L'acte de soumission

Chronique de Patrice Boileau


Quel lamentable spectacle de Denis Coderre, que celui qu’il a livré sur le plateau de l’émission « Tout le monde en parle », diffusée dimanche soir dernier sur les ondes de Radio-Canada! Les milliers de téléspectateurs auront vu l’homme s’écraser devant ceux qu’il avait osé dénoncer, quelques jours plus tôt.
C’est à n’y rien comprendre. Le député libéral rebelle avait pourtant été catégorique quant au rôle secondaire que le Québec joue au sein du parti dirigé par Michael Ignatieff. N’avait-il pas déclaré qu’une décision prise au Québec se renversait aisément, à condition de se plaindre à Toronto?
Semblerait que son « sacrifice », soit sa décision de démissionner de son poste de lieutenant québécois du PLC, aurait tout réglé! Le message envoyé à son chef aurait été parfaitement reçu! Le député de la circonscription de Bourassa a donc conclu qu’il est temps de tourner la page et de se préparer au combat, guidé par le meilleur leader que puissent avoir les libéraux : Michael Ignatieff!
Denis Coderre a profité de sa tribune pour louanger la grande famille libérale à laquelle il appartient. Un grand parti dirigé par un grand chef qu’il ne finissait plus d’encenser! L’insistance que le député démissionnaire affichait pour dépeindre avantageusement son leader a jeté un malaise dans la salle. Manifestement, l’ex-lieutenant du Québec s’agenouillait carrément devant son supérieur et implorait sa clémence.
Chantal Hébert, columnist au Toronto Star, avouait lundi dernier, sur les ondes de l’émission radiophonique « C’est bien meilleur le matin », que Denis Coderre lui avait paru très triste, durant son entretien. Sa profession de foi libérale et fédéraliste n’avait rien d’emballant. Ni même sa déclaration étouffée où l’homme a balbutié « chu pour le NON, moé. »
Le député cabotin aura finalement accepté l’invitation des organisateurs de l’émission phare de Radio-Canada pour s’offrir un dernier tour de piste sous les projecteurs. Car il est loin d’être certain qu’il recevra l’accueil qu’il souhaite des siens, après son coup de gueule de la semaine dernière.
Manifestement, le bouffon déjà ne faisait pas l’unanimité, au sein de l’aile Québec du parti. Sa manière rustre en dérangeait plus d’un. Sa crisette pseudo-nationaliste aura été la goutte qui fait déborder le vase. Parlez-en à sa « collègue » Raymonde Folco. La députée libérale de la circonscription Laval-Les îles a déclaré aux journalistes, la veille du congrès de l’aile québécoise du PLC, qu’il était inutile de doter le Québec d’un lieutenant pour seconder Michael Ignatieff. Pourquoi en nommer un, a-t-elle révélée, si les autres provinces (sic) n’en ont pas? Certes le Québec forme une nation, s’est-elle dépêchée de rajouter nerveusement, mais cela ne justifie pas l’existence d’un poste semblable au sein du parti…
Exit donc toutes traces d’un semblant de début de distinction québécoise à l’intérieur du Parti libéral du Canada. Sauf que Michael Ignatieff ne peut se passer du Québec s’il veut ravir le pouvoir à Stephen Harper. Aussi, l’homme qui n’en est pas à un virage près, a fait une nouvelle volte-face cette semaine en décidant finalement de nommer un nouveau lieutenant québécois, pour remplacer Denis Coderre.
Le chef du Parti libéral fédéral n’est toutefois pas sorti de la tempête Coderre pour autant. Trois sondages ont eu lieu, depuis la démission fracassante du bouillant député de Bourassa. Le dernier en lice, effectué par la firme Strategic-Concil-CTV, donne 41% d’appuis au parti de Stephen Harper et 28% au sien. Le PLC aurait subi d’importantes pertes en Ontario, alors qu’il stagne au Québec, loin derrière le Bloc québécois qui est toujours en tête avec 40% des intentions de vote.
Face à un pareil gâchis, Denis Coderre a préféré jouer le tout pour le tout dimanche dernier en décidant de ramper magistralement, pour essayer de rentrer dans les rangs. Il s’est prosterné devant son chef, implorant sa clémence. Il a même qualifié dimanche dernier le congrès tenu à Québec de « succès », alors que l’entretien qu’il accordait avait été enregistré le jeudi précédent…
Il ne fait pas de doute que son acte de contrition ne lui méritera pas l’absolution illico. L’homme a commis une faute grave en tentant d’aménager un espace québécois nationaliste, au sein du très fédéraliste PLC. Tous ses collègues du Québec ont dû effectuer une profession de foi canadian pour bien montrer qu’ils n’ont d’ordres à recevoir que de Toronto. Denis Coderre aura erré, en pensant qu’il était possible de jouir d’une certaine liberté, dans un parti canadian.
Triste, celui qui rêvait de diriger un pays qui n’a que faire de la nation de pacotille qui est la sienne, se retrouve bien seul maintenant. Plusieurs Québécois, comme lui, ont été également humiliés, lorsqu’ils ont voulu se tenir debout, devant Toronto. Nombre d’entre eux ont tiré les conclusions qui s’imposaient. Denis Coderre aura préféré s’écraser encore plus dimanche dernier, offrant le spectacle gênant d’un homme qui fait le choix de larguer le Québec, pour mieux convaincre ses maîtres d’une docilité renouvelée… Le pitoyable exercice n’aura impressionné personne chez les spectateurs. Bien peu également chez les téléspectateurs. Guère davantage chez ses « collègues congressistes » qui multipliaient les commentaires sévères envers lui, à Québec, dimanche dernier. Ils n’ont toujours pas commenté en effet les déclarations du « député errant.»
Denis Coderre a admis avoir pris une décision importante, dure, difficile, en laissant son poste de lieutenant politique du Québec. En faisant paradoxalement le choix de se soumettre dimanche dernier aux règles de son parti, le député de Bourassa a remis maladroitement son avenir politique entre les mains de ceux qu’ils dénonçaient récemment. Ce faisant, il prouve bel et bien que « son message n’est pas passé » car c’est la garde rapprochée de Michael Ignatieff qui statuera ultimement de son sort au PLC. D’où la mine très basse d’un homme orphelin de parti, mais surtout de patrie. Pathétique.
Patrice Boileau





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 octobre 2009


    Je me suis demandé si le PLC ne s'était pas servi du colabo à
    Coderre pour faire une diversion politique pour diminuer l'impact du décès de notre grand patriote
    Pierre Falardeau puisque ces 2 évènements se sont déroulés presque simultanément
    avec un espace de seulement 2 jours. Remarquez que ce n'est qu'une opinion
    personnelle. Le meilleur politicien au Québec pour faire de la diversion politique, c'est
    John James Charest. Observez-le attentivement, il doit avoir des parts dans les Ice
    Follies ou dans le club de hockey Canadiens.
    André Gignac 7-10-09

  • Gaston Boivin Répondre

    7 octobre 2009

    Denis Coderre a fait comme les Québécois font depuis toujours dans ce parti: Fatigué de ramper dans cette meute de loups, il a risqué un grognement en se relevant sur ses pattes, puis rapidemewnt, craignant les morsures du chef de la meute, il s'est rabattu sur le sol dans une attitude de totale soumission, pour bien lui indiquer sa volonté de continuer docilement à faire partie du clan pour avancer vers le pouvoir et les honneurs.
    Et, comme ils le font aussi depuis toujours dans ce parti, il a ensuite joué au fanfaron devant le peuple en lui contant fleurette et en le prenant totalement pour un imbécile ,...jusqu'à déclarer, à cette émission de télévision enregistré quelque jours avant la réunion du caucus à Québec mais qui devait passer en ondes en fin de soirée le même jour que celle-ci, comme vous l'avez avec pertinence relevé dans votre texte, qu'elle avait été un succès.
    Et, tant qu'à faire, pourquoi pas, avec ça, un petit drapeau du Canada ou, mieux encore, une petite commandite?!
    On commence à être habitué à leurs énormités. À ce chapitre, d'ailleurs, ils font un beau couple avec le Parti Conservateur.

  • Patrick Diotte Répondre

    7 octobre 2009

    Mais le piège est de croire que ce geste a une importance quelconque, que ce poste a une importance quelconque, que Coderre a une importance quelconque au sein de ce parti... pour eux c'est comme de changer la couleur d'une porte qui mène au grenier. Dans les faits il rehausse l,image du PLC au Québec là où il avait besoin d'être rehausser, dans son intégrité. C'était voulu pour cela et c'est ce que ça apportera.
    Que nous accordions de l'importance à ce geste, cette fonction, cet homme, insignifiant, c'est la preuve que nous sommes profondément enliser et une bonne raison pour laquelle on ne s'en sort pas...