Jean Charest et Cie

Enquête publique - un PM complice?



(Québec) Mesdames et Messieurs, j'espère que vous appréciez à sa juste valeur l'étonnant spectacle donné par la troupe Jean Charest et Cie, intitulé Les 100 000 façons d'éviter la tenue d'une enquête publique sur la corruption dans l'industrie de la construction.
N'ayons pas peur des mots. Avant toute chose, la performance rime avec émotion. Celle qui fait jaillir des torrents de larmes et qui vous laisse anéanti, la main tremblante, en quête de la boîte de papiers-mouchoirs.
Car à quoi bon le cacher? Les 100 000 façons d'éviter la tenue d'une enquête publique... raconte l'histoire d'un improbable coup de foudre.
Lui, dans le rôle de Roméo, c'est le premier ministre, Jean Charest. Inimitable dans son rôle du soldat convaincu d'être le seul à avoir le pas.
Elle, dans la peau de Juliette, c'est la FTQ-Construction. Un syndicat sur lequel pèsent de lourds soupçons. Une organisation accusée d'intimidation sur le chantier de la Société Papiers Gaspésia, par une commission d'enquête, en 2005.
Tout sépare les deux héros. Jusqu'à ce que la peur commune d'une enquête publique les pousse dans les bras l'un de l'autre.
Comme le disait Pierre Doris, surnommé le roi de l'humour noir : «L'avantage du coup de foudre, c'est qu'il fait gagner du temps.»
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Les spectateurs peu familiers avec le théâtre politique jugeront peut-être le scénario irréaliste. Mais nos deux prodiges trouvent généralement le ton juste, au point où l'on finit quasiment par croire à leur sincérité.
Avant de rencontrer l'amour, Roméo Charest paraît bien esseulé. Le genre qui demande, avec un air de défi : «Si l'amour constitue la réponse, est-ce qu'on pourrait reformuler la question?»
Pauvre Roméo Charest. Tout le Québec lui réclame une enquête publique. Même les représentants des policiers et des procureurs de la Couronne.
Heureusement, au moment même où sa détermination vacille, la FTQ-Construction entre en scène.
Un moment magique. Maman, est-ce vraiment comme ça, le grand amour?
Les deux tourtereaux prononcent les mêmes paroles. Sans se regarder, ils savent ce que l'autre veut dire.
«Si on veut des résultats, il faut prioriser les enquêtes [policières]», dit Roméo Charest.
«Laissons aller les enquêtes policières», susurre la FTQ-Construction, par l'entremise de son directeur général, Richard Goyette.
«Si on s'autoflagelle pendant un an, un an et demi, sur la place publique [...] quel sera l'intérêt des investisseurs [du] monde de venir à Montréal [et au Québec]?» résume le président de la FTQ, Michel Arsenault, dans un commentaire qu'on dirait piqué dans un dépliant du Conseil du patronat.
J'ouvre ici une parenthèse pour dire que si on veut exporter la pièce Les 100 000 façons... à l'étranger, il faudra expliquer certaines choses. À commencer par le fait qu'ici, les syndicats sont tellement raisonnables qu'ils s'inquiètent de la réputation du Québec à la place des investisseurs...
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À la fin, il est possible que la performance de la troupe Jean Charest et Cie vous donne envie de revenir sur ses exploits passés.
Quoi de mieux que de se remémorer l'époque où Roméo Charest, alors fringant chef de l'opposition, réclame sans cesse des enquêtes publiques? En 1999, il veut faire «toute la lumière» sur des fuites survenues au ministère du Revenu. La même année, dans la foulée du documentaire-choc de Richard Desjardins L'erreur boréale, il réclame une enquête publique sur l'administration des forêts. Mais il convient de recommander particulièrement son numéro de 2002, sur les dérives du lobbying dans l'entourage du premier ministre Landry. «Nous, on veut savoir si ces pratiques étaient érigées en système», dit-il alors. Selon lui, il faut examiner les «pratiques douteuses, [...] afin d'éviter que les gens ne profitent indûment d'une situation de proximité avec le gouvernement.»
Du côté de la FTQ, on conseille vivement l'épisode au cours duquel son légendaire président, Louis Laberge, approuve la tenue d'une commission d'enquête sur l'exercice de la liberté syndicale sur les chantiers de construction, en 1974.
Ouf. Je ne sais pas pourquoi, mais tout ça me rappelle Charlie Brown.
La nuit, quand il n'arrive pas à dormir, Charlie Brown se demande à quel moment de sa vie il a commencé à faire fausse route.
Et chaque fois, une grande voix s'élève, venue de nulle part : «Pour les explications, j'aime autant te prévenir. Il va falloir plus qu'une nuit.»


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