Je quitte le NPD

Par Carl Hétu

17. Actualité archives 2007


Je quitte le Nouveau Parti démocrate après y avoir milité pendant 20 ans en Ontario comme au Québec, en tant que bénévole, candidat, coordonnateur de campagne et aussi comme coprésident de la campagne à la direction de Jack Layton au Québec.
Je suis déçu de la façon dont Jack Layton et son équipe dirigent le parti. Layton a délaissé sa promesse de rassembleur et a centralisé les pouvoirs considérant les structures du parti un rouage trop lourd et encombrant. Il préfère déterminer ses politiques en se basant sur les sondages du jour.
Le NPD tourne en rond et demeure marginal. Pour bien comprendre ce qui se passe, faisons un bref retour en arrière. En 2001, suite à dix ans de crise d'identité profonde, Alexa McDonough a eu le courage de lancer une consultation pour relancer le parti.
Deux courants se sont dégagés et confrontés : la Nouvelle initiative politique menée par Svend Robinson voulait dissoudre le NPD pour en faire un parti plus représentatif des mouvements populaires pacifistes, alter-mondialistes et environnementaux. L'équipe d'Alexa McDonough voulait moderniser le parti et en faire une vraie force politique bâtie sur le dynamisme de ses militants membres d'associations de comté, comme les grands partis de gauche en Europe, en Inde et en Amérique latine.
Une illusion
Divisé sur son avenir, le Congrès de 2001 a négocié et conclu plusieurs compromis. Malgré sa grande popularité, Alexa McDonough n'a pas réussi à faire adopter son programme et elle a démissionné comme chef en avril 2002.
La grande victoire de Jack Layton en janvier 2003 s'explique par le fait qu'il se présentait comme le rassembleur des deux courants du parti. Nous étions plusieurs à croire que le NPD deviendrait enfin un grand parti. Illusion !
Rapidement Jack Layton s'est entouré d'activistes venant de groupuscules du Canada anglais en leur donnant les postes clés. Ils ont centralisé le pouvoir comme aucun autre leader ne l'a fait et le chef s'est éloigné progressivement des instances du parti et de sa base. Cette centralisation du pouvoir n'admet pas les divergences et les opinions contraires.
Parlez-en à Bev Desjarlais, ancienne député du Manitoba, qui a voté contre son chef lors du vote sur le mariage de personnes du même sexe. Elle fut expulsée de façon cavalière du caucus et n'a pu se représenter sous la bannière NPD à l'élection 2006. Le NPD a perdu un bon député loyal et un comté.
Toutefois, le malaise est encore plus profond. L'équipe Layton agit exactement comme Svend Robinson le voulait, soit d'être branché sur les mouvements populaires au lieu de travailler avec ses associations de comté. Ce faisant, le chef a trahi tous ceux qui ont voté pour lui comme rassembleur. Il s'est rangé dans le camp de ceux qui n'aspirent pas au pouvoir mais veulent simplement influencer les politiques du gouvernement minoritaire.
Cela est devenu évident lors de la campagne électorale de janvier 2006 où Jack Layton s'est contenté de seulement réclamer un peu plus de députés pour jouer un plus grand rôle en chambre. Par cette déclaration, il a convaincu la population que le NPD n'aspirait qu'à demeurer rien de plus qu'un parti régional. Au Québec, le Bloc rempli déjà ce rôle.
En agissant de la sorte, l'équipe Layton a décidé d'ignorer le Québec, espérant plutôt faire élire assez de députés pour jouer un rôle similaire au Bloc dans le Canada anglais.
Malaise en Outaouais
Dans l'Outaouais, ce manque de vision a causé un profond malaise avec les associations de comté qui avaient sans contredit les équipes électorales les mieux organisées et le plus de chance de faire élire un député au Québec.
La section NPD-Québec a choisi d'abandonner les candidats à eux-mêmes pour s'occuper des priorités établies par l'équipe du chef soit une simple augmentation du pourcentage des votes au Québec.
Ainsi les permanents du NPD-Québec ont posé des affiches dans tous les comtés sans campagne et sans véritables candidats. Lors de son passage à Ottawa, Jack Layton n'a même pas pris le temps de traverser le pont pour encourager son candidat vedette Pierre Laliberté. Les autres chefs n'étaient-ils pas venus une dizaine de fois ?
Pire encore, l'équipe du chef a choisi la ville de Québec, où le NPD est peu représenté, pour organiser un événement de foule symbolique avec le chef pour donner l'impression à l'électorat anglophone que le NPD était vraiment un parti canadien. Dans l'Outaouais, les militants n'ont pas encore digéré cet affront.
Le combat à l'interne
Enfin, les députés qui n'ont pas appuyé Jack Layton en janvier 2003, avaient bien raison de se méfier : leurs craintes se seront avérées fondées. Comme moi, plusieurs dirigeants et militants dans le parti sont déçus. Certains ont décidé de continuer leur combat à l'interne, d'autres ont cessé de militer.
Quant à moi, je quitte le parti. Je suis dorénavant un militant errant, libre. Je souhaite seulement que les délégués au Congrès de Québec oseront scruter ce problème en face et y trouver éventuellement des solutions.
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Article publié dans Le Devoir du 7 septembre sous le titre: «Le NPD de Jack Layton: la grande illusion»


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