Jacques Parizeau - Ne surdramatisons pas notre endettement

Par rapport à celle des pays industrialisés, la dette du Québec, en pourcentage du PIB, est plus élevée que celle du Canada, mais moins que celle de la moyenne des pays de l’OCDE. Pas la peine de couper l’aide sociale pour ça.

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Vigile le répète depuis trois ans

Les finances publiques du Québec, nous dit-on, sont si mal en point et la dette à un niveau tel que si on ne corrige pas la situation, le Québec est menacé du sort de la Grèce ou de l’Espagne. Ce genre d’observation est souvent exprimé dans les médias. Il nous vient depuis quelque temps de milieux gouvernementaux. On a beau promettre des milliards pour demain, une sorte de morosité se répand dans l’opinion publique : selon l’expression consacrée, les caisses sont vides.
L’article qui suit, en deux temps, est destiné à démontrer qu’on a tort de s’énerver, que la situation n’est pas du tout celle qu’on se plaît à nous présenter. La première partie a trait à la dette publique, la seconde aux revenus et dépenses du gouvernement.
Au 31 mars 2012, la dette du gouvernement du Québec était, nous dit-on, de 183 milliards de dollars, soit 53 % du produit intérieur brut, et on prévoyait dix milliards de plus pour le 31 mars 2013. La dette du secteur public, incluant, en plus de celle du gouvernement, celles d’Hydro-Québec, des autres entreprises gouvernementales, des municipalités et des universités, se chiffre à 246 milliards, soit 71 % du PIB. Si on ajoute à cela la part du Québec dans la dette fédérale, disons 19 %, calculée sur la même base, on ajoute 46 % du PIB et on arrive donc à un endettement total de 117 % ! Un tel niveau d’endettement justifie des actions radicales et rapides pour réduire les déficits et sinon rembourser la dette, en tout cas la stabiliser. Quant à vouloir faire d’une province un pays, il ne faut même pas y songer. L’austérité devient le seul horizon.

La confusion
C’est ce cadre financier qui domine la politique budgétaire, suivie par plusieurs ministres des Finances, depuis que l’un d’eux a affirmé, il y a une dizaine d’années, que les « huissiers sont à notre porte ». De là, une grande confusion. Tous les montants que j’ai mentionnés jusqu’à maintenant sont établis sur la base de la dette brute, c’est-à-dire qu’on ne tient pas compte des actifs. C’est à peu près comme si un individu, se présentant à sa banque pour établir son bilan financier, déclarait sa dette sur cartes de crédit et son hypothèque, mais pas le montant de ses dépôts bancaires ni l’évaluation de sa maison.
Aucun gouvernement au Canada, fédéral ou provincial, à part celui du Québec, ne se sert du concept de dette brute. Deux concepts de dette publique sont couramment utilisés : la dette nette et la somme des déficits cumulés. Le premier peut être défini comme étant la dette brute moins la valeur des actifs financiers du gouvernement. Les déficits cumulés, c’est la dette nette moins les actifs non financiers.
Le gouvernement fédéral se sert exclusivement des déficits cumulés, l’Ontario et l’Alberta de la dette nette et des déficits cumulés ; d’autres provinces, de la dette nette seulement. Au Québec, on établit aussi la dette selon les déficits cumulés ; néanmoins, dans les débats publics, c’est de la dette brute dont on fait état.
Si on se sert du concept de déficits cumulés, le portrait change alors complètement. Au 31 mars 2012, la dette du gouvernement du Québec était de 114 milliards, soit 33 % du PIB, au lieu de 53 %. La dette du reste du secteur public est faible parce que les actifs d’Hydro-Québec dépassent largement ses dettes. Si bien, que l’endettement de tout le secteur public québécois n’est plus de 71 %, mais de 35 % du PIB : la moitié moins !
Sans doute le niveau d’endettement du gouvernement du Québec proprement dit est-il le plus élevé des provinces canadiennes, mais il faut dire, d’abord, que l’Ontario est en train de nous rattraper ; ensuite, que l’on traîne encore les effets de la réforme comptable de 1997 qui a complètement transformé la prise en compte du déficit actuariel des fonds de pension des employés du secteur public et augmenté d’un seul coup la dette de 20 %, et enfin, que le niveau de la dette est stabilisé.
La valse des milliards «comptables»
Au vu des chiffres fournis par le ministère des Finances, cette stabilisation n’est pas évidente. En novembre 2012, on annonçait que du 31 mars 2012 au 31 mars 2014, la dette passerait de 114 à 120 milliards. Dans la Mise à jour économique et financière de mars dernier, on annonçait 117 milliards. Que se passe-t-il ? Le gouvernement aurait-il déjà commencé à « rembourser » la dette grâce à ses coupes budgétaires ? Pas du tout ! Ce sont plutôt des changements aux conventions comptables qui sont en cause. Le cas vaut la peine d’être expliqué.
En premier lieu, la Société de financement des infrastructures locales et la Société d’habitation du Québec ont modifié leurs conventions comptables. Cela a ajouté 1,2 milliard de dollars à la dette. En deuxième lieu, et surtout, Hydro-Québec a décidé d’adopter l’IFRS, soit les normes comptables de l’International Financial Reporting Standards.
On a d’abord cru, à Québec, que cela ajouterait 3,3 milliards, puis six milliards à la dette du gouvernement. Mais l’Institut canadien des comptables agréés, qui se veut l’autorité en ces matières, est venu au secours du gouvernement en reportant à trois reprises la date d’inscription de l’IFRS à la dette.
L’année 2013-2014 ne sera donc pas touchée. Ce sera pour l’année suivante. Ouf ! Et comme Ontario One a décidé d’adopter les normes comptables américaines, moins exigeantes que celles de l’IFRS, on se croit justifié à Québec de couper la poire en deux et d’inscrire éventuellement à la dette non pas 6 milliards, mais 3,3 milliards. Re-ouf !
Et dire que pendant ce temps, on veut couper une vingtaine de millions à l’aide sociale et une cinquantaine dans les services de garde, pour éviter, nous dit-on, de sombrer dans le chaos grec ou espagnol !

Quand on se compare…
Enfin, on terminera l’examen de la dette par l’ajout à celle du Québec de sa part de la dette fédérale, évaluée cette fois à partir des déficits cumulés. Elle représente non plus 46 % du PIB, mais 32 %. Si bien que dans l’hypothèse où le Québec serait un pays, aujourd’hui, sa dette serait de 65 % du PIB. Ce serait tout à fait gérable.
Et si on compare la dette totale du Québec à celle des pays industrialisés, en se servant de la méthode de l’OCDE, on constate qu’elle est (en % du PIB) plus élevée que celle du Canada, mais moins élevée que celle de la moyenne des pays de l’OCDE. Et la dette de la Grèce est… trois fois plus élevée que celle du Québec !
En fait, les gouvernements du Québec ont réussi, depuis plusieurs années, à maintenir des équilibres budgétaires satisfaisants. Cela apparaîtrait beaucoup plus clairement, si on cessait de changer les conventions comptables à tout bout de champ.

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En 1994, Parizeau mène le Parti québécois à la victoire électorale, formant un gouvernement majoritaire convaincant et devenant premier ministre du Québec. Parizeau promet de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec dans la première année de son mandat, et malgré des objections de toutes parts, il respecte sa promesse. Il fixe la date du référendum pour le 30 octobre 1995. Au début, l'appui à la souveraineté se situait à environ 40 % dans les sondages d'opinion. À mesure que la campagne avance, toutefois, les appuis à l'option du « Oui » se mettent à monter. Malgré cela, l'option souverainiste plafonne, et Parizeau fait l'objet de pressions pour s'adjoidre les services de Lucien Bouchard, le chef extrêmement populaire du Bloc québécois, perçu comme plus modéré et plus pragmatique, en le nommant "négociateur en chef" advenant la victoire du "Oui". Pour le succès de la cause, Parizeau accepte ainsi de jouer un second rôle pour la suite de la campagne.

{[Wikipedia->http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Parizeau]}





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