L'inutilité des fédéralistes à Ottawa

Chronique d'André Savard


Depuis l’arrivée de John Parisella parmi la garde rapprochée de Jean Charest, on sent le retour des thèmes chers à Robert Bourassa. On ne saurait trop dire s’il s’agit réellement de “souveraineté culturelle dans un Canada économique”, comme le réclamait l’ancien premier ministre. Le Québec réclame sans trop savoir ce qu’il veut et sans s’être minimalement octroyé la liberté de vouloir.
Le Canada a une politique culturelle. Plusieurs formes d’institutionnalisation accompagnent cette politique. Le Canada finance des structures juridiques comme le Conseil de radiodiffusion, d’autres institutions comme le Conseil des Arts Canadiens, un dispositif relativement fermé sur lui-même. Le nombre des institutions culturelles canadiennes présentant ses règlements propres, ses structures hiérarchiques et une relative autonomie fonctionnelle est élevé.
Malgré leur relative autonomie fonctionnelle, ces institutions réitèrent, à leur échelle, les relations de pouvoir existant au Canada, le Fédéral étant l’instance de contrôle global. La politique culturelle canadienne a en fait formé un système complexe doté d’appareils multiples dont Radio-Canada. Les affres subis par Falardeau auprès de Téléfilm Canada montrent que l’unité canadienne demeure un principe de régulation des appareils culturels de l’Etat canadien en culture. Il n’y a qu’en rêve que politique et culture sont séparés.
Sauf avis contraire, quelques précisions qui seraient ultérieurement émises par le cabinet du premier ministre par exemple, ce n’est pas ce que Charest conteste. Charest veut plutôt une réallocation de certains fonds fédéraux à la “belle province” afin d’ajuster les procédures “à la québécoise”. Devant les résistances rencontrées par les milieux culturels québécois face au critère fédéral de la moralité des oeuvres, Charest a flairé le vent.
Charest, pour le bien de sa propre cause qui n’est pas la cause québécoise, devait affirmer en conférence de presse que le Québec devait échapper à la rationalisation que les Conservateurs veulent appliquer. Encore une fois, le Québec semble vouloir un “droit de compensation” dans un Canada détenteur de la politique culturelle, gardien du droit et de ses fondements. Dans ce monde de généralisation médiatique et de compétences fragmentaires des disciplines, le Fédéral conserve Radio-Canada, promet des interventions dans l’éducation post-secondaire, tandis que le Québec réclame de l’argent, une sorte d’enveloppe budgétaire consolatrice.
Qu’est-ce que le Québec veut? Des consolations. Charest est incapable de vouloir plus. La politique culturelle québécoise et toutes les institutions étatiques québécoises servent d’abord à mitiger la prise que l’autre a sur nous. Le choix des moyens employés montre bien que Charest ne vise pas une autre fin. À l’expression “souveraineté culturelle” ne correspond aucune rationalité qui vise un objectif.
Les partis fédéralistes, NPD, Parti Libéral, et Parti Conservateur, pour leur part, ne défendent absolument pas le Québec mais bien la manière spécifique de vivre ensemble au Canada. Plus ils récoltent des élus au Québec, plus ils se sentent justifiés de proclamer qu’ils représentent la manière de vivre ensemble au Canada. Et si le Québec vote pour le Bloc, ils se penchent sur leurs délégués, leurs lieutenant québécois, en lesquels ils persistent à voir des représentants ultimes du Québec alors que ceux-ci ne défendent que l’affiliation de la province à l’héritage du parti.
Certes les partis fédéralistes ne cessent de prétendre avoir entériné le principe de la nation québécoise. C’est au terme d’une guerre confessionnelle au sein de leurs propres instances, le résultat d’un colloque, un vote à main levée dans un congrès. Finalement, ils ont convenu que la nation québécoise existait au sens anthropologique du terme mais pas au sens normatif. Ce qu’on entend par “normes québécoises” ce sont des accommodements du vivre-ensemble canadien.
Il y a là un déficit démocratique énorme, une prédéfinition du champ des possibilités scandaleuse. On doit savoir d’avance jusqu’où va le pouvoir du Québec de décider pour prétendre être élu à Ottawa selon eux. Sous le fallacieux prétexte de l’unité canadienne, on est en passe d’asservir les élus au Fédéral à des fidélités héritées, des formes d’institutionnalisation et des relations de pouvoir bancales, imposés par les colloques des partis fédéralistes. À part le Bloc, tous les partis à Ottawa ne servent qu’à consolider les transformations que la rapatriement de la Constitution n’a fait qu’accélérer.
On se gargarise avec le mot d’ordre “vote utile” quand il s’agit d’analyser le pertinence du Bloc à Ottawa. En fait, le Bloc est le plus utile parmi les inutiles et cela s’explique facilement. Comment voulez-vous avoir des chargés de mission efficaces à Ottawa quand le Québec comme gouvernement n’ose même pas se poser la vraie question: sur quelles fondations poserons-nous l’édifice de nos codes, de nos règles, de nos droits? Sera-ce sur notre propre Constitution nationale ou sur la Constitution annexionniste de 1982?
Les partis fédéralistes servent d’abord à fabriquer des vedettes fédéralistes au Québec. Ils ne changent pas la donne. Une de leurs différences avec le Bloc, c’est qu’il ne caresse même pas l’espoir de la changer. Pour eux, on est utile dans la mesure où on se soumet à ce qui est pour de bon advenu. Ils sont élus pour dire que l’on ne rebrousse pas certains chemins, un propos qui suffit à leur faire croire qu’ils sont du côté de l’évolution.
André Savard


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    26 septembre 2008

    C'est ce qu'il faut faire. Lorsque nos ennemis anti-démocrates fédéralistes nous font ce commentaire, rien de mieux de leur rappeler que dans le fond c'est peut-être eux qui sont une nuisance et redondants. Les fédéralistes à Québec sont aussi inutiles. Je pense notamment à Mario Dumont, cette nullité qui a appuyé Harper quasiment aveuglément comme le réactionnaire et le colonisé qu'il est.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    26 septembre 2008

    Je dirais que chez les partis "fédérastes", on semble bien aimer le système de "tokens", et l'appliquer à des députés... disons, résidant au Québec, plutôt que profondément québécois.
    En ce qui concerne les vedettes fédéralistes, comme vous dites, on peut dire qu'ils ne font généralement vraiment pas l'unanimité, dans l'opinion du public québécois. Surtout sous l'actuel gouvernement Harper, entre nous; il se trouve que j'habite dans le comté de Josée Verner, à Québec. Et Mme Verner, à chaque fois qu'il se passe quelque chose dans un dossier qui relève de sa compétence, on se demande, "Mais où est Josée Verner? Que fait-elle à propos de ce dossier-là?".
    Il y a eu ses commentaires dans le cadre de l'histoire des coupures à la culture, aussi... Ce n'était pas très songé, assez peu profond, disons!
    Je ne sais trop... je ne suis pas au courant du "background" de Mme Verner, de ce qu'elle avait pu réaliser avant de devenir députée, puis ministre; mais je dirais que dans sa position actuelle, elle semble ne pas être à la hauteur. Que dis-je... elle a l'air de ne pas être à sa place, carrément!
    Maxime Bernier? Hum... J'essaie d'imaginer ce que Condoleeza Rice, détentrice d'un doctorat en science politique, et ancien professeur émérite de Stanford, a pu penser de vis-à-vis canadein, quand elle l'a rencontré l'an dernier...
    Alors, si on doit vraiment parler des "vedettes fédéralistes"... Écoutez, ces gens, fondamentalement, militent au sein de partis qui travaillent souvent contre les intérêts, sinon les droits, carrément, de leur propre peuple. Alors, dans leur cas, faut-il attendre d'eux, qu'ils incarnent... LA CRÈME?
    Parlez-en à l'excellent avocat qu'est Jean Charest; ou au magnifique communicateur que fut notre ex-premier ministre du Canada, Jean Chrétien! "Que voulez-vous... euh..."
    Ah! Le tableau ne serait pas complet sans faire mention de Justin Trudeau, bien sûr! Lui qui dit qu'il veut "adresser" (sic) différentes questions ou sujets importants à ses yeux, sans "faire de partisanerie" (sic)... Ouch! Le fameux bilinguisme, si cher à Trudeau, génère une langue française d'une qualité discutable.

  • Jean-Charles Morin Répondre

    24 septembre 2008

    Tout à fait d'accord avec vous. Un député québécois fédéraliste au Parlement canadien n'est pas là pour représenter les intérêts du Québec à Ottawa mais bien pour promouvoir le pouvoir fédéral au Québec.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 septembre 2008

    " Les partis fédéralistes servent d’abord à fabriquer des vedettes fédéralistes au Québec. Ils ne changent pas la donne. "
    Quelles vedettes fédéralistes ? Verner ? Bernier ? Blackburn ? Coderre ?
    Les Pierre E. Trudeau, Jean Chrétien et Stéphane Dion sont des cas spéciaux ...