ANALYSE

L'arrivée de Marois chambarde la stratégie des autres partis

Pauline Marois - le couronnement

Cela n'arrive pas souvent, mais Jean Charest, Mario Dumont et Françoise David avaient probablement quelque chose en commun hier : un sentiment d'inquiétude. L'arrivée de Pauline Marois à la tête du Parti québécois risque de bouleverser l'échiquier politique à la prochaine campagne électorale.
Au moment où adéquistes et libéraux se disputent les électeurs du centre droit, la tentative d'André Boisclair de mettre le pied dans ce marché déjà bien encombré a débouché sur le pire résultat de l'histoire pour le Parti québécois. Ajoutez à cela un référendum comme plat de résistance pour le premier mandat et un chef « jeune et urbain « auquel bien des électeurs ne pouvaient absolument pas s'identifier, et tous les ingrédients étaient réunis pour la déroute qu'a connue le PQ le 26 mars.
Pauline Marois voudra que le PQ reste accroché au centre, elle ne l'a pas caché hier. Mais sa seule présence est une caution morale pour l'aile sociale du PQ. « Elle est membre du SPQ libre! « a bien vite rappelé Marc Laviolette, syndicaliste qui a maintes fois joué le trouble-fête durant le bref règne l'André Boisclair. Lors de la course de 2005, Pierre Dubuc, principal ténor de la gauche, avait alors annoncé son intention d'appuyer Mme Marois au second tour du scrutin... qui n'a jamais eu lieu.
L'arrivée de Pauline Marois sonnera l'heure du retour au bercail pour plusieurs brebis égarées tentées, le temps d'une élection, par Québec solidaire.
«Faudra voir; Mme Marois reste associée à la création des centres de la petite enfance; elle est perçue comme progressiste, mais le mot «perçue» est important», a dit hier Françoise David.
Mme Marois a fait partie des gouvernements Bouchard et Landry, dont la feuille de route sociale n'est pas sans tache. Mais celle qui dirigera bientôt le PQ s'est déjà dite ouverte à un dialogue avec Québec solidaire.
Mme David s'esclaffe quand on lui demande si son parti n'aura pas à se fusionner au PQ désormais, mais on peut déjà parier qu'une bonne partie des 3,7 % d'électeurs qui ont voté QS le 26 mars seront bien tentés de rentrer à la maison. Inquiète, Mme David? À tout le moins perplexe, peut-on dire.
André Boisclair désapprouvait viscéralement l'engagement du PQ à tenir un référendum dès son premier mandat. Mais, stratégiquement, pour être élu chef, il avait choisi d'embrasser le programme adopté sous Bernard Landry. Les appuis à la souveraineté, aiguillonnés alors par le scandale des commandites, dépassaient les 50 %. Plus tard, durant la campagne électorale, André Boisclair, se sentant vulnérable dans son propre parti, n'a pas eu le courage de se dédouaner de cette hypothèque référendaire. Il a ouvert des portes depuis les élections, mais c'était déjà trop tard.
Or, c'est le tout premier geste qu'a fait Pauline Marois hier, lors du lancement de sa campagne, qui débouchera à coup sûr sur un plébiscite. Les péquistes devront se rallier. Ceux qui s'y refusent sont déjà marginalisés.
Sous Pauline Marois, on ne parlera pas de référendum dans un premier mandat. Gouverner une province n'est pas déshonorant. «Mme Marois ne veut pas s'encarcaner dans un échéancier et c'est bien. On tiendra le référendum au moment jugé opportun», disait déjà Marc Laviolette, hier.
Patrick Bourgeois, auteur du cyberpamphlet Le Québécois, et Sasha Gauthier, du Mouvement pour une élection référendaire, pourront bien réclamer son excommunication, Pauline Marois ne déviera pas de cette stratégie.
Cette fois, c'est Jean Charest qui risque d'être perplexe. Il a tenté à quelques reprises de creuser le clivage fédéraliste-souverainiste durant la campagne, sans grand succès. André Boisclair est tombé dans le panneau en promettant un référendum même si le PQ était élu minoritaire, mais les résultats montrent que c'est Mario Dumont qui a bénéficié de la résurgence de ces vieilles querelles.
De plus, et c'est loin d'être négligeable, l'arrivée d'un nouveau chef au PQ risque de donner des idées aux bonzes du Parti libéral, inquiets de voir le parti de Jean Lesage et de Robert Bourassa glisser à 24 % dans les intentions de vote de l'électorat francophone.
Ayant fait le tour de tous les ministères importants à Québec, Pauline Marois a aussi tout pour rassurer les électeurs. Ce n'est pas rien.
La recette de Mario Dumont
Déjà, hier, elle a promis que le PQ allait se rapprocher des préoccupations de la population. C'était la recette de l'ADQ. Mais l'expérience de Mme Marois lui confère un avantage sur Mario Dumont. Elle a un capital de confiance que ne peut, à ce moment-ci, détenir le nouveau et jeune chef de l'opposition.
Mario Dumont est probablement inquiet de voir débarquer une adversaire qui, elle l'a déjà indiqué, voudra aussi se brancher sur la majorité silencieuse, les familles et les petits salariés.
Le plan de match du chef adéquiste s'impose d'emblée. Face à deux politiciens aux longs états de service, Mario Dumont voudra plus que jamais monopoliser le suffrage des jeunes, des nouvelles familles, des régions.
Les prochaines élections ne seront pas référendaires. Elles risquent d'être générationnelles.


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