La lettre de Jean Charest

J'ai honte de mon Premier Ministre! Vraiment honte!

Quel acte démagogique de sa part, lui qui ne cesse de dénoncer la démagogie des autres!

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Le temps de sortir dehors fumer une cigarette au frette, je reviens et qu'est-ce que je constate? Quelqu'un, et pas n'importe qui, notre Premier ministre Jean Charest en personne, a apporté un nouveau plat sur la table, dans lequel grouillent des je-ne-sais-quoi qui ont toutes les apparences de gros vers (eurk!): les mots "repli sur soi", "peur de l'autre", "esprit d'assiégés", "anti-démocratique", "gestes irresponsables", "sorties inconsidérées", "braises de l'intolérance", "un 'nous' marquant un 'eux' menaçant", "préjugés"...
[->9955]Mais quelle "mouche vicieuse", pour reprendre une expression récente de Lysiane Gagnon, a donc piqué Jean Charest pour écrire et publier une telle lettre, un tel texte? J'ai honte de mon Premier Ministre! Vraiment honte!
Monsieur Charest ne suit certainement pas attentivement et de près les travaux de la Commission B-T pour juger ainsi - ou plutôt pré-juger - qu'il faut désormais discuter "dans le respect et la raison". C'est à croire qu'il n'a vu et entendu que les plus "croustillantes", les plus folichonnes interventions lors des forums, en nombre assez limité, et qu'il ne sait absolument rien de la quantité de mémoires, tous plus sérieux et étoffés les uns que les autres, qui y sont présentés. Au contraire, pour parler d'un retour au respect et à la raison, comme si nous nagions dans l'irrespect et l'irrationnel, il est lui-même noyé dans un océan d'ignorance crasse indigne d'un premier ministre. Quel acte démagogique de sa part, lui qui ne cesse de dénoncer la démagogie des autres!
REPLI SUR SOI que ce qui se passe actuellement? Rappelons à notre Premier ministre le sens réel de ce mot. Le repli sur soi se manifeste par la perte du désir de relation avec les autres, souvent suivi de l'isolement. Il consiste à se refermer comme une huître et à ne plus pouvoir communiquer, ne plus pouvoir se rapprocher des autres. Souvent dû à un manque profond d'estime de soi, il mène l'individu - et parfois même toute une collectivité, tout un peuple - à se taire, à s'isoler, à se couper des autres et à ne surtout pas exprimer ses idées, par peur du regard et, surtout, du jugement des autres,.
Or, ce qui se vit actuellement au Québec, c'est exactement le contraire. C'est un réveil, une sortie de la torpeur et de la peur, du repli lui-même, un lever debout, une affirmation, une prise de parole collective comme on en a rarement vu une, nulle part au monde, et ce, tant chez les Québécois et Québécoises d'origine canadienne française que chez les Néo-Québécois et Néo-Québécoises de toutes origines et de toutes confessions religieuses. Un fait historique sans précédent, inou et inoubliable, comme le "Vive le Québec libre!" du Général de Gaulle, le 24 juillet 1967, qui fut aussi l'année de l'Expo.
Comment se fait-il que notre Premier ministre en personne soit incapable de se rendre compte de cela, de ce phénomène historique marquant dans l'histoire du Québec? Comment se fait-il qu'il pense qu'ailleurs, à l'étranger, hors-Québec, on s'interroge sur ce qui se passe ici, sous-entendu: qu'on pense qu'une tornade de fermeture et d'intolérance s'est abattue sur le Québec, alors que si on s'intéresse effectivement à ce qui se passe avec la Commission B-T, c'est précisément pour admirer la qualité du débat public qui s'y déroule, et qu'on est impatient de voir ce qu'il en sortira comme solutions, au cas où cela pourrait aider les autres nations prises avec les mêmes problèmes?
Comment se fait-il que notre Premier ministre juge que nous manifestons un manque de confiance en nous, un manque de générosité, de fierté et d' "attachement inébranlable à l'égalité" parce que nous tentons, collectivement, de définir qui nous sommes, de cerner ce qu'est l'identité québécoise et de définir la société dont nous rêvons? Et que nous le faisons tous ensemble, toutes origines confondues?
Comment se fait-il?
- L'explication de ce phénomène étrange peut parfaitement se trouver dans sa lettre elle-même, qui s'attaque essentiellement au projet péquiste sur l'identitié québécoise, et plus particulièrement à Mme Marois elle-même, la cheffe du PQ. Il s'attaque tout aussi directement au chef de l'ADQ, Mario Dumont, qui nous a dit, lui aussi dans une lettre ouverte de décembre dernier, qu'il nous fallait "lever le menton", ce que M. Charest interprète comme signifiant "regarder l’autre (l’immigrant) de haut".
- Plus démagogique et tordu que ça, tu meurs! Plus déformation de sens que cela, tu rentres six pieds sous terre de honte! "Lever le menton", quand on a la tête courbée depuis des années et qu'on se laisse tailler la laine sur le dos avec des ciseaux portant le nom de "racistes", "xénophobes" et "ethniques", c'est tout simplement sortir du repli sur soi et dire: "Assez! J'existe! J'ai compris que je suis quelqu'un, que je ne suis pas celui que vous dites que je suis, et je vais désormais me faire connaître!"
- Nous en sommes tous là, aujourd'hui.
M. Charest, notre Déshonorable Premier ministre, fait preuve de mépris non seulement envers ses adversaires politiques, spécialement Pauline Marois et Mario Dumont, mais d'un mépris total pour la population entière du Québec qui, depuis déjà quelques mois, pense, réfléchit, écoute, cherche, écrit et dit ce qu'elle pense être une voie de solution aux problèmes que nous vivons, et ce, malgré et avec quelques dérapages aussi bien dire inévitables, mais que M. Charest retient comme étant le seul discours entendu.
Le mépris est méprisable, alors je lui retourne le sien. Et tant qu'à y être, puisqu'on l'a demandé à d'autres pour moins que cela, je demande qu'il s'excuse ou qu'il démissionne.


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6 commentaires

  • Jean Pierre Bouchard Répondre

    31 octobre 2007

    J’écris cette opinion après avoir abandonné un texte devenu un brouillon de 4 paragraphes, s’exprimer clairement et y voir clair n’est pas si simple.
    À travers la piètre figure politique de J.Charest doit t’on avec les derniers développements de l’actualité être optimiste ou pessimiste ?
    Si il faut être optimiste c’est très difficile ne pas l’être timidement. Les tendances de fond qui se sont exprimées depuis mars 2007 subsistent encore pour l’essentiel, la division politique québécoise semble là pour durer.
    La capacité d’affirmation québécoise produite par l’histoire est généralement bien plus défensive qu’offensive. Par exemple est inquiétant le comportement des adéquistes et de leur chef qui depuis la dernière élection ne surfent que sur les broutilles de l'actualité ce qui est propre de l'insignifiance politique pire toutefois le parti dumontiste avec son encrage dans le centre est du Québec semble vouloir être porteur par un clientélisme régionaliste de la vieille idéologie canadienne française de survivance qui à la limite est habité par ce vieux fond catholique anachronique toujours porteur de retraite, d'isolation et de capitulation sur fond d'entente de pacotille.
    Le projet péquiste existant sur l’identité est prometteur mais en autant que plusieurs s’expriment sur le web, les lettres aux lecteurs, les lignes ouvertes pour le mettre de l’avant. Il faudra que des leaders incorruptibles le portent sans se soucier d’une machine médiatique qui parle faux parce qu’elle est le produit d’une chaîne de montage idéologique faite d’imposture.
    La conscientisation politique au Québec ne se limite pas à la contestation des accommodements il faut plus.

  • Raymond Poulin Répondre

    31 octobre 2007

    Jean Charest s'excuser ou démissionner? Vous n'y pensez pas: il croit ce qu'il a écrit! On ne peut pas avoir honte d'un mythomaniaque politique, on ne peut qu'en avoir pitié. Faudrait-il l'amener dans une clinique fonctionnant en ppp?
    Raymond Poulin

  • Jacques Bergeron Répondre

    31 octobre 2007

    Comme vous avez raison. De démission cependant, il n'y aura pas, puisqu'il faut une certaine dose de fierté pour agir ainsi, ce que n'a pas ce représentant du monde «anglo-saxon» et de quelques Canadiens-français fédéralistes. Croyez-vous, et pouvons-nous croire que son conseiller, Parisella, lui permettrait de démissionner alors qu'il croit son poulain Charest sur le chemin de la victoire. Et dire que cet ancien conseiller du «petit» Robert fait maintenant partie de la famille du Devoir. Vraiment Henri Bourassa doit se tourner dans sa tombe?
    Et Claude Ryan doit rire dans la barbe qu'il n'a jamais eue.
    Merci d'avoir écrit pour nous tous et toutes cet article.
    René Lévesque doit être en colère pour avoir été utilisé de façon démagogique par cet usurpateur du pouvoir, en lui faisant dire ce qu'il n'aurait jamais dit.Mais le premier ministre du Québec , pour encore un court laps de temps, est petit et rien ne pourra le grandir aux yeux de celles et de ceux qui veulent se donner un pays «indépendant» de langue française en terre des Amériques.

  • Dominic Desroches Répondre

    31 octobre 2007

    Chère Madame,
    merci pour votre réflexion ultrarapide sur la dernière sortie médiatique et fort intéressée du Premier Ministre. Or, dans votre texte critique à l'égard des propos de Jean Charest, vous écrivez que le Québec connaît le contraire du repli sur soi. Fort bien... Mais pouvez-vous en faire la démonstration ? Montrez-nous dans l'une de vos chroniques que le Québec ne manque pas de confiance en lui-même. Le Québec, et il ne faut pas confondre dans l'analyse son désir et la réalité, connaît au contraire une période de repliement identitaire : il se cherche, se questionne, doute, hésite, tergiverse.
    Peut-être avez-vous précisément honte de votre Premier Ministre parce que celui-ci, loin d'être sûr et de s'affirmer, doute de lui-même et des Québecois à la face du monde. S'il critique le projet de loi sur la citoyenneté proposé par Pauline Marois, c'est parce que ce projet entend mettre fin au repliement identitaire des Québecois (toutes origines confondues). Mieux : votre Premier Ministre vous fait honte parce que son discours est petit, emprunté, opportuniste et qu'il divise encore plus les citoyens que nous sommes. Au lieu de les faire grandir et sortir de la torpeur, il leur montre à quel point ils sont petits et peu rationnels.
    Un dernier point. Si tous les pays occidentaux se questionnent sur les problèmes relatifs à la diversité culturelle - pensez au Danemark, à la Suède, à la France, à l'Allemagne et à l'Angleterre -. seul le Québec a mis sur pied une Commission nationale sur la question. Ce geste, bien qu'original et démocratique, n'est-il pas assez significatif ? Pourquoi les autres États n'ont-ils pas besoin d'une Commission pour régler la question ? La prise de parole citoyenne est une chose, excellente d'ailleurs, l'affirmation de l'identité une autre. Bref, l'autopsychanalyse sauvage à laquelle nous sommes confrontés actuellement, même si elle répond à des besoins démocratiques évidents, est aux antipodes de la proclamation du "Québec libre !" du Général de Gaule et de l'Exposition universelle de Montréal : elle demeure un signe de questionnement, de doute, de vertige et d'inquiétude.
    "En 67 tout était beau, c'était l'année de l'amour c'était l'année de l'expo... " comme dit la chanson. Pouvez-vous répéter cela aujourd'hui ?

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    Du Parisella tout craché (sur nous autre en plus!)

  • Archives de Vigile Répondre

    31 octobre 2007

    Non!! Il ne faut pas qu'il démisionne, au contraire, (il aide la cause souverainiste),dans un sens, il fait voir au peuple l'urgence de faire l'indépendance par son incompétence. Merci
    B-lecteur