est réjouie, tandis que le premier ministre a déclaré que « c’est le comité de surveillance qui représente la meilleure réponse » aux problèmes internes qui minent l’UPAC.



Le comité, formé de trois personnes nommées par l’Assemblée nationale, veillera à la bonne administration des enquêtes de l’UPAC, sans toutefois y interférer. « Mais c’est une bébelle à peu près inutile », estime André Noël, qui ajoute que « de toute façon, quoi qu’on en dise, il y a une multitude de pare-feu pour surveiller l’UPAC ». Cette dernière « ne peut pas entreprendre une enquête sans en aviser le Directeur des poursuites criminelles et pénales », rappelle-t-il. Ses membres doivent respecter le Code de déontologie des policiers, sa gestion peut être examinée par la vérificatrice générale et son commissaire peut être suspendu par le ministre, à la suite d’une recommandation de la Commission de la fonction publique.


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