Le premier ministre a pourtant nommé l'un des principaux acteurs d'Option Canada à titre de représentant du Québec à Toronto
Québec - Le ministre responsable de la Loi électorale, Benoît Pelletier, a nié, hier, que Jean Charest ait été au courant des agissements d'Option Canada lors du référendum de 1995. Il a toutefois passé sous silence l'implication, au sein de cet organisme occulte, de Jocelyn L. Beaudoin que le premier ministre a nommé chef de poste au Bureau du Québec à Toronto en octobre 2004.
Ce n'est que par voie de communiqué que le gouvernement Charest a réagi aux révélations contenues dans le livre Les Secrets d'Option Canada, lancé hier par Normand Lester et Robin Philpot. S'appuyant sur des documents qui avaient disparu mais qui ont refait surface, les auteurs allèguent qu'Option Canada a dépensé quelque trois millions durant la campagne référendaire en contravention avec la Loi électorale.
M. Pelletier «a nié fermement les allégations des auteurs ciblant le premier ministre Jean Charest», peut-on lire dans le communiqué diffusé par son cabinet.
Le ministre s'est réjoui que le Directeur général des élections du Québec (DGE), Marcel Blanchet, à qui Normand Lester a promis de remettre une copie de tous les documents qu'il a en sa possession, ait décidé de procéder à une enquête sur Option Canada. «Il est sain et rassurant pour la démocratique québécoise que le DGE vérifie les allégations des auteurs, la crédibilité de leurs sources et la rigueur de leur travail», écrit-il.
Selon les auteurs, Jocelyn L. Beaudoin, qui a été pendant 35 ans le pilier du Conseil de l'unité canadienne (CUC) et qui représente aujourd'hui le Québec à Toronto, «était de tous les mauvais coups de la nébuleuse d'Option Canada». D'ailleurs, la facture de 12 000 $ qu'a présentée Pierre Pettigrew, qui était consultant à l'époque, pour une série de cinq articles publiés dans La Presse lors de la campagne référendaire était adressée à M. Beaudoin. Elle aurait été acquittée par Option Canada.
Or, dans les jours qui ont suivi la nomination de M. Beaudoin au Bureau du Québec à Toronto, M. Pelletier, qui s'appuyait sur une lettre produite par le nouveau chef de poste, a affirmé à l'Assemblée nationale que celui-ci «a démissionné d'Option Canada le 8 septembre 1995, et donc il n'a pas pris part aux différentes activités qui ont été reprochées à Option Canada». Infirmant cette affirmation, les auteurs Lester et Philpot demandent au gouvernement Charest de démettre M. Beaudoin de ses fonctions.
Au bureau du DGE, on a indiqué, hier, qu'il y avait peu de chances que son enquête soit publique comme le réclament MM. Lester et Philpot. «Quant à savoir s'il s'agira d'une enquête publique sur le modèle de Gomery, on est en train de vérifier si légalement on a le pouvoir [de la mener] et c'est loin d'être sûr», a souligné le porte-parole du DGE, Denis Dion.
Les auteurs ont pris contact récemment avec le DGE pour lui montrer certains des documents qu'il avaient en main et qui émanent d'Option Canada. Même si la prescription de cinq ans est échue depuis longtemps, ce qui empêche les poursuites pénales, le DGE, convaincu qu'il dispose désormais de tous les éléments pour faire enquête, entend faire la lumière sur les dépenses d'Option Canada. «Notre objectif est la transparence. Les Québécois ont le droit de savoir si leur loi électorale a été respectée ou si elle n'a pas été respectée durant cette période», a dit M. Dion.
Après le référendum de 1995, le DGE à l'époque, Pierre F. Côté, avait tenté en vain de faire enquête sur Option Canada. Le DGE, qui n'avait pas accès aux documents dévoilés aujourd'hui, s'était «buté à un mur de silence», a rappelé M. Dion. «Là, on est équipés pour faire enquête», a-t-il dit. Après une analyse minutieuse des documents, les témoins impliqués - au premier chef le président d'Option Canada Claude Dauphin et Jocelyn L. Beaudoin - seront interrogés, a-t-il précisé. L'enquête durera plusieurs mois, selon son évaluation.
En dépit des révélations de MM. Lester et Philpot, M. Pelletier a soutenu que le référendum de 1995 n'avait pas été volé. Le ministre a cité le cas des dépenses que le gouvernement péquiste avait engagées avant le référendum. Il a évoqué les bulletins de vote en faveur du NON rejetés dans les circonscriptions de Marguerite-Bourgeoys, de Chomedey et de Laurier-Dorion, tel que cela a été constaté par le DGE à la suite d'une enquête fructueuse. Sans toutefois accuser le gouvernement péquiste d'avoir enfreint la loi électorale, M. Pelletier a stigmatisé les souverainistes pour avoir mis «l'ensemble des ressources de l'État du Québec au service de leur obsession».
Pour sa part, le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, appuie la tenue d'une enquête sur les révélations contenues dans le livre de MM. Lester et Philpot. «Dès le lendemain du référendum, on savait qu'il y avait des événements nébuleux au sujet du financement du camp du NON», a déclaré le chef adéquiste. M. Dumont estime que M. Charest doit également faire connaître son point de vue sur les allégations formulées à son endroit.
«Il est le premier gardien de nos institutions, de la démocratie et de la Loi électorale», a dit M. Dumont.
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