J'ai eu honte!

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Il n'est pas le seul

Quand, autrefois, j'allais à la messe le dimanche matin, je profitais souvent de l'homélie (presque toujours plate) pour revoir dans ma tête quelques faits saillants de la semaine, ou pour mettre de l'ordre dans mes idées… Et même si mes présences à l'église sont désormais le plus souvent associées à des funérailles, le dimanche conserve son caractère spécial. Le septième jour reste encore, même en 2016, celui où certains (comme moi) se reposent un peu en jetant un regard sur les «oeuvres» de la semaine…
Sans aucun doute, l'«événement» des derniers jours aura été l'annonce du report de l'implantation du nouveau cours d'histoire au secondaire par le ministre québécois de l'Éducation, Sébastien Proulx, qui donnait une nouvelle fois (comme l'ensemble de son gouvernement) l'impression de «faire le beau» devant cette masse monolithique d'électeurs anglophones, allophones et assimilés qui assure trop souvent la réélection du Parti libéral…
Dites-vous bien une chose. Faute de modifier les faits vécus, documentés, et les réinventer (comme Stephen Harper s'est amusé à le faire avec la Guerre de 1812) pour plaire à l'ensemble du West Island, toute réforme du programme d'enseignement de l'histoire sera vu par la plupart des anglos et allos/francos assimilés comme un complot nationaliste ou indépendantiste. Je ne les blâme pas de s'inquiéter… Il suffit d'énumérer les faits historiques, sans même les commenter, sans sel, sans poivre, pour que n'importe quel francophone devienne «nationaliste»…
Pour satisfaire la clientèle libérale, surtout celle qui a conservé les traits de nos anciens Rhodésiens, il faudrait mentir, tout au moins taire de grands pans de notre histoire parce que simplement en prendre connaissance pourrait susciter une nouvelle cohorte de «oui» au prochain référendum si jamais une autre grande consultation populaire se pointe à l'horizon… C'est ainsi que se sont comportés les empires quand ils ont colonisé des territoires… en tâchant de faire oublier aux peuples conquis leur passé, leurs origines, leurs valeurs, leur langue, leur culture… en réécrivant au besoin leur histoire.
Si j'ai bien compris ce qui s'est passé la semaine dernière, nous vivons toujours des relents de l'époque coloniale, où les impériaux dictaient (ou suggéraient fortement) aux indigènes leurs lois, règlements et comportements. Je croyais qu'avec la Loi 101 nous étions passés à autre chose et qu'au moins nous étions maîtres de notre destin culturel… Il semble que non. Notre majorité, notre «nous», est toujours soumis - par l'intermédiaire du Parti libéral - aux exigences et façons de voir d'un anglo-multiculturalisme qui veut notre perte…
Si j'ai bien compris, redis-je, ce gouvernement va laisser nos anciens maîtres nous dire comment enseigner notre histoire à nos élèves dans nos écoles… Quelques jours auparavant, les députés de ce même gouvernement s'étaient écrasés une fois de plus devant la tâche - pourtant timide - d'imposer la primauté du français dans des bannières commerciales unilingues anglaises. Après le relatif unilinguisme français de la Loi 101, puis la priorité du français de la Cour suprême, nous en sommes à une «présence suffisante» (ciel, les conquérants britanniques nous en offraient autant au 18e siècle!)… On va bientôt quêter à genoux… Pour la première fois depuis longtemps, j'ai eu honte!
À un moment de notre histoire où notre volonté de «durer» comme peuple semble vaciller, ainsi que l'écrivait récemment le sociologue Jacques Beauchemin, il me semble que cette décision de reporter la réforme de l'enseignement de l'histoire constitue un événement pivot. J'aurais souhaité des réactions plus vigoureuses du grand public (compte tenu que selon le plus récent sondage léger, 52% des francophones voteraient toujours «oui»). Faut dire qu'à l'exception du Devoir qui l'a propulsée en manchette de la page une, cette nouvelle n'a pas suscité grand émoi dans les milieux médiatiques (un peu plus, peut-être, dans les médias sociaux).
Je me serais attendu à des commentaires énergiques dans toutes les pages éditoriales, mais l'annonce du ministre Proulx a été suivie d'un trop large silence… On s'était habitué à l'extrême modération des éditorialistes autres que ceux et celles du Devoir pour tout ce qui touche notre identitaire collectif, mais quand même…
Je note au passage que Le Devoir n'a pas, lui non plus, commenté cette histoire qui va pourtant au coeur de notre cheminement identitaire, un cheminement que notre seul quotidien indépendant accompagne depuis plus de 100 ans. Peut-être le fera-t-il. N'empêche que depuis quelques mois, je flaire une baisse de régime dans les pages du Devoir. Ce fidèle compagnon de nos combats nationaux - on se l'arrachait à l'université pendant la Révolution tranquille (et j'étais Franco-Ontarien alors…) - paraît plus réticent, ces jours-ci, particulièrement dans ses textes éditoriaux… J'espère que je me trompe.
Bon… on passe à autre chose… l'homélie est terminée, c'est le temps de réciter le Je crois en Dieu et de sortir des sous pour la quête… Jusqu'au prochain dimanche…


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