ÉTATS GÉNÉRAUX SUR LA SOUVERAINETÉ

L’échec d’un exercice important

Pourquoi il faut placer la souveraineté du peuple avant celle de l’État

5ea5f63cb94286ab9760f714daaab0a2

«Ce sont les peuples qui fondent les États et non l’inverse»

À l’automne 2011, M. Gérald Larose, alors président du Conseil de la souveraineté, rassemblait à la demande expresse du Parti québécois celles et ceux qui seraient appelés à former la Commission des états généraux sur la souveraineté du Québec. J’ai eu le privilège d’être désigné commissaire.

Cet exercice rare dans notre histoire — les derniers états généraux, ceux du Canada français datant de 1967 — se voulait une occasion de réfléchir aux moyens et aux fins associés à ce grand projet de l’indépendance du Québec. Il fallait remettre en question nos procédés, revoir nos stratégies, se confronter franchement et sans complaisance sous peine de marginaliser durablement ce grand projet. Il fallait, enfin, aussi, essayer d’ajuster la chose avec l’époque et ses préoccupations.

L’indifférence quasi générale des médias, la méconnaissance totale du grand public de l’exercice en cours sont à souligner à plus d’un titre. On imagine aisément que la première puisse expliquer la seconde, mais le fait que ces états généraux soient pour le dire franchement complètement passés sous le radar, tient peut-être à quelque chose de moins évident et, surtout, de moins avouable.

Je crois pouvoir affirmer, à l’heure du bilan, que la manière dont a été mené cet exercice illustre assez bien à elle seule les misères que traverse et traversera encore longtemps tout le mouvement souverainiste et, conséquemment, pour l’indépendantiste que je suis, le Québec. Si rien n’est dit. Si rien n’est fait, surtout.

À chacune des étapes de ce long processus, j’ai songé à quitter le bateau, j’ai souvent été convaincu que j’y perdais mon temps, et si je suis resté, c’est moitié pour mettre à l’épreuve ma terrible impatience, à moitié parce que je pressentais que ce qui se passait là — ou ne se passait pas — parlait résolument de nous.

C’est aussi parce que j’ai vu et entendu la frustration que j’éprouvais moi-même lors des deux rondes de consultations régionales que je suis resté. Des gens prenaient leur courage à deux mains pour venir exprimer au micro un dépit qui ne convenait pas au cadre traditionnel qu’on leur avait fixé, une frustration qui dès lors ne pouvait être entendue. Mais si elle ne pouvait l’être là, où le serait-elle ?

Au terme de cet exercice, ne parvenant pas à m’accorder avec mes collègues commissaires sur les conclusions à tirer de ces états généraux, j’ai suggéré de publier, en annexe du rapport officiel, un rapport dissident. Ce rapport critique le souverainisme devenu, au fil du temps, un système de pensée, de références, de valeurs établies auquel on revient toujours pour s’orienter, un monde en soi, qui fonctionne lui-même à l’intérieur d’un paradigme jamais remis en cause.

L’absurde institutionnalisation du souverainisme s’est faite de concert avec la technocratisation de l’État québécois. Le mouvement souverainiste cherche depuis à réaliser la souveraineté de cet État, laissant dans l’ombre la souveraineté du peuple qui, elle, n’est pas un projet, mais une réalité concrète. La souveraineté du peuple — assise d’une démocratie digne de ce nom — est ainsi maintenue, consciemment ou non, en marge du réel politique par les élites québécoises.

Or, ce sont les peuples qui fondent les États et non l’inverse. La méconnaissance de cette vérité est au coeur de notre malaise politique. Mais reconnaître cela, c’est du même souffle incriminer toute la classe politique qui, à l’Assemblée nationale, nie au quotidien la souveraineté du peuple.

C’est donc logiquement que mon rapport fut interdit de publication. Ce rapport dissident constate l’échec des états généraux à mener une franche et indépendante remise en question de nos façons de penser et de faire. Cet échec est en puissance celui de tout le mouvement souverainiste.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->