Anecdote de circonstance

L'éléphant enchaîné

Tribune libre

Un jour qu'il se rend au cirque avec son père, un petit garçon aperçoit un énorme éléphant enchaîné à un minuscule pieu fiché en terre. Intrigué de voir que le pachyderme, qui aurait été capable de déraciner un arbre, se contentait de rester docilement entravé, l'enfant demande à son père :

« Penses-tu que l'éléphant pourrait se libérer s'il le voulait ? 

– Bien sûr, il est assez fort pour ça, lui répond son papa.

– Alors, qu'est-ce qui l'empêche de le faire ?

– Il ne songe pas à s'échapper.

– Pourquoi ?

– Parce qu’il est dressé.

– « Dressé »... ?

– « Dressé » veut dire qu'il a été dompté ; il est habitué à obéir, à faire ce qu'on lui demande, tu comprends ?

– Mais... pourquoi faut-il l’attacher, dans ce cas ?

– Vois-tu, il était bébé quand on lui a mis des chaînes. À cette époque-là, il était encore trop faible pour pouvoir les briser. Il a bien essayé plusieurs fois de se détacher, mais le piquet était trop solide pour lui. Malgré tous ses efforts, il n'a pas réussi à l'arracher.

– Mais plus tard, quand il est devenu assez gros et assez fort... ?

– Eh ! bien, un jour – et ce jour-là a été terrible pour lui ! – il a fini par accepter son sentiment d'impuissance et par se résigner à son sort. Aujourd'hui, il pourrait se débarrasser facilement de ses chaînes, mais il sous-estime sa force. Même s'il est devenu énorme et puissant, il reste prisonnier parce qu’il est persuadé qu'il est incapable de se libérer. »

Vous l'aurez compris, l'éléphant de cette anecdote, c'est le Québec. Plus précisément, il s'agit de la société québécoise qui, par crainte de raviver de mauvais souvenirs et de rouvrir de vieilles blessures, s'interdit toujours obstinément de se pencher sur les mauvais traitements qu'elle a subis au cours de son histoire et qu'elle continue de subir encore aujourd'hui sans rouspéter.

Il résulte de cette négligence – pour ne pas dire de ce refus ou de ce déni – une incapacité chez elle de modifier la perception qu'elle a de ses problèmes actuels et, par conséquent, de rechercher des solutions appropriées aux situations conflictuelles auxquelles elle doit désormais faire face. Avec comme conséquence qu'elle reste prisonnière des chaînes du passé.

Or, ne serait-il pas temps pour les Québécois de s'affranchir des entraves paralysantes dont ils ont hérité sans le savoir et de décider eux-mêmes de leur avenir ?

OUI !... mais comment ? En d'autres termes, par quel moyen notre « éléphant » pourrait-il se désenchaîner afin d'aller enfin son propre chemin ?

Lorsque le peuple québécois tout entier aura trouvé la réponse à cette question, il sera enfin libre, pas avant...

Mais pour ça, une thérapie collective s'impose plus que jamais!


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5 commentaires

  • Normand Paiement Répondre

    10 avril 2014

    Monsieur Cloutier,
    Encore une fois, je suis entièrement d'accord avec vous lorsque vous écrivez: "Il ne suffit pas de grand chose pour que le peuple embarque. Ce sont nos leaders "chouverainistes" qui ont fait défaut."
    Cela ne m'empêche pas pour autant de vouloir attaquer le problème à la racine, car je pense que tous nos maux actuels viennent de là. Une lectrice l'a d'ailleurs exprimé en termes on ne peut plus clairs: "Les élus sont issus du peuple. Si celui-ci est malade, comment penser qu'il puisse élire des politiciens en santé et prêts au combat[?]"
    N'est-ce pas logique?
    Cordialement,
    NP
    PS - Si le coeur vous en dit, écrivez-moi personnellement (paiementcontent@hotmail.com). Je vous dirai alors pourquoi je pense qu'il existe une solution à ce problème fondamental, car le Québec est, selon moi, une société dysfonctionnelle qui a un urgent besoin d'une thérapie collective.

  • Pierre Cloutier Répondre

    9 avril 2014

    Monsieur Paiement
    Il ne suffit pas de grand chose pour que le peuple embarque. Ce sont nos leaders "chouverainistes" qui ont fait défaut. Après Parizeau (1995) et le court épisode du congrès de 2005 - celui du projet de pays - ce sont les "mous", les "pas pressés", les "chouverainistes ronronnants et mollassons" qui ont contrôlé le PQ avec le résultat que l'on connait. Parizeau était un guerrier et savait ce qu'il voulait. Bouchard, Boisclair et Marois nous ont tous amené dans un cul-de-sac, enfermés qu'ils étaient dans leur prison mentale provinciale, provincialiste et provincialeuse : la petite gouvernance des bécosses provinciales, accrochée à une "chouveraineté" mythique dans la semaine des 4 jeudis, le tout enveloppé dans le papier bleu pâle de la prétendue science géopolitique moderne. Quelle sinistre farce.
    Et je sens qu'ils vont encore se pointer en se justifiant et en cherchant d'autres scénarios soporifiques pour nous endormir encore plus dans la démobilisation générale et l'écoeurantite aiguë.
    Va falloir que les indépendantistes soient vigilants pour tuer dans l'oeuf toute velléités allant dans ce sens. La "chouveraineté ronronnante et mollassonne" a tué le Bloc et envoyé le PQ au plancher. Et on veut recommencer. C'est cela qui est le pire.
    Si un étudiant en sciences politique présentait une thèse de doctorat allant dans le sens de la chouveraineté ronronnante et mollassonne, je le prendrais soit pour un sado-maso ou un dérangé mental et je l'enverrais à l'hôpital psychiatrique le plus proche.

  • Normand Paiement Répondre

    9 avril 2014

    @ Pierre Cloutier
    Vous écrivez fort justement: "On ne va pas au combat avec des gens comme cela."
    Je partage entièrement votre avis sur ce point et sur bien d'autres, car je vous lis avec assiduité.
    Permettez-moi néanmoins d'ajouter: "On a les dirigeants qu'on mérite."
    Par conséquent, je persiste et je signe, en précisant toutefois ma pensée: "Une thérapie collective s’impose plus que jamais au peuple québécois TOUT ENTIER, dirigeants politiques compris, toutes tendances politiques confondues, soit dit en passant!"
    Cordialement,
    NP

  • Pierre Cloutier Répondre

    9 avril 2014

    Très jolie histoire, mais vous vous trompez de cible. L'éléphant ce n'est pas le peuple québécois. L'éléphant c'est le péquiste de la gouvernance provinciale déguisée en gouvernance chouverainiste ronronnante et mollassonne qui a fait du surplace depuis trop d'années en tremblant de peur devant son devoir de faire l'indépendance de la patrie. On ne va pas au combat avec des gens comme cela.
    Pierre Cloutier

  • Archives de Vigile Répondre

    9 avril 2014

    ¨une thérapie collective s'impose¨
    ...d'où le passage du triumvirat des docteurs (vétérinaires ???) dans l'histoire de l'ANQ.