L'intolérance n'est pas l'apanage des souverainistes

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De pailles et de poutres






Voilà que revient sur le tapis cette idée de l’intolérance au sein du mouvement souverainiste. Cette fois, c’est Gabriel Nadeau-Dubois (GND), lui-même souverainiste, qui évoque la « pluie d’injures » qu’il a reçue depuis qu’il a osé aborder à l’émission 125, Marie-Anne vendredi dernier, l’existence d’une frange intolérante au sein du mouvement indépendantiste. C’est pourtant l’évidence. 


 


Gabriel-Nadeau Dubois élabore sur ce sujet sur
Facebook en écrivant notamment : «
La hargne qui teinte les messages que je reçois me surprend. On parle de "traîtrise". Ai-je raison de sentir, depuis le débat sur la Charte, et plus encore depuis l'arrivée de Pierre-Karl Péladeau à la tête du Parti Québécois, une montée en puissance de ce genre de discours? Un durcissement de ton de la part de certains, qui s'attaquent avec véhémence (voire violence) à tout (sic)
ceux qui émettent des réserves, font des nuances ou posent des questions? Est-ce un phénomène restreint aux réseaux sociaux? Ai-je tort d'en tirer des conclusions quant à l'état du mouvement souverainiste en particulier? Ce qui est clair, pour en avoir parlé autour de moi, c'est que je ne suis pas le seul à avoir cette désagréable impression. » 


 


La discussion est effectivement intéressante et établissons tout de suite une chose. L’intolérance n’est pas l’apanage des souverainistes. Faut-il rappeler qu’un attentat a été tenté contre Pauline Marois et qu’un homme y a laissé sa vie? Faut-il rappeler que la mairesse de Longueuil a été menacée de mort pour avoir voulu que les délibérations du conseil de ville se déroulent uniquement en français? Faut-il rappeler que le
Québec bashing et plus encore le
PQ bashing est un sport en vogue outre-Outaouais? Le décès de Jacques Parizeau a donné lieu à une déferlante de commentaires racistes en provenance du Canada anglais. Avant de moi-même épiloguer sur l’intolérance chez les souverainistes, je veux au moins reconnaître ces faits. 


 


Cela dit, le mouvement souverainiste a pour objet le bouleversement de l’ordre établi. Tandis que de leur côté, les fédéralistes visent un meilleur ordinaire. Alors, à sa face même, lequel des deux camps est le plus susceptible d’attirer des esprits enflammés? Celui qui prône une sorte de révolution, toute démocratique qu’elle soit, ou celui qui prône la continuité? 


 


L’assise principale du discours souverainiste est l’idée que le Québec est menacé et qu’il faut le libérer. Le discours souverainiste est d’ailleurs truffé de références qui peuvent faire le lit d’esprits intolérants. On parle ainsi du « combat » du peuple québécois, des « affronts » qu’il a subis, comme la « nuit des longs couteaux », on ressasse les épisodes sombres de notre histoire comme la répression du mouvement des Patriotes ou le Rapport Durham. Même mon estimé collègue Stéphane Gobeil a salué le sacre de PKP avec un billet intitulé
Chef de guerre.


 


Si ces métaphores sur le thème de la libération abondent, il est tout aussi incontestable qu’à partir de René Lévesque, le mouvement souverainiste, et son principal levier le Parti québécois, s’est fait un devoir de promouvoir un projet pleinement démocratique, ouvert sur l’autre et inclusif. À Ottawa, Gilles Duceppe a aussi longtemps (et à nouveau) incarné l’idée d’un Québec souverain ouvert à tous. En fait, le mouvement souverainiste, depuis le père fondateur du PQ, s’est démené dans un effort continu pour barrer la voie à ceux qui voulaient le tirer sur le terrain de l’intolérance et de l’ethnocentrisme.


 


En cela, le débat sur la Charte des valeurs a certainement marqué une rupture en offrant une tribune à ceux à qui on avait justement pris soin de ne pas en donner. La commission parlementaire présidée par le ministre d’alors, Bernard Drainville, restera célèbre dans nos annales parlementaires pour les
inepties qui y ont été entendues. L’inénarrable
Infoman s’en est d’ailleurs plusieurs fois délecté.


 


Quant à PKP, son entrée fracassante en politique s’est faite dans les ornières du ressentiment. Pendant la course à la direction du PQ, il a multiplié les entrées Facebook sur le thème d’un Québec méprisé et spolié. En voici quelques rappels : 


 


  • 3 février : « Ignorance et mépris. Voilà l'attitude du gouvernement fédéral de Stephen Harper à l'endroit des intérêts du Québec. »



  • 13 février : « En ne pouvant avoir accès à toutes ces compétences, à tous ces actifs et tout ce potentiel confisqué au bénéfice du gouvernement fédéral par le partage des pouvoirs imposés par la constitution de 1867, nous annihilons notre capacité de nous enrichir et de nous extraire de notre situation de subordination historique. »



  • 15 février : « Pendant que les Canadiens célèbrent le 50e anniversaire de l'unifolié, souvenons-nous aussi que le 15 février 1839, cinq patriotes dont Chevalier DeLorimier étaient pendus... »



 


Pour Gabriel Nadeau-Dubois, le débat sur la Charte des valeurs et l’arrivée de PKP ont participé à une « radicalisation » du mouvement souverainiste. C’est possible. Mais on ne saurait surtout pas prétendre, à contrario, que le radicalisme est inexistant chez les fédéralistes. En fait, si l’intolérance est une forme de radicalisation qui peut guetter les souverainistes, la provincialisation pourrait aussi être vue comme une forme de radicalisation chez les fédéralistes. Ainsi, s’il y a  une certaine radicalisation du PQ, elle est peut-être aussi, en partie, une réponse à la grande ferveur fédéraliste du premier ministre Couillard.   


 



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