L'éthique de vitrine

Pour le gouvernement actuel, l'éthique n'est qu'une illusion destinée à dévier l'attention des problèmes de fond qui infectent la démocratie provinciale.

Enquête publique - un PM complice?



L'éthique est sur toutes les lèvres. Tous en parlent et, en même temps, peu savent réellement ce qu'est l'éthique. De l'exigence de commissaires à l'éthique à la publication de nombreux codes d'éthique ou de déontologie, qu'en est-il réellement de ce soudain souci? Pour le gouvernement du Québec, l'éthique représente-t-elle une préoccupation réelle ou n'est-elle plutôt qu'un écran de fumée destiné à faire croire que tout va bien?
L'éthique est-elle destinée à «bien faire» ou à «faire bien paraître»? Dans cette affaire, et en observant la situation en politique québécoise, j'ai bien peur que l'éthique ne soit réduite qu'à de l'esthétique, de l'éthique de vitrine destinée à faire croire que tout ira alors que rien ne changera.
Au moment présent, la situation de l'éthique en politique québécoise peut être qualifiée de toxique. Au cours des 12 derniers mois, le nombre de scandales, avérés ou fictifs, a atteint un niveau inimaginable. Les citoyens, avec raison, doutent de tous et de tout; les actions de l'ensemble des élus, tous paliers confondus, sont devenues suspectes. Cette situation est malsaine, elle ne peut durer, le gouvernement du Québec doit agir.
Éthique de vitrine
J'ai été cependant étonné d'entendre le premier ministre Jean Charest annoncer aux membres de l'Union des municipalités du Québec réunis récemment en congrès qu'il allait faire adopter le projet de loi 48 sur l'éthique et la déontologie et nommer un commissaire à l'éthique dès le 11 juin prochain.
Il faut savoir que le projet de loi 48, visant à instituer un code d'éthique et de déontologie pour les élus provinciaux et la création d'un poste de commissaire à l'éthique, a fait l'objet d'une commission parlementaire au cours du printemps 2009. J'ai participé à cette commission en tant qu'invité de l'Assemblée nationale et ai été invité à donner mon point de vue sur le projet en question.
Plusieurs événements sont advenus depuis cette date, mais l'essentiel de mon opinion et de mes recommandations demeure: le projet de loi 48 relève plus de l'éthique de vitrine que de l'éthique en soi. Le projet de loi 48 permettrait au gouvernement de «bien paraître» sans nécessairement l'obliger à «bien faire».
Illusion
En mai 2010, le projet de loi 48 est un leurre destiné à éviter de déclencher une enquête publique sur le financement des partis politiques. Rien de nouveau sous le soleil alors qu'en juin 2009, le projet de loi 48 était un leurre destiné à éviter de discuter du salaire versé par le Parti libéral au premier ministre ou de discuter du double emploi de certains membres du gouvernement dont les compagnies faisaient affaire avec l'État. Pour le gouvernement actuel, l'éthique n'est qu'une illusion destinée à dévier l'attention des problèmes de fond qui infectent la démocratie provinciale.
L'éthique ne doit pas être réduite à un simple «surveiller et punir»; l'éthique est bien plus qu'une enquête en vue d'apprendre si un individu a transgressé certaines règles. L'éthique doit être associée à la culture d'un milieu (ici, celui de la politique) et doit se préoccuper de ce qui est juste, parfois par delà ce qui est légal.
Mandat restrictif
Le mandat qui serait confié à un éventuel commissaire à l'éthique dans le cadre du projet de loi 48 est trop restrictif. Il lui donnerait, certes, un certain pouvoir d'enquête, mais il faut savoir que pour un commissaire à l'éthique, le travail d'enquête ne saurait représenter plus de 20 % de ses tâches. Le commissaire à l'éthique devrait consacrer l'essentiel de son travail à la mise sur pied d'une culture éthique, il devrait travailler en amont à influencer les moeurs du milieu afin que les événements non éthiques ne surviennent pas. L'essentiel du travail d'un commissaire à l'éthique en est un de prévention. C'est une des raisons pour laquelle le rôle de commissaire ne saurait être confié à un juriste ou à un enquêteur.
La personne qui sera choisie pour exercer un tel rôle devra posséder les habiletés et les qualifications éthiques requises pour l'exercice d'une telle fonction. Sinon, l'arrivée du projet de loi 48 et la nomination d'un commissaire-juriste ne représenteront que les premiers pas pour en finir avec l'éthique.
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René Villemure - Président de l'Institut québécois d'éthique appliquée

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