L'improvisation du gouvernement Charest

Conflit étudiant - sortir de l'impasse


La nouvelle ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, est prête à négocier avec les étudiants. Hier, elle a parlé de «rencontre». Pas quelques coups de fil entre deux réunions. Non, une rencontre. Donc du sérieux.
Après les avoir assommés avec une loi matraque, elle leur tend la main. Et elle est prête à inclure la CLASSE qui a pourtant défié la loi spéciale, hier.
Allez comprendre.
J'avoue que j'en perds mon latin.
Revenons en arrière. Mardi, deux jours avant le dépôt de la loi spéciale, Mme Courchesne a rencontré les trois leaders étudiants pendant une heure.
Oui, lui ont-ils dit, nous sommes prêts à négocier, voici notre solution minimale, celle que les étudiants pourraient accepter. Rien d'extravagant: un conseil provisoire revu et amélioré, chargé de trouver des économies dans la gestion des universités.
Ce conseil repose sur un immense malentendu: les étudiants croient qu'ils vont trouver des centaines de millions de dollars en économies qui vont servir non seulement à éliminer les frais afférents, mais aussi à diminuer les droits de scolarité. Le gouvernement n'y croit pas, mais bon, ils ont signé une entente de principe le 5 mai.
Les étudiants ont mis cartes sur table lors de la réunion de mardi. Michelle Courchesne n'a rien dit, elle les a écoutés, merci, bonsoir. Deux jours plus tard, jeudi, vlan! La loi spéciale, un bon coup de matraque.
Hier, changement de ton, la ministre a dit qu'elle était prête à négocier.
«Nous sommes tous les deux 24/7», a-t-elle dit. Elle parlait de son chef de cabinet et d'elle disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Elle a ajouté: «Je suis prête à faire une rencontre, et ils le savent.»
Eh bien non, ils ne le savent pas. C'est moi qui ai appris au président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin, que la ministre était prête à les rencontrer.
Il était 14h30, Léo Bureau-Blouin attendait le départ de la grande manifestation qui a réuni des dizaines de milliers de personnes au centre-ville de Montréal. Il était abasourdi. «Bien sûr, nous sommes prêts à négocier, mais on ne veut pas revivre le même film», m'a-t-il dit.
Une rencontre, une loi matraque, une main tendue, des leaders étudiants qui ignorent que la ministre est prête à négocier. Tout cela sent l'improvisation.
Comment vont réagir les faucons du gouvernement lorsqu'ils vont voir le «dangereux» Gabriel Nadeau-Dubois s'asseoir avec la ministre, lui qui a osé défier la loi spéciale?
J'imagine l'atmosphère autour de la table de négociations.
***
Le gouvernement a une jeunesse survoltée sur les bras. La lutte a dépassé le cadre étroit des droits de scolarité.
Peut-être que les historiens pourront déchiffrer cette colère qui ne s'essouffle pas. Contestation d'un gouvernement usé? Trop d'odeurs de corruption? Une jeunesse qui reprend le flambeau des baby-boomers 40 ans plus tard? Un gigantesque ras-le-bol devant des élites qui les ignorent? Allez savoir.
Jeudi soir, lorsque Jean Charest a expliqué sa loi spéciale, il a tenu un discours truffé de demi-vérités. Il a tout fait pour marginaliser un mouvement qui, pourtant, lui tient tête depuis trois mois. Il a dit que son gouvernement avait tendu la main, alors que les étudiants, eux, n'avaient rien fait. C'est faux.
Est-ce le traumatisme des émeutes de Victoriaville qui a forgé une mentalité d'assiégés chez les députés libéraux? Après tout, ils ont senti l'odeur des gaz lacrymogènes lorsqu'ils étaient enfermés dans leur hôtel pendant que policiers et émeutiers se battaient à coups de barre de métal et de matraque.
Avec sa loi spéciale, le gouvernement s'est aliéné une partie de la population. Hier, il n'y avait pas que des étudiants dans la rue.
Et le mouvement grossit au lieu de se dégonfler.
***
Je ne répéterai pas tout le mal qui a été dit sur cette loi spéciale, mais je peux résumer les points les plus inacceptables: restriction du droit de manifester, menace de couper les vivres aux associations étudiantes, renversement du fardeau de la preuve pour la responsabilité civile. Une loi qui ratisse trop large et qui piétine des droits protégés par la Charte. Une loi qui heurte toutes les générations.
Pourtant, l'idée de départ était bonne: suspendre les trimestres et les reporter en août, le temps que les esprits se calment. Au lieu de matraquer les étudiants avec une loi spéciale, le gouvernement aurait dû en profiter pour négocier.
Jean Charest a créé un monstre. En défiant la loi, Gabriel Nadeau-Dubois a mis en marche la machine judiciaire. S'il refuse de payer les amendes, il risque la prison. Imaginez les images: le jeune Gabriel Nadeau-Dubois qui rentre en prison, le poing en l'air.
Le gouvernement aura réussi à créer un martyr.
Cette stratégie porte un nom: improvisation.


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