L’oeuf de Colomb

Conflit étudiant - sortir de l'impasse



Au moment où les casseroles reprenaient leur tintamarre, le Québec tout entier retenait son souffle dans l’espoir d’une entente qui mettrait fin à trois mois de turbulence. Même ceux qui se félicitent d’un réveil politique aussi contagieux appréhendent un dérapage qui pourrait tout gâcher.
Heureusement, le gouvernement est maintenant condamné à trouver un terrain d’entente, quitte à reculer, et les étudiants le savent. Une campagne électorale déclenchée dans ce climat surchauffé serait la plus hargneuse de l’histoire récente du Québec. La tournée du premier ministre Charest deviendrait un véritable chemin de croix dont chaque station menacerait de tourner à l’émeute.
Même le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, ne parle plus de geler les droits de scolarité, mais plutôt d’en limiter la hausse. Le mot « moratoire » a également disparu du vocabulaire des représentants des associations étudiantes. Personne ne pouvait cependant croire sérieusement qu’après 108 jours de grève, ils pourraient se contenter de soustraire 35 $ à une hausse annuelle de 254 $ pendant sept ans. Ils se feraient lyncher dans leurs assemblées.
On est encore très loin du compte, mais on sait maintenant qu’il est possible de réduire la hausse, ou même de l’annuler complètement et à coût nul pour l’État par un simple ajustement du crédit d’impôt applicable aux droits de scolarité.
Les événements des dernières semaines ont cependant démontré toute la justesse du mot de Yogi Berra : « Ce n’est jamais fini tant que ce n’est pas fini. » Au début d’une soirée qui s’annonçait longue, la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, ne cachait pas sa déception devant la lenteur des négociations.
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Pourquoi a-t-il fallu tout ce temps pour imaginer une solution en apparence aussi simple, qui n’est pas sans rappeler l’oeuf de Colomb ? D’un budget à l’autre, les fonctionnaires du ministère des Finances, qui ont été appelés en renfort hier, s’ingénient à faire reculer les limites de la créativité comptable. Ils savaient certainement qu’un jeu de vases communicants pourrait régler le problème. Si le fiscaliste Luc Godbout y avait pensé, cette hypothèse ne peut pas leur avoir échappé.
Il est très difficile de se défaire de la troublante impression que le gouvernement a sciemment pris un terrible risque avec la paix sociale en laissant traîner les choses à des fins strictement électorales. Le refus obstiné du premier ministre de simplement saluer les leaders étudiants relevait de la provocation. Qu’aucun incident mortel ne soit survenu lors de ces innombrables affrontements entre manifestants et policiers tient presque du miracle.
Qu’il s’agisse du Suroît, des subventions aux écoles juives, de la vente du mont Orford ou encore de la création d’une commission d’enquête sur la corruption dans l’industrie de la construction, M. Charest a démontré à quel point sa lecture de l’opinion publique peut parfois être erratique.
L’effet boomerang de la loi 78 a été franchement spectaculaire. Le gouvernement a voulu faire une démonstration de force, alors que la souplesse aurait été de mise. Il pensait pouvoir gagner une élection sur le dos des étudiants, mais le résultat de ce mauvais calcul est qu’il ne peut plus se lancer en campagne sans un règlement négocié.
Tout n’est pas perdu pour autant. Une entente ne fera pas disparaître l’insatisfaction qui n’a cessé d’augmenter au fil des ans, mais la période estivale est généralement propice à un gouvernement, ne serait-ce que parce qu’il se fait un peu oublier.
L’État n’a pas à partager avec les associations étudiantes la gestion de la sécurité publique, mais il ne se lancera certainement pas dans une campagne électorale sans que la loi spéciale soit à tout le moins suspendue, sinon carrément annulée.
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Avec 32 % des intentions de vote, selon le plus récent sondage de Léger Marketing (31 %, selon CROP), le PLQ est à son meilleur niveau depuis l’été 2011. Aux élections du 15 novembre 1976, il avait fait le pire score de son histoire avec 33,7 % des voix. Cette fois-ci, les mêmes résultats pourraient lui permettre de former un gouvernement minoritaire.
La division du vote souverainiste pourrait coûter une bonne demi-douzaine de circonscriptions au PQ, soit au profit du PLQ, par exemple dans Crémazie, soit au profit de la CAQ, comme dans Nicolet-Bécancour.
Si les associations étudiantes pensent qu’une éventuelle entente ne sera qu’un expédient temporaire en attendant les prochaines élections, elles risquent d’être déçues. Un gouvernement libéral minoritaire appuyé par la CAQ maintiendrait vraisemblablement la hausse des droits de scolarité, tandis qu’un gouvernement péquiste minoritaire pourrait avoir du mal à l’annuler.
Un tel contexte, où les positions des uns et des autres sont souvent dictées par les intérêts électoraux, ne serait pas nécessairement le plus propice à la tenue du grand forum sur l’avenir des universités québécoises que réclament les étudiants.


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