L'école laboratoire

ECR - Éthique et culture religieuse

S'il fallait un aveu, il est là. Dans son témoignage au procès portant sur le droit d'exemption du cours Éthique et culture religieuse, Gérard Bouchard, un des principaux théoriciens du multiculturalisme québécois, a reconnu que la principale fonction de ce cours était d'assurer la reconstruction identitaire de la société québécoise sur le modèle du multiculturalisme. Cette déclaration a la vertu de dévoiler la véritable mission du cours ECR et de l'inscrire au coeur du débat public: la conversion forcée du Québec au multiculturalisme.
Mais Gérard Bouchard allait encore plus loin dans son témoignage: «La crise des accommodements raisonnables n'aurait jamais éclaté si le cours était donné depuis longtemps dans les écoles québécoises.» Il ne faisait en cela que confirmer ce qu'avait écrit Georges Leroux dans sa plaquette de 2007: «On doit [...] concevoir une éducation où les droits qui légitiment la décision de la Cour suprême [à propos de l'affaire du kirpan], tout autant que la culture religieuse qui en exprime la requête, sont compris de tous et font partie de leur conception de la vie en commun. Car ces droits sont la base de notre démocratie, et l'enjeu actuel est d'en faire le fondement d'une éthique sociale fondée sur la reconnaissance et la mutualité. C'est à cette tâche qu'est appelé le nouveau programme d'éthique et de culture religieuse.» Ces deux déclarations dévoilent bien ce que plusieurs ont désigné ailleurs comme les «finalités politiques» du cours ECR.
Finalités politiques. La formule témoigne bien du rôle de l'école qui, selon les théoriciens du multiculturalisme, loin de transmettre une culture historiquement définie et des connaissances sous le signe du savoir, doit plutôt servir de laboratoire pour réaliser l'utopie progressiste d'une société dénationalisée. Cette mise de l'école au service du multiculturalisme en dit long sur la représentation que se font de l'identité québécoise les élites intellectuelles et technocratiques qui composent le parti multiculturaliste.
Nouveau peuple
Car ces dernières le constatent: les Québécois n'adhèrent pas à la religion multiculturelle et désirent plutôt en renverser les dogmes en restaurant la prédominance légitime de la culture nationale comme cadre d'intégration des immigrants. Mais le refus de dissoudre la culture nationale dans le bazar du cosmopolitisme mondialisé est assimilé à une pathologie identitaire que Bouchard et Taylor ont d'ailleurs cherché à diagnostiquer dans le rapport de leur commission en plaidant pour la création d'une nouvelle identité collective qui ne trouverait plus sa matière dans le Québec historique, mais bien dans les chartes de droits et les valeurs qui les porteraient. Pour les défenseurs du cours ECR, la démocratie ne s'accomplirait véritablement que dans les paramètres du multiculturalisme d'État.
Il y a pourtant un problème démocratique à vouloir fabriquer un nouveau peuple, à défaut de convaincre celui qui existe déjà. Car ce n'est pas à l'école, mais bien au débat public qu'il devrait revenir de changer la société, et la première n'est aucunement autorisée à accoucher de ce que le peuple refuse par le second. Chose certaine, il n'est plus possible de dire, comme le soutiennent les propagandistes du ministère, que le cours ECR a pour seule fonction d'approfondir la connaissance du fait religieux. Bien au contraire, il l'instrumentalise pour le traduire dans les termes d'un endoctrinement idéologique. [...]
Abolition du cours
Nos élites ont beau parler d'ouverture à l'autre, il faut surtout y reconnaître le vocabulaire de la pénitence, de la repentance, et de l'oblitération de l'identité nationale. Le cours ECR est exemplaire du retournement des institutions collectives contre l'identité nationale. [...] On reconnaîtra dans le cours ECR la contre-offensive de la technocratie pluraliste pour déconstruire dans ses fondements mêmes l'expérience historique québécoise et implanter définitivement le multiculturalisme d'État.
On le sait, il y a plusieurs résistances contre ce programme. Mais ceux qui réclament un droit d'exemption font fausse route tant leur demande se contente d'exiger un «accommodement raisonnable» pour les familles les plus religieuses au sein du système d'éducation. Car il ne s'agit pas de jouer la Charte des droits contre le chartisme et de retourner la logique des accommodements raisonnables contre le multiculturalisme.
L'objectif devrait être la révocation de ce programme devenu exemplaire de l'idéologisation du système scolaire québécois. L'abolition du cours ECR devrait être au coeur de toute politique centrée sur le démantèlement des structures institutionnelles du multiculturalisme québécois.


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