L’enquête avance, mais tout croche

On avait liquidé Airbus et revoici le scandale qui se pointe le bout du fuselage.

L'affaire Mulroney-Schreiber


Ce qu’a dit Karlheinz Schreiber hier nous mène sur une tout autre piste : en 1992 ou 1993, Fred Doucet, un proche du premier ministre Brian Mulroney, a demandé à Karlheinz Schreiber de voir à ce qu’une portion des commissions versées par Airbus soit envoyée à un avocat de M. Mulroney à Genève.
C’est la première fois que Schreiber, qui avait disculpé Brian Mulroney mardi, fait cette allégation clairement et publiquement.
Le comité a été évidemment incapable d’approfondir et de tester un tant soit peu cette affirmation.
C’est jusqu’ici du double ouï-dire, explosif certes, mais qui n’est appuyé par aucune preuve indépendante, et qui émane d’un homme désespéré. Pourra-t-on faire la preuve de cela ?
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Mardi, le témoin disait n’avoir jamais versé un sou à M. Mulroney, ni aucune autre personne élue ou en autorité, en rapport avec la vente des 34 avions Airbus à Air Canada.
Contradiction ? Regardons de plus près : il maintient n’avoir jamais rien versé – ce serait un crime de corruption.
Ce n’est pas lui qui aurait versé l’argent, mais la firme de lobbying conservatrice CGI. Schreiber maintient que l’argent des commissions (20 millions) est allé entièrement à CGI. Et ce que Doucet lui demandait était d’intercéder auprès de CGI pour que de l’argent parvienne à l’avocat de M. Mulroney. Pas de verser lui-même l’argent. Nuance.
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Il y a tout de même quelques os. Schreiber ne sait pas ce qui s’est réellement passé : c’était l’affaire de CGI, dit-il.
Ensuite, Schreiber dit qu’il a été estomaqué d’entendre Doucet parler d’un possible lien entre M. Mulroney et Airbus. « Êtes-vous naïf à ce point ? » lui aurait répliqué Doucet. Schreiber naïf !
Schreiber a versé les commissions d’Airbus à CGI. Il devait connaître le système. S’il y avait de l’argent pour M. Mulroney, et que Doucet a été suffisamment en confiance pour lui en parler, Schreiber aurait dû être au courant, non ?
Aucun député, hier, n’a demandé à Schreiber de dire qui, exactement, à sa connaissance, a bénéficié directement ou indirectement des sommes versées par ses bons soins à CGI. Personne, non plus, ne lui a demandé s’il connaît le nom du supposé avocat genevois de M. Mulroney – qui assure n’en avoir jamais eu.
Selon la version de Schreiber, l’argent a été distribué à CGI, qui l’a redistribué à sa guise – cette explication le disculpe de tout acte de corruption : les commissions ne sont plus des pots-de-vin, mais simplement les honoraires en pourcentage des démarcheurs de CGI. Commode !
Schreiber, au fond, nous suggère qu’il y avait corruption au plus haut niveau, mais que lui, qui tenait le robinet, n’en avait aucune idée. L’exercice d’équilibrisme est audacieux : mouiller Brian Mulroney en restant au sec juridiquement. Malheureusement pour lui, ça ne résiste pas à l’analyse.
Au fait, il est en train de dire que la GRC avait raison d’enquêter en Suisse. Pourquoi prétend-il encore que c’était un scandale ?

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Et il y a toujours ces invraisemblances. Il est incapable d’expliquer comment il a su qu’il fallait apporter une première tranche de 100 000 $ à M. Mulroney comme « consultant » dans un hôtel de Mirabel, en août 1993. Il a dit qu’il s’attendait à obtenir un reçu de M. Mulroney, détaillant la raison du versement. Cet argent, figurez-vous, devait selon lui être placé en fiducie, et encaissé par M. Mulroney à mesure que les services étaient donnés. Il n’y a pas eu de service… mais Schreiber continuait à verser. Pas fort !
S’il fait toujours affaire en comptant, dit-il, c’est pour qu’il n’y ait pas de trace. Et il attend maintenant des reçus ? S’il a attendu un reçu en vain pour les premiers 100 000 $, pourquoi a-t-il versé une autre tranche en décembre 1993, puis une dernière en décembre 1994 ?
Schreiber joue les imbéciles.
Ti-Gus et Ti-Mousse
On sait donc de quel côté faire avancer l’enquête. Mais ce comité siégeant quatre heures par semaine est incapable d’arriver à quoi que ce soit. Alors on se promène, on s’éparpille d’un député à l’autre, on progresse latéralement tout en reculant en diagonale vers l’avant…
Que dire du duo comique du comité, les deux représentants du Bloc, sortes de Ti-Gus et Ti-Mousse de l’interrogatoire ? Le député Gérard Asselin passe la moitié de ses questions à dire qu’il a « de la misère à comprendre » et l’autre moitié à le prouver. Et il se répète, répète, répète.
C’est à brailler.
Ou sont les vedettes du Bloc quand on en a besoin ? Ou sont les Maria Mourani, Francine Lalonde, Réal Ménard, Pierre Paquette ? Ne me dites pas que Serge Ménard est de bonne humeur en regardant ça !
Quelle que soit la suite parlementaire maintenant, tenons ceci pour acquis : si jamais on peut aller au fond de cette affaire, ce qui n’est pas garanti, ce sera bel et bien devant une commission d’enquête.
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