L’agneau sacrificiel

L’histoire d’André Boisclair, c’est donc celle d’un chef trop faible qui a été mis en tutelle, dont le symbole est cette stratégie référendaire suicidaire qui a provoqué la débâcle.

Boisclair démissionne

L’étoile montante qu’était André Boisclair n’aura finalement été qu’une étoile filante.
En moins d’un an et demi, le nouveau venu qui incarnait l’espoir pour le Parti québécois est devenu un politicien mal aimé, pour finalement terminer sa courte carrière isolé et rejeté par les siens.
Sa démission de la direction du PQ n’est pas une surprise. C’est une habitude dans ce parti qui aura eu cinq chefs en 12 ans. Quoiqu’on ne pouvait pas imaginer que ses adversaires au sein de son propre parti réussiraient à avoir sa peau si rapidement.
C’est dommage, à bien des égards. André Boisclair est un politicien intelligent, qui a des défauts évidents, mais aussi du talent et des idées, dont la présence aurait continué à enrichir la vie politique québécoise. Son départ forcé est une perte pour tous, et le traitement qu’on lui a fait subir est tout à fait injuste.
Et cela ne peut que susciter un grand malaise face au Parti québécois, dont les ténors, les apparatchiks et les alliés se comportent avec une sauvagerie qu’on ne retrouve pas ailleurs. Il y a quelque chose d’odieux dans la façon dont cette famille politique traite ses chefs, dont elle se complait dans la magouille, le grenouillage et les coups de couteau dans le dos.
Mais dans le fond, on sait pourquoi ce parti d’idées est devenu un nid de serpents assez nauséabond. Ce qui déclenche ces sursauts de fureur, c’est l’impasse de l’option. Si le PQ s’est déchaîné avec une telle violence contre André Boisclair, c’est par déni. Le rituel de mise à mort du chef, devenu agneau sacrificiel, sert à conjurer la réalité implacable qui hante le courant souverainiste.
Car pourquoi André Boisclair n’a-t-il récolté que 28 % des voix le 26 mars? Peut-être parce qu’il n’avait pas le style qu’il fallait. Aussi parce qu’il y a dû faire face à une vague adéquiste.
Mais en grande partie parce qu’il avait un boulet que ses prédécesseurs, Lucien Bouchard et Bernard Landry, n’avaient pas, avec la promesse de tenir rapidement un référendum dont personne ne voulait. Une véritable folie quand on regardait les sondages. Elle a fait sombrer le PQ encore davantage et précipité des dizaines de milliers d’électeurs dans les bras de Mario Dumont.
Le véritable échec d’André Boisclair, ce n’est pas sa prestation pendant la campagne, mais son incapacité à s’imposer à son parti. Quand les péquistes, fin 2005, l’ont choisi comme chef dans l’enthousiasme, son succès tenait largement à ce qu’il incarnait un changement de génération et de culture, une approche différente à la question nationale et à la social-démocratie, qui a séduit les membres ordinaires du PQ.
Mais il n’a jamais conquis ou contrôlé les durs qui contrôlent le parti.
Ses idées, André Boisclair a tout au plus réussi à les exprimer à demi-mot et à coups de sous-entendus. Prisonnier d’un programme radical voté avant la course au leadership, le nouveau chef n’a pas eu la force et le talent nécessaires pour transformer le PQ. Sa langue de bois légendaire s’explique sans doute par le fait que, la plupart du temps, il ne livrait pas le fond de sa pensée. Et lorsqu’il a osé, par exemple en se distançant des appareils syndicaux, les orthodoxes ont contesté son leadership et l’ont forcé à revenir dans le rang.
L’histoire d’André Boisclair, c’est donc celle d’un chef trop faible qui a été mis en tutelle, dont le symbole est cette stratégie référendaire suicidaire qui a provoqué la débâcle. Et dans un étrange paradoxe, les radicaux qui lui ont imposé cette stratégie ont été les premiers à réclamer sa tête.
Il était normal, qu’après une solide défaite électorale, se pose la question du leadership. Ce qui n’est pas normal, c’est la précipitation dans la mise à mort. Elle s’explique largement par la réflexion à laquelle le chef péquiste conviait son parti, sur une option qui n’a pas le soutien de la population et sur une doctrine socio-économique coupée de la réalité des citoyens.
Ce sont les défenseurs des deux pôles dogmatiques du mouvement souverainiste qui se sont précipités comme des chacals sur leur chef affaibli, ceux qui ne veulent pas que l’on touche à l’option, et ceux qui veulent garder intacte la conception classique de la social-démocratie.
Les mêmes mécanismes de déni se manifestent dans le rêve qu’un sauveur, vraisemblablement le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, permette au PQ de faire l’économie de la grande réflexion que ce parti a trop longtemps repoussée.


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