Mario Dumont l'a répété au moins une demi-douzaine de fois au cours de la fin de semaine dernière: au moment où l'Assemblée nationale débattait des mesures à prendre pour faire face à la crise économique, Pauline Marois était à Toronto pour recevoir un prix décerné par un organisme communautaire. Cette absence risque de revenir la hanter au cours des prochaines semaines.
Il ne fait aucun doute que la mise sur pied du réseau des centres de la petite enfance (CPE) est une remarquable contribution au développement de la société québécoise, dont il faut être reconnaissant à Mme Marois, mais il y avait un puissant symbole dans son absence de l'Assemblée nationale.
La chef du PQ déteste être étiquetée comme une «sociale», par opposition à une «économique», même si elle a été ministre de l'Économie et des Finances. La chef du PQ est en quelque sorte victime de ses succès antérieurs. On se souvient très bien qu'elle a créé les CPE et les commissions scolaires linguistiques, mais son passage aux Finances n'a laissé presque aucune trace dans l'opinion publique.
En période de croissance économique, le souci de distribuer généreusement la richesse est une qualité appréciée. Quand il s'agit de sauver les meubles, la pingrerie devient presque une vertu. En 2003, Monique Jérôme-Forget était très impopulaire avec sa réingénierie. Aujourd'hui, on la félicite presque de s'être accrochée à sa sacoche.
Selon Mme Marois, le PQ a démontré dans le passé sa capacité de gouverner en période de crise économique. Il est vrai que, durant la crise du début des années 1980, le gouvernement Lévesque avait eu quelques bonnes idées, comme la Corvée-Habitation, même si les employés de l'État ont plutôt retenu que leurs salaires ont été amputés de 20 %. Tout cela remonte cependant à plus de 25 ans.
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Depuis qu'elle est devenue chef du PQ, Mme Marois a joué essentiellement la carte de l'identité. Pendant ce temps, les stratèges libéraux se sont employés avec succès à rétablir dans l'esprit de la population le lien entre le PLQ et le développement économique. Même si Jean Charest lui-même ne peut faire valoir aucune expérience particulière en la matière, la campagne à venir se déroulera sur son terrain.
En réalité, les moyens dont dispose un gouvernement provincial pour affronter une crise économique demeurent toutefois limités. M. Charest a tout intérêt à déclencher les élections dans un contexte de crise appréhendée et prétendre qu'il est le plus apte à y faire face, plutôt que d'attendre que la récession frappe de plein fouet et démontre son impuissance.
Le 8 décembre, on en sera encore à craindre le pire, tandis qu'au printemps prochain, il risque d'être arrivé. Contrairement à Stephen Harper, qui a été surpris par l'écroulement des marchés au beau milieu de la campagne fédérale, M. Charest a eu la chance de devancer les fermetures d'usines.
À chaque élection, le chef du PQ se retrouve dans la position inconfortable de devoir courir deux lièvres à la fois. Entre les militants péquistes qui veulent l'entendre parler de souveraineté du matin au soir et la population qui veut le voir s'occuper des «problèmes du vrai monde», l'équilibre est toujours délicat.
Quand les électeurs voient fondre leurs épargnes comme neige au soleil et s'inquiètent pour leur emploi, ils se soucient assez peu de «voir inscrit ce beau mot de six lettres, Québec, dans l'histoire du monde», comme on peut le lire en conclusion du Manifeste pour la souveraineté qui a été rendu public en fin de semaine dernière.
Le PQ court toutefois un sérieux risque de démobilisation, si les souverainistes estiment que leur projet n'est plus qu'un voeu pieu, reformulé pour la forme entre deux élections. Déjà, plusieurs n'ont pas digéré le renvoi du référendum aux calendes grecques. Ils ne seront pas très rassurés par une vague promesse de faire la tournée des cégeps et des universités, une fois que les élections seront passées.
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Plus que jamais, Mme Marois doit avoir une idée claire de l'objectif qu'elle poursuit réellement. Officiellement, elle ne peut que souhaiter former le prochain gouvernement, mais retrouver son statut d'opposition officielle avec une cinquantaine de députés serait déjà une performance satisfaisante pour le PQ, compte tenu du fort taux de satisfaction à l'endroit du gouvernement. Si l'ADQ est éliminée du jeu, la règle de l'alternance ramènera inévitablement le PQ au pouvoir un jour ou l'autre.
La question est de savoir si Mme Marois sera encore là ce jour-là. Si elle fait résolument campagne sur la souveraineté, les militants péquistes lui pardonneront plus facilement une éventuelle défaite que si elle a joué la carte du «bon gouvernement» économique.
À tous égards, il aurait été infiniment préférable pour le PQ que les élections soient reportées à tout le moins au printemps prochain. On comprend mal les fanfaronnades des «faucons» péquistes comme Sylvain Simard et François Legault, qui ont menacé de renverser le gouvernement si les mesures proposées pour faire face à la crise étaient jugées insatisfaisantes.
Le prétexte paraît néanmoins bien mince. Même si le PQ voulait le faire tomber, M. Charest sait très bien qu'il pourrait compter sur l'appui de l'ADQ. Dans l'état où se trouve son parti, tout répit vaudrait de l'or pour Mario Dumont.
Le premier ministre a été habile en télégraphiant ses intentions une semaine à l'avance. Il sait très bien que la population ne veut pas d'élections. D'ici au 5 novembre, les partis d'opposition vont dénoncer sur tous les tons son irresponsabilité et sa partisanerie qui vont plonger le Québec dans une deuxième campagne consécutive.
Précisément. Si ce débat avait lieu après le déclenchement officiel des élections, le plan de campagne du PLQ risquerait d'être sérieusement perturbé pendant quelques jours. Si le décret de convocation des élections est bel et bien émis le 5 novembre, la question aura beaucoup perdu de son intérêt.
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