Gatineau a été le théâtre, cette semaine, de tristes actes de vandalisme électoral. On s'en est pris au local de l'Association régionale des West Quebecers, puis aux affiches unilingues anglaises de Barbara Charlebois, candidate à un poste de conseiller du quartier Lucerne, à Aylmer. De façon surprenante, le coupable s'est avoué: il s'agit de Jean-Roch Villemaire, l'ex-candidat du Parti indépendantiste dans la circonscription de Hull, l'an passé.
Il avait annoncé son intention d'arracher les affiches électorales dans une lettre parue dans le courrier des lecteurs dans nos pages, jeudi. Le jour même, c'était fait. Dans les heures qui ont suivi, M. Villemaire a avoué. « J'assume mon geste », a-t-il lancé.
Militant séparatiste, M. Villemaire est d'avis que le Front de libération du Québec « a fait avancer la cause de l'indépendance du Québec ». Le FLQ est responsable de la Crise d'octobre, de l'enlèvement du diplomate Richard Cross et de l'assassinat du ministre libéral Pierre Laporte, en 1970.
Pendant la campagne, l'an dernier, il avait avoué avoir des affinités avec deux mouvements d'extrême-droite en Europe, le Front national, longtemps dirigé par Jean-Marie Le Pen, en France, et celui de Jörg Haider, un politicien antisémite autrichien aujourd'hui décédé. De ce dernier s'inspirait l'idée d'interdire l'affichage bilingue au Québec, permise selon la Loi 101 dans la mesure où le français occupe une place prédominante. À l'instar du Front national, M. Villemaire souhaitait mettre un terme complet à l'immigration au Québec par la voie d'un moratoire afin de favoriser l'emploi pour les « Québécois de souche », décrits comme « quelqu'un dont les ancêtres sont arrivés ici avec les Français ». L'idée de totalement fermer les robinets de l'immigration a par la suite été assouplie pour une réduction de moitié des taux actuels, autour de 40 000 personnes.
De son propre aveu, le risque concernait « la citoyenneté [car avec ça] vient le droit de vote et on ne peut pas donner ça à n'importe qui ». Dans une entrevue avec LeDroit, en novembre dernier, il avait poursuivi en disant que « le Canada avait naturalisé plein d'immigrants pour qu'ils aillent voter au référendum » de 1995. Dans les heures qui avaient suivi la défaite des souverainistes, le premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, avait mis le blâme sur « l'argent et le vote ethnique ». Cette déclaration avait provoqué un tollé qui avait mené au départ de M. Parizeau, dès le lendemain, et des tensions qui durent encore aujourd'hui.
Les gestes de M. Villemaire sont exceptionnels par leur rareté. Ils doivent être dénoncés avec force. L'unilinguisme des affiches électorales de la candidate Charlebois dénotait une incompréhension de l'électorat en Outaouais et de la situation linguistique au Québec, mais elles n'avaient rien d'illégal. Si elles pouvaient fâcher certaines personnes avec raison, il n'est pas question d'endosser que des gestes d'intolérance soient une réponse à des gestes d'incompréhension. En bout de ligne, nous croyons que l'électorat aurait réglé le dossier en faisant comprendre à Mme Charlebois que l'unilinguisme dont elle faisait montre sur ses affiches électorales étaient incompatibles avec le Québec d'aujourd'hui.
Mais voilà, le Québec d'aujourd'hui est le témoin de quelques scènes qui révèlent lui aussi un fond d'incompréhension. Au début du XXe siècle et jusqu'avant la Seconde Guerre mondiale, des idées d'une droite intolérante aux étrangers circulaient largement au Québec. Benito Mussolini a eu ses supporters, et pas qu'une poignée d'hurluberlus. De profondes tensions ont animé des Québécois envers non seulement la minorité anglaise (entre autres en raison de la domination économique qu'elle exerçait sur le Québec), mais aussi envers les juifs.
Nous aurions pu croire que le nouveau millénaire, la mondialisation de nos économies et les transports facilités et démocratisés auraient pu lutter avec succès contre l'émergence de gestes d'intolérance face à l'« autre ». Malheureusement, ce n'est pas le cas. Même qu'au lieu de se dissiper dans la nature, quelques récents épisodes donnent à réfléchir. Ces expressions en appui à la souveraineté du Québec doivent cependant demeurer au plan des idées, pas de la violence et de l'intolérance.
Le Québec a sagement choisi la voie de la non-violence et l'un de ses plus grands premiers ministres, René Lévesque, a toujours décrié la violence. Ce message est toujours d'actualité et doit être répété, alors que l'Outaouais vient de vivre un épisode triste, mais, espérons-le, isolé.
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