Lisée premier ministre : mission impossible ?

Pour peu qu’il réussisse à se démarquer de ses adversaires dans le dernier droit !

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Tribune libre

Avant même que ne débute officiellement la présente campagne électorale, le chef péquiste s’était comparé au personnage de dessin animé Underdog. Dans la mesure où son parti stagne depuis maintenant plus d’un an en troisième place des intentions de vote dans les sondages, il admettait ainsi ouvertement qu’il était le « négligé des parieurs ».


Pour ma part, je suis plutôt tenté de croire que Jean-François Lisée se prend parfois pour Ethan Hunt, l’intrépide personnage principal de la série de films Mission : Impossible interprété par l’acteur Tom Cruise. Ou encore pour Simon Pegg, l’interprète du comique de service Benji Dunn dans la même saga cinématographique. Voire alternativement pour l’un ET l’autre, au gré de ses humeurs...


Qu’on en juge : le 16 juillet, au lendemain de la victoire de la France en Coupe du monde de football, Le Journal de Montréal titrait : « Comme en 1998 quand la France a remporté la Coupe du monde, Lisée croit que le PQ va remporter l’élection » . Moins d’un mois plus tard, le chef du Parti québécois se disait également « convaincu que son parti est toujours dans la course et que ses chances de l’emporter le 1er octobre [...] sont bonnes ».


On sait que le PQ a décidé de jouer la carte de l’humour un peu avant d’opter pour son slogan de campagne définitif (« Sérieusement »). On est donc légitimement en droit de se demander si M. Lisée pense vraiment avoir la moindre chance de coiffer ses adversaires au fil d’arrivée. Ou si le procédé d’autodérision qu’il utilise pour améliorer son image auprès du public ne vise pas plutôt à prévenir, en minimisant d’avance son impact auprès des militants péquistes et des électeurs souverainistes, la catastrophe appréhendée que constituerait une débâcle du PQ le soir de l’élection.


Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : M. Lisée n’a plus d’autre choix que de tenter l’impossible s’il espère que le possible – une improbable victoire du PQ le jour du scrutin – se réalise. Ou encore s’il pense – plus modestement – pouvoir encore sauver les meubles...


Jean-François Lisée a commis deux erreurs fondamentales depuis qu’il est devenu chef du Parti québécois. Elles risquent malheureusement de lui être fatales.


Première erreur (la plus grave) : mettre l’indépendance en veilleuse


M. Lisée a justifié son choix de ne pas tenir de référendum sur la souveraineté dans un premier mandat en prenant comme prétexte que les Québécois devaient avant tout se débarrasser des libéraux. Mal lui en prit ! Ce faisant, il n’a pas vu qu’une telle option stratégique allait du coup propulser la CAQ au rang de parti susceptible d’incarner l’alternance aux yeux de la population...


Qui plus est, le fait d’évacuer la question nationale, la question identitaire et la question de l’immigration de son argumentaire a d’autant plus nui au PQ que c’est François Legault qui s’est emparé de ce thème porteur ! Histoire de contrebalancer cette malencontreuse décision, M. Lisée s’était engagé à parler de l’indépendance « tous les jours » de l’actuelle campagne électorale (https://quebec.huffingtonpost.ca/2018/09/06/jean-francois-lisee-elections-predictions-huffpost_a_23519144/). Or, force est de constater que lui et les ténors du PQ se sont jusqu’à présent montrés plutôt discrets sur cette question. Même Jean-Martin Aussant, dont le billet publié début août dans Le Devoir avait suscité quelques espoirs en ce sens, semble avoir été relégué dans l’ombre depuis.


Que se serait-il produit si M. Lisée avait choisi M. Aussant comme vice-chef en lieu et place de Véronique Hivon ? On peut toujours rêver ! Certes, il ne suffit pas de parler d’indépendance en permanence pour convaincre une majorité de Québécois d’adhérer à ce projet qui constitue, jusqu’à nouvel ordre, la raison d’être du PQ. Encore faut-il en démontrer la nécessité... et la viabilité ! Nous sommes loin du compte à ce chapitre...


Deuxième erreur : proposer de renforcer le rôle de l’État


Cette seconde erreur de parcours de la part de M. Lisée découle directement de la première. Ayant renoncé à faire de la défense et de l’illustration du projet de pays son principal cheval de bataille, il a dû se rabattre sur une solution de rechange. Il a cru avoir trouvé la combinaison gagnante en nommant Mme Hivon comme vice-chef du PQ et en opérant du même coup un virage social-démocrate. Visiblement, cela n’a pas donné les effets escomptés. Par ailleurs, à l’heure où l’État-providence est de plus en plus remis en cause, tant au Québec qu’ailleurs en Occident, on ne peut que s’interroger sur les motifs qui ont amené le parti souverainiste à dévoiler, en début d’année, des publicités ayant pour slogan « Un État fort pour réussir l’indépendance ».


Au lieu de chercher de la sorte à empiéter sur les plates-bandes de Québec solidaire, le PQ aurait mieux fait de choisir comme devise : « Un Québec fort pour réussir l’indépendance ». Il aurait démontré ainsi clairement qu’il entend faire du Québec un pays riche et prospère, sans donner pour autant l’impression négative qu’il aspire à conférer plus de poids à une administration publique déjà suffisamment lourdaude...


Que peut encore espérer Jean-François Lisée ?


« J’ai espoir que les gens diront un jour de moi que c’est le PM qui a fait l’indépendance du Québec », déclarait Jean-François Lisée au cours d’une entrevue récente. Sérieusement ? serait-on en droit de lui demander.


Y a-t-il encore de l’espoir pour M. Lisée ? Malgré sa belle performance lors du premier débat des chefs, le chef péquiste n’a de toute évidence pas réussi à dominer complètement ses adversaires. Plus grave encore, le thème de la question nationale, qui lui aurait pourtant permis de marquer des points importants auprès des souverainistes séduits par la CAQ, « a été pratiquement évacué du débat ».


Quant aux deux autres débats, dont celui en anglais, ils auront surtout permis de démontrer hors de tout doute que François Legault n’est rien de plus qu’un « marchand d’illusions », comme l’écrivait le chroniqueur Michel David il y a près de trois ans déjà.


Dans la mesure où « les choses se corsent pour la Coalition avenir Québec » , il semblerait que certains électeurs ont commencé à comprendre que le « changement » promis par ce parti risque de se limiter à « changer quatre trente sous pour une piastre », comme le veut l’expression populaire.


Dans l’état actuel des choses, le PQ peut encore espérer, au mieux, se faufiler entre la CAQ et le PLQ ; au pis, détenir la balance du pouvoir dans un éventuel gouvernement minoritaire, quel qu’il soit.


Par conséquent, monsieur Lisée, votre mission, si toutefois vous l’acceptez, consiste désormais à vous démarquer de vos adversaires, à la fois en exploitant leurs faiblesses et en vous engageant avec détermination à réaliser l’indépendance du Québec. Pas dans quatre ans. Maintenant ! Bonne chance, vous allez en avoir besoin !


Normand Paiement


 



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