Le Bloc en campagne

Chronique d'André Savard

Le Bloc Québécois entre en campagne
Au cours d’une campagne électorale, certains réflexes se multiplient. Préparez-vous donc
à lire davantage sur quelques tribunes indépendantistes qu’il faut détruire le Bloc à tout prix. L’antienne sera répétée par des gens qui, au demeurant, prônent aussi celle du Parti Québécois. Vous lirez que le Bloc ne détruit pas la matrice et qu’il ne fait que créer des occasions d’emplois pour indépendantistes pantouflards.
L’argumentaire gravitera autour de ce noyau : seuls les groupuscules, seuls ceux qui refusent de faire équipe avec ceux qui sont dans la matrice, pourront accomplir l’indépendance. Dépêchez-vous de vous dissocier des partis indépendantistes en perdition.
Ensuite vous aurez droit à un plan d’action pour prendre véritablement le parti de l’indépendance. Vous apprendrez sur les restrictions qui s’imposeront à l’avenir. Vous apprendrez des « partisans de l’unité » qu’elle est conditionnelle à une disparition de PQ et du BQ. Vous lirez sur l’importance que soient bien précisés les critères qui permettront de délimiter l’univers du discours indépendantiste, et les modes de vérification par lesquels on s’assurera à l’intérieur de cet univers que tels éléments lui appartiennent ou non. Cet univers étant donné, une proposition nous apportera des renseignements sur le projet indépendantiste à l’état pur.
Pour le moment, vous apprendra-t-on encore, le discours indépendantiste a été usurpé par le Parti Québécois, le Bloc Québécois, de faux indépendantistes et des néo-fédéralistes. Aussi, tout indépendantiste doit se livrer au contre-discours indépendantiste plutôt que de critiquer le Fédéral. Osez le faire encore et ce sont ces indépendantistes « purs » qui vous accuseront de libelle contre les fédéralistes. Interdit donc d’accuser Stéphane Dion. Et puis, tournez la langue sept fois dans votre bouche si par malheur le goût vous prend de confier que Michaëlle Jean vous tape sur les nerfs.
Sous quelle forme et dans quels cas identifie-t-on les propositions indépendantistes et nous donnent-elles des renseignements sur le projet indépendantiste véritable? Eh bien, d’abord ces propositions doivent émaner de groupes dits “réels” se rattachant à la grande coalition indépendantiste anti-péquisarde et anti-bloquiste. La prise de position inférée de toute proposition doit se situer en dehors du deuxième Canada, dans un édifice scolastique à part, un théâtre qui attend sa maçonnerie, vous apprendra-t-on toujours.
Ainsi ira-t-on et relirez-vous pendant toute la campagne. La population boudera toutes ces tribunes indépendantistes qui semblent tellement appartenir à un monde à part. Nul ne saurait la blâmer. Monsieur et Madame Gros Bon Sens ont autre chose à faire que de lire sur les règles de vie véritablement indépendantistes et les rapports mutuels entre groupes soucieux d’élaborer la doctrine selon les bons principes inculqués.
Il y a quelques semaines, un texte [« Totalitarisme et diffamation »->14796] publié en tribune libre traduisait bien la déformation systématique à laquelle on assiste : « Naïvement ou lucidement, par dépit, ils adopteront le comportement sectaire du gourou : celui qui a reçu la Lumière. » Ils vont écrire que la grande défaite inaugura la refondation du mouvement indépendantiste.
Oubliez le Bloc et le PQ. Étant dans la matrice, berceau des institutions existantes, leurs élus portent forcément un pantalon d’ancien régime. Ne votez pas pour eux, lirez-vous. Ne travaillez surtout pas pour eux, lirez-vous. Travaillez à un traité de bonne éducation dans l’esprit de l’indépendantisme. Cela semble bien peu… Mais comme ils écriront que ce sera le fondement de tout ce qui se fera de véritable par la suite, tenez-le pour beaucoup plus.
Des chimères d’un bout à l’autre
Stephen Harper se fait qualifier de génie. On attribue à un haut sens stratégique le fait qu’il se soit tenu en selle et que les sondages lui prédisent un gouvernement majoritaire cette fois. Il ne se surprendra sans doute pas de n’avoir qu’à dire « nation québécoise » comme on crie un slogan et à serrer quelques mains. Ses lieutenants au Québec veilleront à ce que tout soit en ordre.
Aucun n’ira au-delà de la logique de leur parti fédéraliste. Il n’y a que le Bloc au Fédéral pour dire que le gouvernement québécois ne doit être pas une simple législature, un lieu de gouvernement qui appartient à d’autres et dont l’exercice du pouvoir ne devrait pas déborder le statut provincial imposé par une Constitution canadienne. Aujourd’hui, autant Dion que Harper sont les artisans d’une logique où on prend l’existence du mouvement indépendantiste comme prétexte. Après avoir noté « certains veulent détruire ce pays », on en déduit que le Canada a le droit de prendre les moyens qu’il faut pour se faire obéir.
Le Québec aux Québécois
On est en pleine situation de lèse-majesté. Le Québec n’a pas été fait pour obéir au Canada. Si le Canada se veut légitime démocratiquement, il doit admettre que son existence est du ressort de la volonté libre de la nation québécoise. Ce n’est pas à la Constitution canadienne ni aux autres provinces de décider quel type de législature représentera la nation québécoise. Aussi longtemps que la population québécoise inclinera davantage vers une formule fédérale, il incombe tout de même à la nation québécoise et à elle seule de déterminer le principe d’organisation de son Etat, son statut, et les compétences qu’elle veut bien partager.
Jean Charest a eu beau parler de « réingénierie », la position du Québec est inexistante. Le Québec se contente d’utiliser toutes les ficelles possibles dans les limites du système. À part le Bloc, aucun parti oeuvrant sur la scène fédérale ne veut représenter le Québec à titre de nation.
Attention. Il ne s’agit pas de revenir au principe des deux nations fondatrices. Le principe c’est que l’Etat du Québec est le premier fondé de pouvoir de la nation québécoise et que tout document, tout découpage des juridictions est tributaire de son consentement. Au Québec, même si notre Etat n’est pas signataire de la Constitution, nous avons intériorisé des prudences extrêmes au point que ni morale ni pratique ne font vraiment progresser le sens de l’Etat québécois.
En attendant que le peuple veuille vraiment de l’indépendance, nous sommes conviés à un fade exercice de retenue. Alléguant que comme peuple nous n’avons pas la force de vouloir assez et que les fédéralistes sont plus forts que nous, autant les fédéralistes que les indépendantistes, ceux du moins cantonnés en groupuscules, transportent la même intention disciplinaire.
Or, en cette affaire, il n’y a pas de commandement venu d’en haut. Ni la Constitution canadienne ni les magistrats de la haute cour ne sont les dépositaires d’une morale supérieure à la volonté populaire et à laquelle nous n’avons qu’à réapprendre à obéir tant que nous serons membres de la fédération canadienne. Ce n’est pas parce que le mouvement indépendantiste est supporté grosso modo par deux électeurs sur cinq que nous devons laisser l’Etat québécois tel quel, spécialisé dans l’art de l’esquive.
Il faut des élus pour progresser
Sans Constitution nationale, sans citoyenneté, sans geste qui étoffe le pouvoir québécois, nous ne ferons que perpétuer le désarroi que nous prétendons combattre. Plusieurs commentent suite à cette chronique que, l’information étant contrôlée, il faille « refonder », décréter sur une nouvelle scène ce que seront les représentations collectives. S’ils tempêtent tant contre le PQ et le BQ, c’est qu’ils voient essentiellement l’indépendantisme comme une démarche moralisatrice.
Il y aurait une première phase, un stade commode de la déclamation où tous devraient apprendre que les législatures actuelles ne sont pas les nôtres. Le grand tort du Bloc serait d’opérer vainement, de n’ajouter que des ingrédients au reste, des ornements qui viennent enjoliver notre façon de vivre ensemble.
Ne votez pas pour le Bloc, lirez-vous. Ils ne font qu’ajouter du sel et du poivre. Le grand tort de cette approche est de désigner l’indépendantisme comme un horizon rédempteur, une morale pour demain à apprendre. Les fédéralistes proclament qu’il faut s’assurer d’un bon taux de croissance, d’une bonne santé de la Bourse. Des groupuscules indépendantistes, de leur côté, soutiennent qu’il faut gagner dans la pratique compétitive de l’Internet, et que nous pourrons ensuite nous occuper du « sens ».
Le mouvement indépendantiste a besoin d’élus, de partis comme le PQ et le BQ. Il ne gagnera pas beaucoup s’ils se livrent à des cuisiniers de l’ontologie indépendantiste, des exégètes qui vont claironnant leurs dogmes et leurs recettes!
André Savard


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12 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 septembre 2008

    M. Savard,
    On entend un lieu commun dans la phrase de Mme Lachance: "...d’un parti qui ne devait durer que quelques années, le temps que les Québécois se donnent un pays."
    Argument de l'adversaire. Alors qu'un vrai patriote sait que
    l'indépendance du Québec est à faire tant qu'elle n'est pas faite.
    Et Ducepppe le sait: il s'est de nouveau engagé à compléter le mandat qu'il sollicite. La tâche demeure entière. D'autres modèles existent, de peuples en lutte dans le Parlement qu'ils contestent(Écosse, etc) M. Bousquet qui, ailleurs, le réclame à Québec, devra jeter son dévolu sur autre Messie.

  • Archives de Vigile Répondre

    15 septembre 2008

    Je crois sérieusement que Duceppe lui-même remet en cause le Bloc. Bien sûr qu'il ne le dira pas. Mais en son for intérieur, il doit commencer à trouver lourde cette existence d'un parti qui ne devait durer que quelques années, le temps que les Québécois se donnent un pays. Or, rien ne se profile à l'horizon de ce côté. Il est normal de se questionner sur la raison d'être de ce parti, qui n'offre plus d'évidence à se mettre sous la dent.
    Vous voulez que je vous dise? Je crois que même Duceppe est démotivé. Mais en bon soldat (et en bon chef), il ira à la guerre, jusqu'au bout. Puis il rentrera dans ses terres.
    Je me trompe peut-être, mais je crois que c'est pour bientôt.

  • Archives de Vigile Répondre

    11 septembre 2008

    M .Pierre B. écrit : «Permettez-moi de vous redire que je ne crois plus à ces gens qui empochent en prétextant défendre les intérêts du Québec.»
    M. B., les fédéralistes empochent aussi, me semble. Si, par notre abstention, on fait élire plus de fédéralistes,¸il va y avoir plus de fédéralistes que de souverainistes qui vont empocher ce qui ne me semble pas un progrès pour un souverainiste ou un indépendantiste, si vous aimez mieux. Quand un souverainiste empoche et que son parti empoche aussi parce qu'il a obtenu plus de vote, c'est tout le mouvement souverainiste qui y gagne. Si vous pensez que le PQ et le Bloc ne font pas assez la promotion de la souveraineté du Québec est-ce que le PLC ou les Conservateurs ou le NPD la pousseraient mieux ?
    Si on n'avait pas de députés souverainistes, la souveraineté serait à terre à 20 % maximum. C'était autour de 8 % du temps de Bourgault quand les Québécois francophones étaient, à peu près, tous pauvres, locataires et employés subordonnés. Le PQ a fait émerger depuis, grâce à messieurs Lévesque et Parizeau, une élite financière, industrielle et commerçante québécoise depuis 1976. Faut le reconnaître M. B.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2008

    "Il dit que la souveraineté n’est pas au cœur des enjeux électoraux actuels."(Pierre B.)
    Vous croyez vraiment que la souveraineté va se faire en prononçant une phrase ?
    Comme "Sesame ouvres-toi" ?
    Pour l'instant, j'aime bien ce qu'il fait. Il a entendu le message. Il fait du Bloc le point central d'un réseau de communication du mouvement nationaliste québécois.
    Vigile vient d'être ajouté.
    Le corps et la tête seront enfin reconnecter.
    Çà c'est un sacré progrès !

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2008

    Monsieur Tremblay,
    JE viens de ré-entendre Gilles Duceppe. Il est à Trois-Rivières. Il dit que la souveraineté n'est pas au cœur des enjeux électoraux actuels. Alors, qui est-il cet homme qui cache son option? Le Bloc la cache depuis 1997. Et 11 ans plus tard, il la cache encore. Sous le tapis. Le Bloc ne devrait pas craindre de se donner le vrai pouvoir en disant aux électeurs du Québec que LA solution est dans l'indépendance du Québec. J'en ai assez de leur maudite stratégie.
    Permettez-moi de vous redire que je ne crois plus à ces gens qui empochent en prétextant défendre les intérêts du Québec. D'autres peuvent le faire à leur place et aussi bien qu'eux. J'en suis persuadé.
    Le Québec ne veut pas faire mieux. Il faut faire différent. Et différent, ça veut dire DEVENIR indépendant. Si la stratégie du Bloc était LA bonne, on aurait eu d'autres résultats que cela au PQ en mars 2007.
    PIERRE B.

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2008

    "Comment arriver à se donner tous les moyens en restant dans l’Opposition à Ottawa et en disant qu’il faut battre Harper ? Jeux de mots ?" (Pierre B.)
    Le Bloc fait parti de ces moyens. Il faut se les donner et non se les enlever !

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    Le parti libéral de P.E. Trudeau s'était donné pour mission de mettre le Québec à sa place. Et ses héritiers idéologiques ont poursuivit cette mission. Avec le temps il s'avère que c 'est le NOUS peuple du Québec qui a fini par mettre le PLC à sa place. Et cette place est pour le moment hors du pouvoir. Et pour le plus longtemps possible.
    Il importe que ce rapport de force soit maintenu. Au nom de la dignité, il faut remettre la monnaie de sa pièce à M Dion, qui nous a dit qu'il fallait faire souffrir le Québec. C'est maintenant à lui de souffrir. Et ne serais ce que pour cela il faut soutenir le Bloc.
    Mais comme l'absence du PLC au pouvoir suppose que nous serons pris avec M Harper, alors il importe qu'il soit minoritaire. D'autant plus que cette absence de gouvernement majoritaire va finir par user le ROC, et finir par disloquer la Constitution de 1982. Donc une autre bonne raison de voter pour le Bloc. Là aussi il s'agit d'assumer le rapport de force.
    Ajouter à cela le fait que le Bloc est en train de se donner une expertise en gouverne d'un parlement d'un pays souverain, qui nous sera précieuse pour la suite de l'histoire, et vous avez une autre bonne raison de soutenir le Bloc.
    Dans sa lutte d'émancipation nationale, le Québec doit assumer une multitudes de rapports de forces avec Ottawa et le ROC. Dans ce contexte le Bloc assume un rôle qui est indispensable.
    Peut importe les réserve que l'on peut entretenir sur la stratégie du Bloc, au moment ou les hostilités s'enclenchent ils nous faut resserrer les rangs derrière lui et l'appuyer sans réserve sans se laisser distraire.
    Pour ceux qui pense que l'on va faire l'indépendance juste en criant ce nom, et qui reproche à M Ducepe de ne pas parler de souveraineté assez souvent. Il a fait un constat important à cet égard aujourd hui que j'endose: tout tout gain concret nous rapproche de l'indépendance.
    Il ne faut donc pas céder un pouce et avancer. Et c'est ce que le Bloc fait.
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    M. Tremblay,
    Comment arriver à se donner tous les moyens en restant dans l'Opposition à Ottawa et en disant qu'il faut battre Harper? Jeux de mots?
    La seule façon de nous donner tous nos moyens, si on ne joue pas sur les mots, c'est de dire aux Québécois qu'il faut faire l'indépendance. Le reste, ce n'est que façade, enfirouapage, pelletage de nuages.
    PIERRE B.
    Je viens de ré-entendre Duceppe. SI c'est cela, sa campagne, l'écoeurite va nous prendre en quelques jours.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    Il faut être plus fins.
    Laissez faire les souveraineté et indépendance qui ne sont que des mots dont on donne tous les sens.
    Donnons plutôt le sens, comme M. Savard le dit bien.
    Je préfère:
    "Donnons-nous tous nos moyens, personne ne le fera pour nous" "Votez Bloc !"
    Au lieu d'un bête:
    Vive la souveraineté ! Vive l'indépendance !

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    J'invite monsieur Pierre B. à écouter la chanson thème du Bloc Québécois qui est au contraire très explicite et porteuse.
    Permettez-moi d'être en total désaccord avec vous!
    Cette fois-ci, Il faut serrer les rangs en arrière de Duceppe et plus là que jamais et on ne pourra me taxer d'être un faux indépendantiste.
    J'invite tous mes concitoyens et toutes mes concitoyennes du Québec à s'impliquer activement dans la campagne du Bloc Québécois pour donner une méchante dégelée aux conservateurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    Les indépendantistes québécois doivent profiter de l'occasion pour dire au peuple ce que veulent les conservateurs: ''S'en mettent plein les poches!''
    Ce qu'ils veulent pour le Canada et le Québec, c'est investir nos impôts dans le pétrolier et l'armement, construire des pénitenciers et les remplir comme chez nos voisins du sud, parce que c'est cela le choix des conservateurs.Ce sont des facistes et des militaristes.
    Nous devons leur dire aux québécois et aux québécoises que dans un Québec indépendant, nos argents serviront à soigner, à éduquer et à protéger l'environnement.
    Notre chois est claire; il faut voter pour le Bloc Québécois!

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2008

    Je viens d'entendre Duceppe en point de presse. Il a mentionné, de peine et de misère, le mot «souveraineté» à la fin de son petit discours.
    La seule chose que je retiens de ses propos: il ne faut pas élire un gouvernement majoritaire conservateur. Ce serait la catastrophe. Du négatif. Du négatif. Du négatif.
    Vous nous proposez de voter BLOC les yeux fermés. Si celui-ci ne fait pas sa campagne sur l'indépendance du Québec, JE NE VOTERAI PAS POUR LUI. JE resterai à la maison. Et je ne suis pas le seul à penser ainsi. La farce a assez duré...
    PIERRE B.