Canada/Québec 2013

L'implosion du Canada ?

Première étape : la dislocation de la fédération

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Le premier ministre Brad Wall a réitéré la menace lancée lors des élections de 2008:

« Les grands événements sont silencieux », ( Friedrich Nietzsche)

Le Canada est-il en train d'imploser, comme l'anticipait monsieur J.R.M Sauvé en 2004 ?

Je n'ai pas l'expertise géopolitique de M. Sauvé pour répondre à cette question. À l'évidence, une étape cruciale a été franchie : la fédération est entrée dans un processus irréversible de dislocation depuis cette élection fédérale de 2008.

Une dislocation survient quand un membre de la fédération fait primer ses intérêts d'État au détriment de l'unité de l'ensemble et que le rapport de force lui est favorable. Ça n’a pas encore été le cas pour le Québec, mais c’est bien le cas pour l'Alberta, comme je vais le démontrer plus loin. Mais revenons d'abord sur l'implosion.

Voici un extrait du texte de monsieur Sauvé, dont le titre avait frappé mon imaginaire. Une prédiction hallucinée, ou une donnée de la méthode géopolitique ? Jugez-en vous-même :

L’implosion du Canada

« Le terme implosion appliqué aux États est nouveau mais la réalité qu’il représente est ancienne. Implosion veut dire désintégration d’un État par l’intérieur, sans violence physique, ou presque, pour la simple raison que l’État concerné, n’existant déjà plus ou presque plus dans les faits, finit par cesser d’exister de droit. La prise de conscience d’un tel état de choses entraîne des transferts de pouvoirs et de compétences en faveur d’États naturels dont le poids politique ne permettait pas antérieurement d’agir en tant qu’États reconnus de plein droit.

Ne représentant plus rien dans le réel (de facto), l’État qui implose concède son existence juridique et constitutionnelle en faveur d’un ou plusieurs États montants. Comme toujours en matière d’État, la dévolution naturelle des pouvoirs entraîne une dévolution analogue des formes juridiques et des constitutions écrites. L’État existe d’abord par fait accompli, au terme d’une progression à la fois continue et discontinue de plusieurs siècles. Les formes constitutionnelles et juridiques qui viennent ensuite confirment ce qui existe déjà par principe et dans les faits. Autrement l’État est arbitraire et ne peut durer qu’aussi longtemps qu’il dispose des moyens de l’inféodation et de la coercition. »

Ce que je retiens de ce texte, c'est cette prédiction surprenante à l'effet que non seulement le Québec mais, aussi d'autres provinces, qui sont des États naturels, viendront elles aussi à vouloir se débarrasser de l'État arbitraire qu'est Ottawa. Sceptique, je me suis mis en mode veille-radar pour vérifier l'évolution de la fédération depuis 2006, en utilisant la grille géopolitique de M. Sauvé.

Depuis la publication de ce texte de M. Sauvé. La géopolitique de l'énergie a fait son oeuvre : la monté en puissance de l'Alberta a mené à la dislocation de la fédération. La première étape fut de laminer le parti de P.E. Trudeau lors de l'élection de 2008 ; et la deuxième, la prise de contrôle du gouvernement central à l'élection de 2011. C'est ainsi que « l'équilibre, un concept phare du fédéralisme »* a basculé complètement, de l'État arbitraire en faveur de l'État naturel.

En voici la démonstration.

Lors de l'élection fédérale de 2008, Stéphane Dion, alors chef du parti libéral, faisait campagne avec son fameux programme axé sur l'environnement : le « Tournant Vert », vite devenu dans les médias « le tourment vert » suite à la réaction des provinces pétrolières qui y voyaient l'équivalent du « Plan National de l'Énergie » que P.-E. Trudeau leur avait imposé en 1980 (un désastre devenu pour elles un traumatisme historique).

Dans une déclaration commune, les premiers ministres de l’Alberta et de la Saskatchewan y sont allées d’une mise en garde sans équivoque. Si Ottawa (lire les Libéraux) voulait imposer une politique qui nuirait à leurs intérêts énergétiques, il mettrait l’unité du pays en jeu :

« Alberta Premier Ed Stelmach even warned that national unity could become an issue if any federal political parties try to make electoral gains at the “expense” of certain regions. (…) Both Mr. Stelmach and Saskatchewan Premier Brad Wall are worried that the Liberals’ proposed environmental policies, including a carbon tax, would kill off foreign investment in the energy sector and raise production costs. »

Cette déclaration pourtant très lourde de conséquences n'a jamais été rapportée par les médias francophones du Québec. Et pour une raison bien simple, elle ne cadre pas avec la narration de « L'Idée fédérale » !

Et comment a réagi Stéphane Dion, le grand pourfendeur de séparatistes devant l'Éternel quand il s'agit du Québec ? Il est demeuré muet comme une carpe (ou carpette) face à ces cowboys séparatistes.

En 2012, il nous a expliqué qu'à l'époque (2008), il a eu un débat avec ses stratèges à ce sujet, mais qu'il a préféré ne pas répliquer pour ne pas nuire à la « cohésion sociale », un euphémisme pour ne pas nommer la bête de son vrai nom, le séparatisme qui menace l'unité du pays :

« Former Liberal leader Stephane Dion got into the fray Monday, revealing that he turned down a proposal from party strategists before the 2008 election to try to exploit Canadian misgivings over environmental damage caused by oilsands operations.

Dion said Mulcair’s statements were damaging to “national cohesion.” »

Michael Ignatieff allait ensuite remplacer Dion à la direction du PLC. Dans un discours prononcé dans l’Ouest, il démontre bien qu’il a pris acte que l’unité du pays était liée au pétrole de l'Alberta. La menace séparatiste avait porté :

« Over the past several months, Michael Ignatieff has been surprisingly positive toward the Alberta oil sands. In a Vancouver pub this past January, the Liberal leader had this to say : “It the oil sands] changes everything about our economic future. It changes everything about Canada’s importance in the world.” This is new talk for the Liberal party, and it parallels Prime Minister Harper’s stance on the issue - that energy is a key geopolitical tool for Canada. But Ignatieff has gone even further, framing the oil sands as fundamental to the future of Canadian federalism. “Energy policy in our country is a national unity issue” the leader was quoted as saying at the same Vancouver meeting. Ignatieff’s explicit openness toward the oil sands stems from his desire to rebuild the Liberal Party in Western Canada and to [escape the sour political legacy of Pierre Trudeau’s 1980 National Energy Program. »

Michael Ignatieff quitte le PLC et Justin Trudeau arrive dans la course à la direction du parti.

J’ai eu l’occasion de le croiser lors de la campagne électorale de 2008. Voici la question que je lui ai posée au sujet du rapport de force que le gouvernement central devait assumer avec l'Alberta pour imposer son Tournant Vert (j'avais le texte de monsieur Sauvé en tête) :

« Monsieur Trudeau, êtes-vous prêt à assumer le rapport de force avec l’Alberta pour imposer le Plan Vert de votre parti, comme votre père l’avait fait pour imposer son Plan National de l’Énergie ? ». Il a hésité, j’ai insisté. « Monsieur Trudeau êtes-vous prêt à assumer l’héritage de votre père ? », il a bombé le torse et a répondu : « Monsieur, je suis un Trudeau ».... À cet égard, j’aurai aimé l’entendre dire un, « Just watch me ! », encore plus convaincant. Car enfin, en assumant l’héritage de son père face à l’Alberta, il deviendrait un allié objectif de la souveraineté du Québec.

En 2012, j'ai eu ma réponse :

(Cyberpresse, 3 septembre, 2012)

« Le Programme énergétique national était une mauvaise politique pour l'unité nationale, a reconnu Justin Trudeau à Calgary ... C'était la mauvaise manière de gouverner dans le passé. C'est mauvais aujourd'hui. Et ce sera mauvais dans l'avenir »

L'acte de reddition de Justin Trudeau face à l'Alberta, qui va jusqu'à renier l'héritage de son père, marque la fin de la doctrine politique d'un gouvernement central fort qui dicte aux provinces ses volontés (du moins les provinces pétrolières). L'Alberta a renversé le rapport de force. La Doctrine qui a prévalu, de J A McDonald à Jean Chrétien, s'éteint ainsi dans le plus grand silence. Quelle est maintenant la nouvelle doctrine politique de la fédération ?

Suite à la dernière élection fédérale de 2011, l'Alberta a pris le contrôle complet du gouvernement central pour le mettre au service de ses intérêts énergétiques. La fédération est ainsi entrée dans un processus irréversible de dislocation. Je n'ai pas l'expertise de monsieur JRM Sauvé pour voir venir l'implosion du Canada, mais si c'est ce qui s'en vient, la dislocation en est sûrement une étape importante.

Sans nécessairement être encore l'implosion prévue, cette dislocation fait sauter le statu quo de facto et ne peut que mener à une reconfiguration de l'espace politique dans lequel l'Alberta jouera un rôle clé.

Ce contexte ouvre de nouvelles perspectives au Québec, d'autant plus que l'Alberta a un besoin « critique » de sortir son pétrole enclavé vers le corridor EST (Montréal). D'où le « dialogue » Alberta-Québec, déjà entamé. Le cadre de ces négociations et les termes possibles de l'entente sont déjà connus. Cela ne va pas sans risque, d'où la nécessité absolue pour les Québécois de suivre la partie de près.

Quelle est la nouvelle doctrine politique imposée par l'Alberta qui fait sauter la Constitution de 1982. Dans ce contexte, le Québec a-t-il un rapport de force pour défendre ses intérêts supérieurs. Et avec quels risques pour le gouvernement du Parti Québécois.

Suite à venir, en exclusivité sur Vigile .

...

* L'équilibre, un concept phare du fédéralisme.

Pour le professeur Bruno Théret,

« un système fédéral « authentique » peut […] être défini comme celui dans lequel est institué un mécanisme d’autoconservation du principe fédéral qui régule en permanence sa contradiction constitutive entre unité et diversité : si l’unité l’emporte sur la diversité ou si, à l’inverse, c’est la diversité qui triomphe aux dépends de l’unité, on ne peut plus guère parler de fédéralisme » [1].

Le plus grand défi, en contexte fédératif, consiste donc à tenter de maintenir un certain équilibre entre les tendances à l’union et à la désunion qui s’expriment au sein des collectivités. Cette notion d’équilibre constitue le concept phare en contexte fédératif... »

[1] THÉRET, Bruno, « Du principe fédéral à une typologie des fédérations : quelques propositions », dans GAUDREAULT-DESBIENS, Jean-François, GÉLINAS, Fabien (dir.), Le fédéralisme dans tous ses états. Gouvernance, identité et méthodologie, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 128


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10 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    22 août 2014

    RÉFÉRENDUM DE 1995
    La Saskatchewan était prête à se séparer à son tour
    22 août 2014 |Marco Fortier
    La Saskatchewan a envisagé secrètement de se séparer du Canada et de former un nouveau pays avec les trois autres provinces de l’Ouest en cas d’une victoire du Oui au référendum de 1995,...
    http://www.ledevoir.com/politique/canada/416558/titre

  • Archives de Vigile Répondre

    14 février 2013

    Avec de la chance on pourra récupérer notre vrai nom, on est les CANADIENS les seuls et uniques, en étant les derniers dans l'Amérique du nord britanique. AH pis prenons pas de chance renommons drey là la «province of Quebec» des anglais par son vrai nom en «province de Canada»!
    Comme ça fini la schizophrènie historique des années 60-70 avec nos vaches canadiennes, nos jouaux canadiens, nos maisons canadiennes, notre cuisine canadienne, etc. Parce que c'est une idée de sans génie des maudites années soixantes de se faire appeler des Culbécois, pendant les 350 ans précédants on se nommait canadien et les autres des anglais (ou des goddams. Qu'ils aillent chez la yable avec leur culbécois les papyboomeurs, pour ma part je suis un canayen pis les anglais étaient, sont et resteront des anglas.
    A la revoyure!

  • Archives de Vigile Répondre

    3 février 2013

    Je pense que vous rêvez en couleur. Le Canada ne se séparera jamais car les anglo ont un point en commun qui les unit très fort et c'est celui d'éliminer le Québec français et seulement pour cela, ils vont toujours agir ensemble face à leur ennemi historique jusqu'au jour où ils auront définitivement gagné la partie.

  • Alain Maronani Répondre

    2 février 2013

    Et dans une génération, en 2035, les champs de pétrole conventionnel actuellement exploités (qui fournissent aujourd’hui 80 % de la production mondiale de carburants liquides) ne produiront plus que 17 mb/j, soit moins d’un cinquième de la demande future, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
    J'ai pris le temps de faire deux longues présentations sur ce qui va arriver....pour faire court.
    Le monde industriel surtout va a sa perte...Alberta ou pas...et les conséquences avec
    Famines
    Guerres pour l'eau, l'énergie, etc
    Effondrement de la population mondiale (certains démographes parlent de 1 milliard d'habitants en l'an 2080) et les régions nordiques, nous en faisons partie, seront probablement totalement inhabitables, et surement désertés avant, pas seulement l'Alberta, tout comme les régions chaudes...
    Nous commencons a assister a ceci mais pour le moment l'humanité surnage....pas partout
    Comme dit le film le problème ce n'est pas la chute c'est l'arrivée en bas...

  • Marcel Haché Répondre

    2 février 2013

    Je salue votre brillante analyse. Je crois que vous serez d’accord si j’écris à nouveau qu’un gouvernement souverainiste- le P.Q. Marois pour le nommer- à mieux à faire que d’invoquer l’indépendance du matin au soir, et entreprendre ainsi rien de mieux qu’une danse de la pluie.
    Mais l’implosion dont vous nous entretenez, est-ce qu’elle ne pourrait pas provenir autant d’une immense tempête financière, internationale, que des forces centrifuges politiques et économiques canadiennes ?
    Est-ce que ce n’est pas un peu surestimer les nouvelles lignes de force provenant de l’ouest en général, et de l’Alberta en particulier, comme des forces hostiles à l’institution fédérale ? Ne vous apparait-il pas que la définition du Canada actuel provient de ces nouvelles forces, exactement comme à une époque lointaine, un French Power a pu s’emparer d’Ottawa et se placer aussitôt à son service dans une redéfinition du Canada, et surtout combattre férocement alors toutes les forces centrifuges, y compris celle provenant de l’ouest, mais en particulier celle provenant du Québec, d’où il provenait lui-même ?
    Quelque que puisse être la provenance des événements, Québec va sans doute devoir sortir de sa coquille et de son isolement politique. Et pas seulement les péquistes, tous ceux qui rêvent au pays itou…

  • Jean-Pierre Bélisle Répondre

    2 février 2013

    En mars 2003, le ministre Albertain de l’énergie et homme d’affaires Murray Smith, avait déclaré qu’il rencontrerait des représentants l’OPEC et de l’Agence Internationale de l’énergie avec ou sans l’assentiment du gouvernement fédéral et qu’il n’avait du reste aucune intention d’en discuter avec Ottawa avant ni après ces rencontres.
    Admirateur de George W Bush et ardent pourfendeur du Protocole de Kyoto, Murray Smith se disait principalement motivé par « politiques punitives et ineptes » du gouvernement fédéral en matière d’énergie ainsi que par la politique étrangère du Canada qu’il jugeait anti-américaine (1).
    De fait, après avoir quitté la politique provinciale, Smith fut nommé représentant officiel de l'Alberta à Wahnington DC, fonctions qu’il occupa de Janvier 2005 jusqu’à son retour au Canada à l'automne 2007.
    Dans le contexte de l’époque, tenter d’obtenir un siège à l’OPEP en court-circuitant Ottawa était un moyen d’engager un rapport de forces. Vous nous dites que l’Alberta tient maintenant les reines du pouvoir fédéral et que cela révèle le processus d’implosion en cours. Fort bien et tant mieux pour plusieurs de nous que la frousse de l’affrontement politique tenaille héréditairement.
    Je suis bien conscient que votre démonstration est sommaire. Cependant, j’ai de la difficulté avec vos concepts « d’État naturel et d’État arbitraire ». Il serait intéressant que vous explicitiez.
    Pour ma part et tout aussi sommairement, je dirais ceci: des processus identiques d’implosion d’États sont en cours partout sur la planète : Europe, Chine, Russie, Ikak, Iran, Syrie, Pakistan et nombre de fédérations. Fragmentation et restructurations n’ont de cesse.
    À devoir choisir, et encore sous réserve du temps court, je serais donc d’avis que tous les États sont d’une manière ou d’une autre arbitraires. Les États-Unis d'Amérique en sont un bon exemple.
    En perspective, les États tout autant que les regroupements fédératifs se font, se modifient et disparaissent même, selon les contradictions internes propres à chacun ainsi que sous la pression des forces externes appliquées par d'autres États.
    L’État « naturel », l’État « optimal », l’État « éternel » et même l’État nation n’ont de sens qu’à l’intérieur d’une vision statique ou à très courte vue de l’Histoire.
    Et du reste, tout aussi "naturels' qu'aient pu être les États Grec, Espagnol, Islandais, Irlandais et bien d'autres, l'implosion économique de chacune ne laissera qu'une coquille d'État ... sans envergure.
    Merci pour vos textes dont le contenu dépasse l’émotion du jour.
    JPB
    (*) http://www.globeinvestor.com/servlet/ArticleNews/story/GAM/20030326/ROPEC

  • Alain Maronani Répondre

    2 février 2013

    @Jean-Jacques Nantel
    Je suis assez d'accord avec vous sur la malediction du pétrole...J'ai un ami camerounais qui dit que les pays africains qui s'en tirent le moins mal sont ceux ou il n'y a pas de matières premières...
    Pour la désagrégation du Canada, j'ajouterais les USA en passant, je suis aussi d'accord, mais la manne pétrolière est encore là pour une trentaine d'années, sans compter les pétroles et gaz non traditionnels...d'énormes réserves encore intactes.
    Considérez ceci...
    Les rapports sur la disponibilité du pétrole pour les 30 prochaines années sont clairs. Considérés par l'IAE comme pays avec des réserves prouvées et susceptibles de continuer à produire et a augmenter sont;
    l'Irak
    le Canada
    Le Kazakhstan
    Les autres, tous les autres sont en déclin plus ou moins rapide. Il faut rappeler que le roi Abdallah a récemment déclaré qu'une part significative des ressources pétrolières seraient maintenant utilisés par l'Arabie Saoudite...et le nombre de puits en exploration a été multiplié par 3 les 4 dernières années...sans résultat.
    Vous trouvez ça compliqué ? Regardez-bien, c'est pourtant clair désormais : la somme des champs qui fournissent aujourd'hui la production mondiale de pétrole est en déclin rapide, et toute la question est de savoir si l'industrie de l'or noir pourra... ou pas... développer suffisamment vite des capacités de production nouvelles assez importantes pour éviter une profonde et durable crise énergétique globale.
    Nous avons déjà franchi le pic pétrolier, reconnaît l'Agence internationale de l'énergie (AIE). La production de pétrole conventionnel a atteint son « pic historique » en 2006, elle n'augmentera plus « jamais » :
    Près de 30 % de la production des puits de pétrole conventionnel aujourd'hui en activité aura disparu dans 10 ans, passant de 68 à 48 millions de barils par jour (mb/j) en 2020. D'ici là, il faudrait lancer l'équivalent de la production de 2 Arabies Saoudites, 20 mb/j, rien que pour maintenir les extractions de pétrole conventionnel à leur niveau actuel !
    Et dans une génération, en 2035, les champs de pétrole conventionnel actuellement exploités (qui fournissent aujourd'hui 80 % de la production mondiale de carburants liquides) ne produiront plus que 17 mb/j, soit moins d'un cinquième de la demande future, d'après l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
    "Oui ou non, l'industrie du pétrole est-elle en passe de réussir à développer d'ici dix ans l'équivalent des 4 Arabie Saoudite supplémentaires indispensables pour compenser le déclin des champs pétroliers les plus anciens ? On est pour l'instant très loin du compte, semble-t-il. D'autant que l'Agence internationale de l'énergie (une source d'ordinaire optimiste) pronostique désormais des déclins en Russie, en Iran, au Mexique, en mer du Nord et en Chine, et en redoute pour des producteurs aussi peu anecdotiques que le Venezuela, le Nigeria, l'Algérie, la Libye ou encore l'Angola"
    La pente du déclin des champs aujourd'hui en activité envisagé dans le nouveau rapport annuel de l'AIE est très prononcée, de l'ordre de 3 % par an. Cela représente 2 mb/j de capacités de production supplémentaires à mettre en place chaque année, soit un peu plus que la consommation d'un pays tel que la France.
    Le World Energy Outlook 2012 indique :
    "Le nombre de champs pétroliers qui ont été découverts, ainsi que leur taille moyenne, déclinent depuis plusieurs décennies (avec un retournement modéré au cours des dernières années). La plupart des champs pétroliers super-géants (...) ont été découverts avant les années 1970 (...), et le rythme de production a largement dépassé il y a de nombreuses années celui des découvertes [les courbes de production et de découvertes annuelles se sont croisées au milieu des années 1980"
    Conclusions;
    Le Canada va rester une puissance majeure du théâtre pétrolier pour les 30 prochaines années...
    Le dollar canadien ne va pas beaucoup baisser...et le secteur manufacturier va continuer à souffrir.
    Les pipelines nécessaires vont être construits, la demande d'énergie n'a pas diminuée, malgré la crise économique.
    Les tensions vont augmenter au Canada, mais les gens qui montent aux barricades, à propos du pétrole sale, un oxymoron pour cette industrie, pour après la manifestation remonter dans leurs 4x4, se tourneront vers qui pourra leur fournir ce sésame...nos approvisionnements sont en Algérie, ce n'est pas très rassurant.
    Les stratèges de 2006 devraient revoir leur copie ou lire autre chose.
    En 2035, si j'en crois les prédictions de l'IAE, nous aurons d'autres problèmes à régler, famines, guerres pour l'eau et l'énergie, etc, pour probablement avoir peu de temps pour discuter de peréquation.
    Je suis d'accord avec vous Monsieur Nantel, le monde risque peu de ressembler a celui que nous avons maintenant...
    En attendant...?

  • Jean-Jacques Nantel Répondre

    2 février 2013

    Je crois que c'est l'historien Will Durant qui a dit que la première cause d'affaiblissement et de disparition d'une civilisation (ou d'un État) était intérieure.
    L'effondrement final de l'État est normalement le résultat d'un long processus de dégénérescence intérieure. Selon lui, les États commencent par se suicider de l'intérieur, notamment quand une faction politique appelle dans le pays de grandes masses d'étrangers dans le but de prendre un avantage démographique et politique décisif (mais ponctuel) sur ses ennemis politiques intérieurs.
    C'est en effet le pays qui fait le peuple et non l'inverse. Quand on jette volontairement de grandes quantités de sable dans les rouages d'un État, on l'affaiblit et on le désorganise pour longtemps; ce qui retarde le processus naturel de fusion de tous les habitants qui vivent sur son territoire. C'est ce qui est en train de se produire au Québec, au Canada et, en fait, dans tout l'Occident à la suite de la dégénérescence produite par l'enrichissement anormal (et temporaire) des dernières soixante années.
    L'absorption de tous les immigrants au sein des peuples majoritaires des différents pays naturels qui constituent le Canada est absolument inéluctable... mais elle prendra du temps.
    Autre chose: l'histoire des États pétroliers le montre clairement; la découverte de grandes quantités de pétrole est toujours une malédiction pour un pays parce qu'elle désorganise pour longtemps ses réseaux de production. Au lieu de dépendre de son labeur de tous les jours pour vivre, le peuple commence alors à essayer de vivre de rentes qui proviennent d'une seule ressource; une ressource qui, parce qu'elle est unique et concentrée, peut facilement être accaparée par les voleurs des classes supérieures. Résultat: cela crée toutes sortes de distorsions économiques, politiques et culturelles dans le pays.
    Cela veut dire que la péréquation, sur laquelle comptent tant nos mendiants fédéralistes québécois, sera bientôt une chose du passé et que tout l'argent issu de l'industrie pétrolière, une industrie qui forme désormais l'épine dorsale de l'économie canadienne, va bientôt disparaître comme par magie.
    L'Alberta, comme monsieur Pomerleau le signale, est un État enclavé qui dépend de ses voisins pour exporter ses ressources. De plus, cette province, trop froide, ne possède pas (et ne possèdera jamais) une population suffisante pour faire un contrepoids politique crédible aux autres provinces et, notamment, à une Ontario en déclin constant et inéluctable.
    Tout cela augure mal pour la paix sociale, politique et constitutionnelle du Canada anglais lui-même. Dans ce processus, le Québec est, au mieux, un acteur marginal parce que physiquement trop éloigné.
    Une époque historique est terminée: celle de la conquête de l'Ouest. Nous sommes presque entrés dans le troisième millénaire. Les Occidentaux ne reconnaîtront bientôt plus leur bon vieux temps...
    Jean-Jacques Nantel, ing.

  • Alain Maronani Répondre

    2 février 2013

    "Ce contexte ouvre de nouvelles perspectives au Québec, d’autant plus que l’Alberta a un besoin « critique » de sortir son pétrole enclavé vers le corridor EST (Montréal). D’où le « dialogue » Alberta-Québec, déjà entamé. Le cadre de ces négociations et les termes possibles de l’entente sont déjà connus. Cela ne va pas sans risque, d’où la nécessité absolue pour les Québécois de suivre la partie de près."
    La nomination de John Kerry, en lieu et place de Hillary Clinton va permettre a Keystone Xl et TransCanada d'obtenir probablement la construction du pipeline, pour alimenter les raffineries du sud des Etats-Unis.
    "Federal financial disclosure records show Kerry has investments of as much as US$ 750,000 in Suncor, a Calgary-based energy company whose CEO has urged the U.S. to greenlight TransCanada's controversial project.
    The longtime Massachusetts senator, one of the wealthiest lawmakers on Capitol Hill with an estimated net worth of $193 million, also has as much as $31,000 invested in Cenovus Energy, another Calgary firm."
    "TransCanada Corp.’s controversial Keystone XL pipeline project has cleared a key hurdle in Nebraska, leaving U.S. President Barack Obama to decide whether the promised benefits of energy security and construction jobs will trump concerns over climate change.
    In a show of optimism, TransCanada chief executive officer Russ Girling said Tuesday that his company is gearing up to begin work on one of the biggest construction projects the United States can expect this year as soon as there is a positive decision from Washington."
    On Tuesday, Nebraska Gov. Dave Heineman, a Republican, notified the president that he had approved the pipeline’s route through his state, a critical step in advancing the project.
    A day later, a bipartisan group of 53 senators urged Obama to approve the pipeline quickly, citing economic benefits and a minimal environmental impact.
    “Canada plans to develop this oil resource, and the only question is whether we receive the oil from our friend and ally, or whether Canada is forced to look for new partners in Asia,” they wrote in a letter.
    Effectivement le Québec va suivre la discussion de près...mais probablement les emplois et le reste, entretien, construction, raffineries, un projet de 7 milliards de $ uniquement pour la construction, vont aller ailleurs...Si Obama veut faire quelque chose du Sénat américain dans les années qui viennent il ne peut se passer de l'appui de 53 sénateurs sur un total de 104...sans compter ceux qui n'ont pas signés, pour le moment.
    http://www.theglobeandmail.com/report-on-business/industry-news/energy-and-resources/nebraska-nod-puts-keystone-pipeline-decision-squarely-on-obama/article7619753/
    http://pipelineobserver.ca/climate-hawk-kerry-says-hell-oversee-keystone-xl-pipeline-review/
    Enfin si vous pensez que l'on peut retirer la production de pétrole de l'Alberta, sans conséquence à la pompe, détrompez-vous, malgré le ralentissement de l'économie la demande en produit pétrolier n'a pas baissée, bien au contraire...et les prévisions de l'Agence Internationale de l'Energie n'offrent AUCUN optimisme à ce sujet, sinon une stagnation voire un déclin de l'offre, et une augmentation de la demande, donc une augmentation du prix du baril...
    Savoir si ceci va permettre la dislocation du Canada est votre hypothèse, la crise financière me semble être un meilleur pari...

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2013

    Pour moi M. Pomerleau,le Canada n’a jamais été une fédération. Le Canada c’est la convergence d’une politique de gang et une économie de cartel.
    La dynamique du gang Canada doit être étudiée en fonction des contraintes et des rapports de force de ses membres qui s’organisent en bloc avec le plus puissant qui essaie d’imposer sa politique aux autres blocs de membres. Nous pouvons voir cette dynamique de bloc dans l’histoire des élections du Canada
    Longtemps le bloc du centre soit le Bloc ontarien-québécois a dominé le gang Canada avec les membres ontariens qui utilisaient l’argent du Bloc West pour acheter la collaboration des membres québécois pendant que les membres ontariens appauvrissaient économiquement et politiquement les membres québécois en transférant l’industrie et recherche vers l’Ontario résultant dans un enrichissement artificielle de cette province. Comme tout système basé sur le déséquilibre, il fallait que ça casse et cela est arrivé quand le pillage du Québec ne pouvait plus supporter l’Ontario.
    Quand Chrétien mis fin par ses actions (scandale des commandites) à l’existence du bloc ontarien – québécois, cela a permis l’émergence et la proéminence du Bloc West (Alberta, Saskatchewan, Manitoba) qui était divisé politiquement jusque là (soit Reform party versus PC) et qui s’était unifié. La puissance de ce bloc n’est pas politique mais bien économique parce qu’il peut acheter la puissance politique du nouveau bloc Ontario qui a besoin de cet argent pour survivre économiquement.
    Un autre bloc émergea et ce fut le Bloc Québécois. Le seul rôle que ce bloc maintenant marginalisé politiquement et économiquement pouvait jouer était un rôle d’opposition et d’équilibrer le Canada. Mais le Bloc Québécois ne pouvait pas participer au Canada du fait de sa position indépendantiste. Avoir un parti indépendantiste au fédéral et bien tu es aussi bien d’avoir personne pour te représenter au fédéral. On peut dire que le Québec politiquement à ce moment vota pour l’indépendance mais était trop peureux pour le faire économiquement.
    Mais quand tu mêles la compote de pommes avec le spaghetti seulement une minorité va trouver cela appétissant. Le Bloc Québécois était condamné à disparaitre mais le bloc québécois continua d’exister dans le gang Canadien et les membres québécois transfèrent leur allégeance politique au NDP. Tant qu’à leur position économique ils sont réduits à la charité du gang Canadien.
    Vous avez aussi le bloc Colombie Britannique qui est unique. Économiquement ce bloc est West mais ses politiques et ses convictions par exemple sur l’environnement, programmes sociaux ont plus en communs avec le Québec ce qui explique la prévalence du NDP dans cette province. Cela représente tout un dilemme pour cette province et soit neutralisera ce Bloc ou peut en faire un swing bloc.
    Finalement il y a les Maritimes, ces pauvres provinces qui toujours votent en bloc sans jamais officialiser ce geste car il croit au principe de la fédération ce qui veut dire que les Maritimes ne peuvent pas avoir de poids dans une dynamique du gang Canada. Je fais une étude pour voir si il y avait existé un parti Bloc Maritime quel aurait été l’importance de ce Bloc dans les élections canadiennes.