À peine en kiosques, le hors-série de Valeurs actuelles, consacré à « L’Histoire interdite », s’est déjà écoulé à près de vingt mille exemplaires en moins d’une semaine. Vu la déroute de la presse écrite, un tel tour de force mérite quelques explications.
Rien de bien étonnant, pour Arnaud Folch, maître d’œuvre de cet épais recueil : « Les Français se rendent manifestement compte qu’il y a deux Histoires de France. D’un côté, celle officielle et idéologisée ; bref, de l’Histoire trafiquée. Et de l’autre, la réalité historique. » Certes, personne n’empêchera jamais un historien d’avoir une sensibilité de « droite » ou de « gauche » ; mais l’Histoire, elle, n’est ni de « gauche » ni de « droite ».
À cette occasion, l’historien Jean Sévillia en dit plus : « L’historiquement correct (titre de l’un de ses essais s’étant écoulé à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires en 2004) n’est pas un bloc, il est constitué de plusieurs couches de sédimentation idéologiques. » Ce qui nous renvoie au XVIe siècle, lorsque « des polémistes protestants, pour combattre le Vatican, réécrivent son passé à travers un certain nombre de thèmes : l’Inquisition, les papes et l’argent. »
Puis, les encyclopédistes, qui « livrent eux aussi un combat intellectuel et culturel contre l’influence de l’Église catholique sur la société ». Après la Révolution française, il y a l’avènement « d’une histoire républicaine en noir et blanc, qui fait de 1789 la date pivot de l’Histoire de France, passage de l’obscurantisme à la lumière ». Et notre historien de poursuivre en évoquant une « quatrième couche idéologique » : « Le marxisme impose, dans l’entre-deux-guerres, une lecture de l’Histoire selon les canons du matérialisme dialectique, appuyée sur un certain nombre de mythes. » Puis, « après l’effondrement du communisme, la cinquième couche du politiquement correct, qui consacre, à la fin des années 1980, le "droit-de-l’hommisme" comme nouvelle idéologie dominante : les événements, les civilisations et les nations sont alors jugés par rapport aux droits de l’individu, érigés en valeur absolue. »
Sans oublier, bien sûr, le « wokisme » et la « cancel culture », constituant la sixième couche, « renversement total de paradigme, où l’homme blanc et, à travers lui, la civilisation occidentale sont mis sur la sellette ».
Comme le souligne justement Arnaud Folch, cette Histoire officielle est malheureusement celle qu’on enseigne à l’école pour les plus jeunes, et dans les médias pour les plus âgés. D’où cet ouvrage de salubrité qui, loin de sombrer dans les travers d’on ne sait quelle Histoire officieuse, se contente seulement de rappeler les faits, les dates, et permettant surtout de resituer chaque événement dans son contexte de l’époque.
Ainsi n’est-il pas inopportun de rappeler que la traite négrière fut autant le fait de la civilisation musulmane que de son homologue chrétienne. Que le général de Gaulle fut longtemps le fils spirituel du maréchal Pétain, que les bombes du FLN firent bien plus de morts à Paris que les attentats du Bataclan, que les soldats perdus de l’OAS étaient pour beaucoup d’anciens résistants gaullistes, que Voltaire était un fieffé raciste et Danton un corrompu hors normes, que les guerres de Vendée furent le premier massacre de masse programmé de manière administrative et que le trafic de peau et de graisse humaine fut, à en croire Saint-Just, un acquis de 1789.
De même, il nous est rappelé que François Mitterrand, tout auréolé de l’abolition de la peine de mort, après le 10 mai 1981, fut le ministre de la Justice qui, durant les « événements » d’Algérie, fut un guillotineur plus que zélé. Tout comme il n’était pas inopportun de remettre à l’honneur Napoléon III, grand mal-aimé de notre Histoire, mais sous le règne duquel le salaire des ouvriers augmenta de 75 %, tandis que 90 % de ses indemnités de président, puis d’empereur, furent dépensés pour améliorer l’ordinaire des plus modestes de ses sujets.
Il fallait tout le talent de nos confrères pour rappeler tant de faits historiques, avérés, trop souvent passés sous silence, mais pourtant susceptibles de nous rappeler cette évidence première : de plus en plus de Français aimeraient que leurs « élites » cessent enfin de cracher sur le pays les ayant vu naître.