Inde : les contestations contre une loi sur la citoyenneté prennent de l'ampleur

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Les musulmans ont déjà le Pakistan et le Bangladesh


Un mouvement de contestation d'une loi prévoyant l’octroi de la citoyenneté indienne à certains réfugiés de pays voisins à l’exclusion des musulmans gagne de l’ampleur lundi, notamment sur les campus universitaires.




Des milliers d’étudiants et d’autres protestataires ont envahi les rues de la capitale, New Delhi, et d’autres villes comme Chennai, Bangalore, Mumbai et Lucknow, pour protester contre la loi et contre la répression exercée par les forces policières.


La colère des manifestants a été alimentée par de violents affrontements entre policiers et opposants à la loi qui ont eu lieu dimanche à la grande université Jamia Millia Islamia, dans la capitale.


Les forces de l’ordre appelées à intervenir sur les lieux ont tiré des gaz lacrymogènes et chargé les manifestants à coups de bâtons, faisant plusieurs dizaines de blessés.



Des vidéos mises en ligne montrent des scènes de chaos à l'intérieur même des murs de l'établissement, avec des étudiants ensanglantés. L'université demande des comptes au gouvernement pour cette intervention.


Offusqués par ce qu'ils considèrent de la brutalité policière, des manifestants se sont ensuite rendus devant un poste de police de New Delhi, où ils ont incendié quelques véhicules, dont des voitures de police.


L'Université musulmane d'Aligarh, dans l’État d’Uttar Pradesh, a aussi été le théâtre de scènes similaires à celles survenues à l'Université Jamia Millia Islamia.


Des policiers casqués et armés de bâtons sont retranchés derrière une grille, se protégeant de plusieurs centaines de manifestants musulmans.

À Lucknow, des étudiants musulmans de l'Université Darul Uloom Nadwatul Ulama ont jeté des pierres à des policiers retranchés derrière une grille, selon des images diffusées à la télévision.


Photo : Reuters / Pigiste




Une loi qui soulève de la colère dans le nord-est de l'Inde


La loi adoptée la semaine dernière prévoit que les hindous et les chrétiens installés en Inde avant 2015 pour fuir des persécutions religieuses au Bangladesh, au Pakistan ou en Afghanistan pourront obtenir la citoyenneté.



L’affaire provoque une levée de boucliers, la minorité musulmane dans ce pays de 1,3 milliard d’habitants disant être marginalisée par le gouvernement nationaliste hindou du premier ministre Narendra Modi.


Le mouvement de contestation est né dans le nord-est de l'Inde, où les manifestants craignent que la loi ne modifie un délicat équilibre intercommunautaire en accordant la citoyenneté à de nombreux hindous du Bangladesh.


Six personnes ont déjà perdu la vie depuis la semaine dernière dans la foulée de ces manifestations.


Des milliers de personnes ont manifesté lundi à Calcutta, dans l'État du Bengale occidental, à l'appel de la cheffe de l'exécutif de l'État, Mamata Banerjee, virulente opposante de M. Modi.


Des milliers de personnes marchent derrière Mme Banerjee.

La cheffe de l'exécutif du Bengale occidental, Mamata Banerjee (habillé en blanc, en avant du cortège), a mené une marche réunissant des milliers d'opposants à Calcutta.


Photo : Getty Images / AFP/DIBYANGSHU SARKAR




Modi ne bronche pas


Le premier ministre Narendra Modi a dénoncé sur Twitter des groupes aux intérêts cachés cherchant à semer la division. Selon lui, la nouvelle loi reflète la culture multiséculaire d'acceptation, d'harmonie, de compassion et de fraternité de l'Inde.


M. Modi n'entend pas reculer, malgré les manifestations. Il a déclaré lors d'un rassemblement partisan dimanche que la loi, appelée Citizenship Amendment Bill (CBA), était juste à 1000 %.


L'opposant Rahul Gandhi, dont le parti du Congrès a été nettement battu par les nationalistes hindous dans les urnes au printemps, a assimilé la loi à une arme de polarisation de masse lancée sur l'Inde par des fascistes sur Twitter.


La volonté du gouvernement Modi de créer un registre national de la citoyenneté va dans le même sens, selon lui.


La meilleure défense contre ces armes sales est une Satyagraha pacifique et non violente, a dit Rahul Gandhi, en référence à la stratégie de résistance par la non-violence et la désobéissance civile par Mahatma Gandhi.


Hommes et femmes manifestent en criant des slogans à Delhi.

Des étudiants manifestent lundi à New Delhi, en opposition à la loi sur la citoyenneté et en solidarité avec leurs collègues tabassés la veille à l'université Jamia Millia Islamia.


Photo : Reuters / Francis Mascarenhas




Le père de la nation indienne a toujours souhaité que l'ex-colonie britannique soit un foyer pour les hindous et les musulmans, ce qui ne s'est que partiellement produit en fin de compte.


Le gouvernement britannique a finalement opté pour la partition de sa colonie, ce qui a donné naissance au Pakistan, majoritairement musulman.


L'Inde est devenue un pays à forte majorité hindoue, mais les musulmans constituent tout de même aujourd'hui environ 15 % de la population. L'histoire du pays a cependant été jalonnée de tensions intercommunautaires.


Des organisations de défense des droits de l'homme et un parti politique musulman ont déposé un recours contre la loi devant la Cour suprême, en arguant qu'elle est contraire à la Constitution et aux traditions séculaires indiennes.


 




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