Les finances de nos gouvernements sont sévèrement dans le rouge. Au Québec, en Ontario, au fédéral, dans plusieurs autres provinces canadiennes, les déficits sont la norme. Aux États-Unis et en Europe aussi. Les revenus des gouvernements se sont effondrés avec la récession économique. Les gens consomment moins et paient moins de taxes, nos exportations se vendent moins bien, particulièrement le bois et le pétrole. Et l'État paie plus de prestations diverses.
Mais pour sortir de l'encre rouge, il faut poser des gestes difficiles, peu populaires mais courageux. La semaine dernière, Le Droit s'est prononcé en faveur de hausses d'une panoplie de frais gouvernementaux; c'était aussi l'avis des membres du Parti libéral du Québec, qui tenait un conseil général à Drummondville, le week-end dernier. Le premier ministre Jean Charest s'est opposé au plan de son parti, mais a laissé voguer un flou quant aux intentions financières de son gouvernement. Il a parlé d'un gouvernement qui devrait «se serrer la ceinture», et d'un examen «dans un contexte plus large» des propositions émanant du PLQ.
Le premier ministre sent bien que les contribuables québécois n'aiment pas se faire imposer d'autres frais et d'autres taxes. Ils l'ont réitéré dans un sondage TVA, rendu public hier. La grogne est vive et la population est sous l'impression que le gouvernement n'a pas encore été au bout de son propre examen des dépenses de l'État.
Pendant ce temps, une mesure très ciblée est revenue à l'avant-scène des débats publics sur nos finances collectives: la hausse des tarifs d'électricité. Pourquoi? Parce que d'un trait de crayon, le gouvernement peut aller puiser jusqu'à deux milliards de dollars dans les poches des Québécois qui bénéficient, faut-il le rappeler, des plus faibles coûts d'énergie hydroélectriques en Amérique du Nord. La principale clause dont profite la population est ce qui a été baptisé le «tarif patrimonial» de 2,79 cents le kilowattheure, une prime déterminée par le gouvernement de Lucien Bouchard, en 1998, afin que toutes les générations profitent des efforts financiers des générations passées qui ont bâti Hydro-Québec et son réseau de centrales hydroélectriques. Il suffirait de hausser le tarif patrimonial à 3,79 cents le kWh pour générer les énormes rentrées espérées par Québec.
Sur cette question, il y a de quoi être divisé. Une fois que l'on tripote le tarif patrimonial, cela deviendra la cible de tous les gouvernements futurs qui y verront une manière facile de régler le prochain trou financier. Avec en prime l'excuse que cette énergie à prix très abordable encourage le gaspillage, ce qui est vrai. Ou la justification qu'une hausse des tarifs est régressive, exigeant davantage des mieux nantis (qui habitent dans de plus grosses maisons qui consomment davantage d'énergie). À ce dernier argument, il faut rappeler que le meilleur outil de justice sociale demeure les impôts, que l'on peut moduler avec une relative facilité (relative, car nos formulaires d'impôt ne sont pas si faciles à remplir.)
Ainsi, il faut résister le plus longtemps possible à une hausse du tarif patrimonial, et rendre toute augmentation difficile à mettre en place, en exigeant, par exemple, un projet de loi à l'Assemblée nationale plutôt qu'un simple décret du cabinet avec consultations et tout le bataclan.
Il est facile pour les partis d'opposition de clamer que cette voie est injustifiée, ou que le Québec n'a qu'à exiger davantage du fédéral comme a l'exhorté le Parti québécois qui rêve de milliards supplémentaires pour compenser l'harmonisation de la taxe de vente avec la TPS fédérale. Le Québec doit négocier cette compensation, mais il doit aussi mettre ses affaires à l'ordre. Et nous croyons que le temps est venu d'un bon débat sur une hausse modeste du tarif patrimonial.
Et si quelqu'un, quelque part, soumet une meilleure idée, tant mieux.
Ce sera bien préférable à une privatisation partielle d'Hydro-Québec, par exemple, une marotte de militants néolibéraux et d'économistes qui n'ont pas encore fait la preuve qu'il vaut mieux, quand notre hypothèque nous étrangle, vendre une partie de la maison que de hausser les loyers.
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