Collusion aux transports -

Julie Boulet jure qu'elle n'était pas au courant

JJC - chronique d'une chute annoncée

Québec — Bien qu'elle soit ministre des Transports depuis 2003, Julie Boulet affirme n'avoir jamais été au courant de cas de collusion que son propre ministère a mis au jour en 2004.
L'affaire a été révélée hier par le vérificateur général (VG), Renaud Lachance, qui déposait le deuxième tome de son rapport annuel. M. Lachance blâme le ministère, qui n'a pas cru bon transmettre aux policiers un cas de contrat de déneigement pour lequel des entrepreneurs ont «clairement essayé d'éliminer la concurrence». «Malgré les conclusions énoncées dans ce rapport, le MTQ n'avait contacté ni le ministère de la Sécurité publique, ni la Sûreté du Québec, ni le Bureau de la concurrence», s'étonne le vérificateur général. «Je dois dire que j'ai été très étonné de constater ceci», a déclaré M. Lachance.
Lors d'une période de questions plutôt houleuse, hier matin, le premier ministre Jean Charest ne s'est levé qu'à la toute dernière minute pour répondre sur le rapport du VG. Sa conclusion: le ministère «a fait sa job en 2004» dans les contrats de déneigement puisqu'il a fait enquête et «est retourné en appel d'offres». Comme le souligne le VG, lorsqu'il a constaté la tentative de collusion, le MTQ a repris le processus d'appel d'offres et «a pu obtenir des baisses de prix». Lorsque Le Devoir a demandé si l'on peut dire que le MTQ a fait «sa job», M. Lachance a eu cette réponse: «Je crois que le ministère des Transports, lorsqu'il a reçu un tel rapport d'enquête, aurait dû prendre l'initiative, aurait dû faire ce travail, prendre l'initiative et contacter la Sûreté du Québec ou le Bureau de la concurrence.»
La ministre Boulet, pour sa part, a soutenu avoir pris connaissance de «cet élément-là ce matin [hier], il était 9h30 quand on m'a donné le communiqué du vérificateur général». En conférence de presse, en après-midi, le sous-ministre Michel Boivin, qui accompagnait Mme Boulet, a soutenu qu'il s'agissait «tout simplement d'une situation où les gens n'ont pas eu le réflexe de transmettre» le cas aux policiers. Le sous-ministre de l'époque, sur le bureau duquel a échoué le rapport d'enquête qui dénonçait le cas de collusion, était nul autre que Florent Gagné, auteur d'un rapport sur l'éthique dans le monde municipal déposé cet été et commandé par le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard.
Le ministre des Transports en titre en 2004 était Yvon Marcoux. Mme Boulet était ministre déléguée. Joint par le Devoir hier, M. Marcoux a lui aussi plaidé l'ignorance. Comme sa collègue, il s'est dit «choqué» d'apprendre, «ce matin [hier]» qu'une telle chose s'est produite. «Ça n'avait pas été porté à ma connaissance. Je ne l'ai jamais su», a-t-il insisté, en soulignant qu'il fallait se rassurer puisque les règles ont été resserrées une première fois en 2005 et que sa collègue a mis en place des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Cette dernière soutient d'ailleurs que 10 des 18 recommandations du vérificateur général ont d'ailleurs déjà été appliquées.
Dans ses vérifications, M. Lachance a mis au jour d'autres problèmes sérieux au MTQ. Dans plusieurs appels d'offres, il ne reçoit qu'une seule offre conforme, alors que «d'autres fournisseurs s'étaient procuré les documents» nécessaires au dépôt d'une offre. Cela laisse entendre qu'il y a collusion et partage des contrats. Le VG reproche au ministère de ne pas contacter les soumissionnaires potentiels afin de savoir pourquoi ils ont renoncé à soumissionner. Le VG a aussi mis au jour des problèmes d'estimation de coûts et de dépassements de coûts. Il déplore aussi le fait que le MTQ soit peu porté sur les comparaisons entre les régions du Québec ou entre les administrations comparables.
Complices!
Hier, la chef de l'opposition, Pauline Marois, a remis en doute la parole des ministres Boulet et MacMillan. «Les ministres étaient au courant de situations de collusion ou d'irrégularités», a-t-elle affirmé. Par conséquent, à ses yeux, et en vertu de la responsabilité ministérielle, les ministres ont été «complices de ce qui s'est passé» et doivent être démis de leurs fonctions. Ces propos ont outré Julie Boulet. Elle a même menacé de traîner la chef péquiste devant les tribunaux: «Elle devra [...] faire attention à ce qu'elle dit, parce qu'il y aura des conséquences à ses paroles», a soutenu Mme Boulet.
Cette dernière a soutenu que le cas soulevé par le VG a été transmis à la police; mais elle n'a pas ouvert d'enquête à l'interne, dans son ministère, pour savoir ce qui s'est passé en 2004. «On ne peut pas réécrire l'histoire, mais ce que je peux vous assurer et vous garantir, c'est qu'une telle situation ne se reproduira pas», a-t-elle répété à plusieurs reprises.
Encore Whissell
Le cas de l'entreprise ABC Rive-Nord, dont l'ex-ministre du Travail David Whissell possède 20 % des actions (déposées dans une fiducie sans droit de regard), est aussi soulevé dans le rapport du VG. Ce dernier note que des contrats sans appel d'offres lui ont été accordés, et ce, contre les règles du ministère des Transports. Les raisons pour lesquelles le MTQ a fonctionné de gré à gré ne sont pas acceptables, a soutenu M. Lachance. Le règlement stipule que les contrats d'asphaltage de plus de 500 000 $ doivent donner lieu à un appel d'offres public, à moins que le Conseil du trésor n'accepte de procéder autrement, soit en raison de l'urgence d'une situation, ou encore que l'on puisse prouver qu'il n'y a pas de concurrence. Or, dans les contrats de gré à gré accordés à ABC Rive-Nord, il y avait concurrence, a soutenu le VG. Un des contrats de plus de 500 000 $ n'a pas été accordé par appel d'offres, et de plus, «le MTQ a fait affaires avec un fournisseur [ABC Rive-Nord] autre que celui visé par l'autorisation du Conseil du trésor». De plus, il estime que l'on a abusé de l'excuse de l'urgence. Sur ce sujet, la ministre Boulet a eu ces mots: «C'est certain que je ne me sens pas à l'aise, et c'est une situation qui ne se reproduira plus.»
Le cas de l'entreprise ABC Rive-Nord, dont l'ex-ministre du Travail David Whissell possède 20 % des actions (déposées dans une fiducie sans droit de regard), est aussi soulevé dans le rapport du VG. Ce dernier note que des contrats sans appel d'offres lui ont été accordés, et ce, contre les règles du ministère des Transports. Les raisons pour lesquelles le MTQ a fonctionné de gré à gré ne sont pas acceptables, a soutenu M. Lachance. Le règlement stipule que les contrats d'asphaltage de plus de 500 000 $ doivent donner lieu à un appel d'offres public, à moins que le Conseil du trésor n'accepte de procéder autrement, soit en raison de l'urgence d'une situation, ou encore que l'on puisse prouver qu'il n'y a pas de concurrence. Or, dans les contrats de gré à gré accordés à ABC Rive-Nord, il y avait concurrence, a soutenu le VG. Un des contrats de plus de 500 000 $ n'a pas été accordé par appel d'offres, et de plus, «le MTQ a fait affaires avec un fournisseur [ABC Rive-Nord] autre que celui visé par l'autorisation du Conseil du trésor». De plus, il estime que l'on a abusé de l'excuse de l'urgence. Sur ce sujet, la ministre Boulet a eu ces mots: «C'est certain que je ne me sens pas à l'aise, et c'est une situation qui ne se reproduira plus.»
L'ex-ministre Whissell a cependant publié un communiqué en fin de journée soutenant qu'il avait été «blanchi» par le vérificateur général. Car lorsqu'un journaliste a demandé à Renaud Lachance si l'analyse de ce dossier lui avait permis de conclure que «la présence d'une compagnie appartenant à un ministre a pu jouer dans la décision du ministère des Transports», le vérificateur général a répondu: «Non... Non. Selon nos informations, non.»


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