Interrogations sur les intentions du président Sarkozy à propos du Québec

France-Québec : fin du "ni-ni"?


MONTRÉAL, 4 avr 2008 (AFP) - L’intention prêtée au président français Nicolas Sarkozy de redéfinir la relation privilégiée entre la France et le Québec au profit d’Ottawa suscite des interrogations dans la province francophone et des inquiétudes chez des partisans de son indépendance.
La question a été soulevée par des propos de l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, indiquant que M. Sarkozy pourrait profiter de sa venue à Québec, en octobre prochain, pour revoir la traditionnelle position de la France vis-à-vis de l’avenir politique du Québec, définie par la formule "ni ingérence, ni indifférence".
Parlant la semaine dernière, à Paris, des célébrations du 400e anniversaire de Québec, M. Raffarin a indiqué que le président Sarkozy "est contre le ni-ni" et ferait une annonce importante lors de sa venue au Québec pour le sommet de la Francophonie.
"Quelquefois dans notre histoire, la relation franco-québécoise a été privilégiée au point où on ne se mêlait pas du reste" - c’est-à-dire des rapports avec Ottawa - a dit M. Raffarin, cité par des médias canadiens.
La formule "non-ingérence, non-indifférence" date d’une trentaine d’années, dix ans après le "Vive le Québec libre" du général de Gaulle, et constitue un "euphémisme illustrant l’appui de la France au Québec", selon Frédéric Bastien, auteur d’un livre sur les relations franco-québécoises.
L’éventualité d’un rééquilibrage de la relation France-Québec-Canada n’est pas passée inaperçue dans "la belle province".
C’est un sujet "sensible" parce que le Québec "est une nation sans Etat dont le principal allié international est la quatrième puissance mondiale : la France", a expliqué jeudi à l’AFP Jean-François Lisée directeur exécutif du centre d’études et de recherches internationales de l’université de Montréal.
"S’il fallait qu’un jour cette puissance dise : nous ne vous appuierons qu’avec la permission du Canada, ce serait un recul stratégique important pour le Québec", et cela "affaiblirait son rapport de force au sein de la fédération canadienne", a ajouté M. Lisée qui fut le conseiller diplomatique de deux Premier ministres indépendantistes québécois, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.
"Quelle mouche aurait piqué Nicolas Sarkozy ?" [a lancé l’ancienne ministre indépendantiste Louise Beaudoin->12717] dans le quotidien Le Devoir, estimant que le moment serait mal choisi de "mettre à mal la politique de la France par rapport au Québec", l’année de la célébration du 400e anniversaire de la fondation de la Nouvelle-France.
"Sans présumer de ce que dira le président (...) on nous permettra de souhaiter qu’il fasse preuve de prudence dans ce dossier délicat", [écrivait jeudi le quotidien montréalais La Presse dans un éditorial.->12775]
La question a aussi été évoquée à l’Assemblée nationale québécoise, où un responsable de l’opposition a demandé au Premier ministre Jean Charest si on se dirigeait vers une "canadianisation" de la relation France-Québec.
Ce dernier n’a pas commenté une éventuelle inflexion de la politique française, se bornant à dire que la relation privilégiée avec Paris avait été évoquée dans chacune de ses rencontres avec les plus hauts dirigeants français.
Pour les médias canadiens, la vision du président français est colorée par sa proximité avec le très influent homme d’affaires canadien Paul Desmarais, ardent défenseur de l’unité canadienne, auquel il a personnellement remis récemment les insignes de Grand-Croix de la Légion d’honneur.
Deux référendums sur l’indépendance du Québec ont eu lieu en 1980 et 1995, les Québécois n’ayant rejeté cette option que de justesse la seconde fois, mais le mouvement indépendantiste se trouve actuellement dans un moment de repli.
Les propos de M. Raffarin constituent "un signal d’alarme" juge M. Lisée, faisant valoir que "si la politique française avait été de ne jamais antagoniser le Canada, le Québec ne serait pas présent dans la Francophonie".
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Agence France Presse

Par Philippe SAUVAGNARGUES


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