Une haute gradée de la Sûreté du Québec est soupçonnée d’avoir orienté faussement l’enquête qui a mené à l’arrestation du député Guy Ouellette en octobre 2017.
Notre Bureau d’enquête a obtenu des documents officiels qui font état pour la première fois des dérapages présumément commis par l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Cette saga jette depuis des mois le discrédit sur la police nationale du Québec et l’organisation mandatée pour lutter contre la corruption. Elle a entraîné le départ de Robert Lafrenière, qui dirigeait l’UPAC, ainsi que la suspension du patron de la Sûreté du Québec (SQ) Martin Prud’homme et des sanctions administratives contre d’autres policiers.
Un document du ministère de la Sécurité publique que nous avons consulté contient des allégations troublantes à l’endroit de la lieutenante de la SQ Caroline Grenier-Lafontaine, qui travaillait à l’UPAC avant d’être relevée temporairement de ses fonctions le 28 février dernier.
La lieutenante Grenier-Lafontaine supervisait le projet A, la fameuse enquête lancée par M. Lafrenière pour trouver qui était à l’origine des fuites médiatiques au sein de son organisation.
Ce document allègue que Mme Grenier-Lafontaine « a dirigé notamment le projet A de façon à orienter faussement l’enquête ».
On y indique qu’un geste criminel pourrait avoir été commis, soit de l’entrave au travail des policiers.
- Le journaliste Félix Séguin était à l’émission Dutrizac sur QUB radio:
Député piégé
Au cours de cette enquête, le 25 octobre 2017, M. Ouellette a été arrêté après que l’UPAC lui eut tendu un piège. Des enquêteurs ont communiqué avec lui avec le téléphone cellulaire qu’ils avaient saisi à Richard Despatie, un policier qu’ils soupçonnaient d’avoir collaboré aux fuites.
M. Ouellette a alors cru qu’il recevait un message de M. Despatie l’invitant à se rendre dans le stationnement d’un restaurant en banlieue de Québec pour récupérer des documents. La manœuvre a réussi, dans un premier temps, et M. Ouellette a été arrêté. Mais il n’a finalement jamais été accusé, et c’est aujourd’hui lui qui poursuit l’État québécois pour plus d’un demi-million $.
Un autre document que nous avons consulté, soit l’avis de mesure administrative qui a été envoyé à la lieutenante Grenier-Lafontaine, indique que cette dernière est soupçonnée d’avoir contrevenu à deux autres articles du Code criminel.
Il s’agit de la supposition de personne (en lien avec l’appât tendu à Guy Ouellette) et de l’interception illégale de communications privées.
Autre affectation
La lieutenante Grenier-Lafontaine est affectée à d’autres tâches jusqu’à ce que le Directeur des poursuites criminelles et pénales décide s’il y a lieu ou non de déposer des accusations contre elle.
« Cette décision [...] tient compte notamment de la nature des événements, de l’impact de ces gestes sur le lien de confiance devant exister entre l’employeur et l’employé, mais aussi, des répercussions possibles sur la réputation et sur la confiance du public à l’endroit de la Sûreté du Québec », lui explique son employeur dans l’avis de mesure administrative.