Relecture de presse et déclaration du ministre

L'universitaire Stéphane Dion

Par Jacques Rivet

Option Canada

Le conseil général du Parti libéral du Québec (PLQ) venait d'avoir lieu à Québec durant le week-end du 27 janvier 1995. Les militants libéraux avaient eu l'occasion d'entendre un exposé d'«un politicologue bien coté de l'Université de Montréal, Stéphane Dion» (Le Devoir, Michel Venne, 30 janvier 1995, page A 3). À l'époque, ce professeur était également très «bien coté» par la Société Radio-Canada puisqu'elle l'invitait régulièrement en tant qu'expert indépendant des partis politiques à donner ses avis sur divers aspects de la chose publique dans ses émissions d'information. Lors de ses prestations publiques, l'universitaire Dion, à titre de citoyen et de chercheur, n'a jamais dissimulé sa conception fédérative du Canada.
Dans son exposé au conseil général du PLQ en janvier 1995, il avait morigéné les délégués pour leur acceptation passée du rapport Allaire. Par la suite, il a expliqué au reporter du Devoir, Michel Venne, le sens du «nous» de l'expression «nous gagnerons le référendum» qu'il avait employée à la fin de son propos. Il parlait des fédéralistes et non pas des libéraux du Québec, lui a-t-il affirmé. Selon le reporter, il estimait «qu'il est du devoir des citoyens d'exprimer leur position sur cette question» et qu'il croyait «très peu à la neutralité des commentateurs politiques, quels qu'ils soient, sur cette question».
L'exposé de l'universitaire Dion venait après celui du président du comité référendaire du PLQ, Michel Bélanger. Présent comme observateur dans l'auditoire, le professeur Vincent Lemieux, de l'Université Laval, avait trouvé que «M. Dion était allé assez loin pour un universitaire. On aurait dit que M. Bélanger était l'universitaire et M. Dion le politicien», rapportait Michel Venne.
Devançant la publication de l'ouvrage de Normand Lester et de Robin Philpot, Les Secrets d'Option Canada, le 7 janvier dernier, le ministre Stéphane Dion a déclaré à certains médias «avoir travaillé avec le gouvernement du Canada comme un chercheur honnête» en guise de justification de son comportement de chercheur de jadis. Précisément, les questions suivantes dans la foulée de cette déclaration publique se posent alors : Stéphane Dion a-t-il conservé toute son indépendance du Parti libéral du Canada en tant que scientifique «bien coté» au moment où il a «travaillé avec le gouvernement du Canada» ? Ou bien aurait-il poussé cette collaboration au point de se mettre au service d'intérêts partisans sous couvert d'une démarche indépendante de chercheur universitaire ?
L'indépendance en question
Le comportement de l'universitaire de jadis apparaît maintenant comme un cas de figure en ce qui concerne l'indépendance du scientifique dont les avis sont souvent sollicités par les pouvoirs et les médias en tant que chercheur réputé. Le fait d'avoir une conception fédérative du Canada n'a jamais fait de lui un partisan libéral ni entaché sa compétence de chercheur. Les questions mentionnées ci-dessus relèvent cependant de l'éthique de la communication publique.
En effet, tout universitaire qui veut se prémunir contre l'influence excessive d'une organisation publique ou privée en tant que commanditaire de ses recherches conserve davantage son indépendance en gardant le contrôle de leur communication publique. Il peut en négocier les modalités de diffusion avec les organismes concernés à la suite de son travail pour leur compte. Il a pourtant le devoir de faire en sorte que celles-ci soient accessibles au public averti comme au grand public. Ce principe s'applique pour toutes les sciences et particulièrement en sciences humaines et sociales.
Au cours des dernières années précédant son entrée officielle en politique, Stéphane Dion a été entraîné dans une activité d'accroissement de sa notoriété publique grâce à des interventions sollicitées par divers organismes politiques et médiatiques, dont la Société Radio-Canada. Il est bien difficile de ne pas le voir aller à cette époque à la lumière du lieu où il est actif aujourd'hui. Il est devenu le politicien que son comportement d'universitaire au congrès général du PLQ avait laissé entrevoir à certains.
Et un aspect éthique de communication publique est soulevé à la suite de sa déclaration récente en ce qui concerne son ancien travail d'universitaire : la possibilité pour le public de prendre connaissance des études qu'il a réalisées pour le compte de ce gouvernement. En effet, l'universitaire indépendant a le devoir d'aviser le Prince en toute lumière et non en secret.
Jacques Rivet, Professeur titulaire au département d'information et de communication de l'Université Laval


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