Un incroyable déficit de légitimité après seulement neuf mois

Il faut renverser le gouvernement Couillard

Il nous conduit à notre perte

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Un gouvernement d'usurpateurs !


Avec la collaboration de Jean-Claude Pomerleau

Texte modifié à 00h35 le 8 janvier pour ajouter deux paragraphes échappés lors de la mise en ligne (RLH)

Mon expérience à titre de député et ministre délégué à la Restructuration lors du référendum de 1995 et ma sensibilité personnelle aux exigences de la légitimité m'ont amené à publier en 1997 aux Éditions Stanké un essai intitulé « La prochaine étape – Le défi de la légitimité ». J'y expliquais que la tenue du référendum avait été rendue nécessaire par l'important déficit de légitimité accumulé par l'option fédérale, notamment depuis celui de 1980.

Il faut comprendre qu'en démocratie, la légitimité constitue le fondement du contrat social. À partir du moment où commence à se creuser dans une société un déficit de légitimité, les parties prenantes à ce contrat se sentent justifiées de lui retirer leur adhésion. Plus le déficit se creuse, plus l'ordre établi est menacé.

C'est exactement la situation dans laquelle le Québec se trouve en ce moment à la suite des erreurs graves commises par le gouvernement Libéral de Philippe Couillard depuis son élection en avril dernier.

Sa première erreur a été de croire que sa majorité parlementaire confortable lui donnait le droit de procéder à une révision en profondeur des orientations politiques, économiques, sociales et culturelles du Québec. Il n'a pas vu qu'élu avec un taux de participation au scrutin d'un peu plus de 71 %, sa part de 41,52% des suffrages exprimés signifiait qu'il n'avait obtenu la confiance que de moins du tiers de l'électorat.

C'était déjà très faible, et c'était surtout très insuffisant pour se lancer dans une réformes tous azimuts des structures de l'État québécois et de ses orientations, comme je l'écrivais déjà le 20 mai dernier dans un article justement intitulé « Le déficit de légitimité du gouvernement Couillard », surtout lorsqu'on est affligé des problèmes de crédibilité hérités de l'ère Charest et de son cortège de scandales dont certains nous réservent encore bien des surprises, que ce soit en lien avec les conclusions à venir de la Commission Charbonneau ou des enquêtes de l'UPAC dans les dossiers du financement politique ou des fraudes à l'AMT et au CUSM, pour ne mentionner que celles-là.

C'est cette lourde hypothèque qui m'avait amené dès ce moment-là à évoquer la possibilité que le gouvernement Couillard pourrait ne pas terminer son mandat.

Depuis lors, la situation n'a fait qu'empirer. La gestion par le gouvernement de l'évasion d'Orsainville a été pitoyable et a permis de soulever toutes sortes de question sur le fonctionnement du ministère de la Sécurité publique, et sur le cloisonnement qui doit exister entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Si la police est parvenu à reprendre les évadés et s'ils viennent de plaider coupables aux accusations qui pesaient contre eux, aucune réponse n'a été apportée aux questions soulevées par les cafouillages à la Sécurité publique ou par l'étrange rôle du juge Dionne auquel j'ai consacré les deux articles suivants : « Le gouvernement Couillard dans l’eau bouillante » et « Ça ressemble de plus en plus à une affaire d’État ».

Est survenue ensuite l'affaire Bolduc, qui en raison d'une très mauvaise gestion, s'est trouvée à rejaillir sur les trois médecins du gouvernement dont le premier ministre lui-même, et qui a motivé l'ancien ministre Libéral de la Santé et « père » de l'assurance maladie, Claude Castonguay, à intervenir auprès de Philippe Couillard pour qu'il sévisse contre Bolduc pour son abus grossier du système lorsqu'il avait demandé et obtenu une prime pour reprendre du service comme médecin alors qu'il siégeait dans l'opposition. L'intervention grossière et tapageuse du ministre actuel de la Santé, Gaétan Barrette, à la défense de son confrère médecin et collègue ministre Bolduc a mis le feu aux poudres et leur a valu une autre salve médiatisée de Claude Castonguay.

Nos trois médecins se sont trouvés bien malgré eux à faire la démonstration du caractère distinct du Québec. En effet, dans toute juridiction de tradition parlementaire britannique, les actes qu'ils ont posé leur auraient valu l'obligation de démissionner après l'apostrophe suivante en chambre par l'opposition «  Will the gentleman from [nom du comté] do the honorable thing and resign? » Dans la même foulée, ils nous ont aussi démontré qu'ils sont tout sauf honorables.

Au retour des vacances d'été, le gouvernement Couillard a multiplié les gaffes. Bolduc s'est mis les pieds dans les plats trois fois plutôt qu'une avec ses commentaires sur l'inutilité des livres et des commissions scolaires, de même qu'avec son traitement du dossier des écoles illégales hassidiques dans lequel il s'est carrément dépassé en effectuant un virage à 180 degrés. Après avoir déclaré pour une fois quelque chose de très sensé et de presque révolutionnaire dans la bouche d'un Libéral, « La loi s'applique à tout le monde », il s'est ravisé pour perpétuer le régime d'exception, minant encore davantage la légitimité du gouvernement.

Puis, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, est passé à l'avant-scène pour renégocier à la baisse avec les médecins spécialistes les ententes qu'il avait lui-même signées au nom des médecins spécialistes lorsqu'il les représentait. On n'a pas su si les médecins spécialistes avaient obtenu en retour la prime de 2 millions $ qu'ils lui avaient versé pour son succès dans ces négociations au moment de son départ de la FMSQ. Quant aux médecins généralistes, il a trouvé le moyen de se les aliéner en mettant de l'avant des mesures coercitives qui évoquent les erreurs et les abus survenus en Europe, notamment au Royaume-Uni et en Italie, lors de l'introduction des régimes publics de santé à la fin des années 1940 et au début des années 1950, avec le paiement par capitation.

En sa qualité de premier ministre, Philippe Couillard a commis lui aussi sa bonne part de gaffes qui ont affecté sa crédibilité personnelle et sa légitimité comme chef de gouvernement du Québec, tout d'abord en défendant l'indéfendable à chaque fois qu'il s'est porté à la défense de ses ministres qui venaient de gaffer, et en prenant à la légère des positions en totale rupture avec les positions de ses prédécesseurs tant du PLQ que du PQ, sans mandat clair de la population pour ce faire, que ce soit sur le plan de la Constitution en se déclarant prêt à signer le torchon de 1982, en utilisant exclusivement l'anglais lors d'un voyage officiel en Islande, ou en se soumettant sans discussion à la position du gouvernement Harper et de l'Alberta dans le dossier des pipe-lines, au nom de l'obligation créée au Québec du fait des paiements de péréquation qu'il reçoit (!).

En outre, rarement un gouvernement est-il parvenu à susciter aussi vite l'antagonisme de toutes ses clientèles, et même de ses alliés. Qu'on pense aux municipalités, aux commissions scolaires et aux Centres locaux de développement (CLD). Qui plus est, dans ce dernier cas, il a agi avec une légèreté qui témoigne d'une méconnaissance complète de la dynamique du développement régional.

Le vase déborde

C'est finalement sur la question de l'austérité que le vase de l'illégitimité a commencé à déborder. Sous le prétexte, d'autant plus fallacieux qu'il est fortement exagéré, de redresser les finances publiques obérées par un endettement excessif, le gouvernement Couillard, sous la direction du ministre Martin Coiteux, a lancé le Québec dans un exercice de coupures budgétaires au plus mauvais moment possible, alors même que l'économie mondiale, qui ne s'est même pas remise de la crise de 2008, s'enfonce dans un marasme que plusieurs n'hésitent plus à qualifier de dépression.

L'économie québécoise ne fonctionne pas en vase clos, et elle est tributaire des autres. De plus, sans être reluisante, sa situation en matière d'endettement et de maîtrise des déficits se compare très avantageusement à celle de nombreux pays, y compris les plus grands. Imposer au Québec des mesures d'austérité comme le fait le gouvernement Couillard dans le contexte économique international et national actuel est carrément suicidaire et ne s'explique que par la soumission à une idéologie complètement étrangère à l'expérience historique du Québec, au service d'intérêts privés bien connus qui n'attendent que le moment venu pour mettre la main au plus bas prix possible sur les actifs les plus juteux du Québec. C'est l'expérience de la privatisation des actifs nationaux qu'ont connu des pays comme la France et le Royaume-Uni, pour ne prendre l'exemple que de ceux qui nous sont les plus familiers.

Le premier ministre Couillard et son ministre Coiteux ne font d'ailleurs pas mystère de leur engouement pour la thèse mise de l'avant par John Micklethwait et Adrian Wooldridge, deux journalistes du magazine britannique The Economist, dans leur ouvrage intitulé « The Fourth Revolution ». Leur idée est de réduire la taille de l'État pour « redynamiser » l'économie en privilégiant la liberté d'agir des acteurs économiques, la pierre d'assise du néo-libéralisme.

Or nous découvrons-nous aujourd'hui avec la mondialisation les conséquences néfastes de cette idéologie. Comme l'écrivaient les économistes Bernard Maris (parmi les victimes de l'attentat contre le magazine Charlie Hebdo survenu aujourd'hui à Paris aujourd'hui) et Gilles Dostaler (professeur à l'UQAM décédé en 2011) dans leur ouvrage « Capitalisme et pulsion de mort » paru en 2009, « Ce que nous croyions être la mondialisation heureuse n'était que la démesure de l'argent fou et de sa pulsion destructrice. »

Dans un ouvrage intitulé « The Entrepreneurial State » paru en 2011 qui prend résolument le contre-pied de The Fourth Revolution, l'économiste américaine Mariana Mazzucato fait la démonstration, validée par une impressionnante liste de témoignages parmi les plus autorisés (le Financial Times, Bloomberg, et même The Economist, etc.) que l'État a un rôle déterminant à jouer dans les économies et qu'il est en mesure d'avoir une très forte influence sur la création de richesse collective. De quoi fournir de solides arguments aux défenseurs du modèle québécois.

Couillard et Coiteux se trouvent donc à privilégier une thèse plutôt qu'une autre pour modifier de façon durable les choix économiques du Québec au nom de l'austérité, sans mandat véritable pour ce faire, donc sans légitimité, autre que les « bons conseils » d'Alain Dubuc de La Presse qui, s'imaginant sans doute paver la voie au gouvernement, dénonçait en octobre dernier « le mythe du modèle Québécois » pour être aussitôt repris en écho par son collègue Yves Boisvert dans sa chronique du Globe and Mail « A happy society, but not necessarily distinct » . La parution simultanée de ces deux articles nous fournit assurément le meilleur exemple de tentative de contrôle de la narration politique qui nous ait jamais été donné d'observer. Le fait que ce soit pour nier le caractère distinct du Québec tant au Québec-même que dans le reste du Canada ajoute au procédé une petite touche de trahison que les lecteurs de Vigile sauront sûrement apprécier à sa juste valeur.

Le PLQ est devenu une succursale du Parti Républicain américain

En fait, sous Philippe Couillard, le PLQ a renié ses origines libérales pour devenir une succursale du Parti Conservateur de Stephen Harper, comme en témoignent d'ailleurs l'étroitesse des liens et la communauté de pensée entre Harper et Couillard. Or l'ancien diplomate canadien Peter Dale Scott, naturalisé américain, professeur à l'Université Berkeley en Californie et fils de l'ancien doyen Frank Scott (ami de Pierre-Elliott Trudeau) de la Faculté de droit de l'université McGill, révélait récemment le contenu d'un cable Wikileaks selon lequel Stephen Harper devait son élection au travail de l'International Republican Institute, une créature de la CIA et une filiale du National Endowment for Democracy, dans le cadre de leur programme de « party renovation ».

Cette information explique en grande partie le virage radical à droite du PLQ, largement à l'insu de ses propres membres qui n'ont jamais été consultés à ce sujet. Connaissant la sincérité des convictions de certains d'entre eux, je doute qu'ils seront heureux d'apprendre que leur parti est devenu la succursale québécoise du Parti républicain des États-Unis.

Quoiqu'il en soit, les Québécois ne sont pas dupes et ils ont parfaitement compris la menace que les mesures d'austérité font courir non seulement à leur portefeuille, mais aussi au modèle québécois qui constitue une garantie de leur spécificité. Voyant le risque de dérapage, André Pratte de La Presse a immédiatement tenté de colmater la brèche dans un éditorial qui se voulait rassurant  :

« Le gouvernement Couillard se situe donc dans la continuité des gouvernements précédents, péquistes et libéraux. On peut parier sans risque qu'à l'issue des années Couillard, le modèle québécois sera toujours là. »

Mais si c'est un mythe, c'est donc qu'il n'existe pas. Comment pourrait-il être encore là s'il n'existe pas ?

Un référendum sur l'austérité ?

Avec des amis comme La Presse et ses propriétaires, le gouvernement Couillard se trouve bien mal en point. Et c'est d'autant plus vrai depuis qu'André Pratte s'est mis dans la tête que la tenue d'un référendum sur l'austérité pourrait constituer un bon moyen de dénouer l'impasse.

Notons tout d'abord que la situation doit être diablement grave pour que La Presse en soit réduite à recommander la tenue d'un référendum. Un référendum, ça divise, non ?
Au delà de cette contradiction presque puérile, Pratte se trouve à reconnaître avec sa suggestion que le gouvernement n'a pas la légitimité requise pour mettre son programme en œuvre. Et il admet surtout que l'important pour les intérêts qu'il représente n'est pas tant de perdre un référendum que de ne pas perdre le pouvoir. Les enjeux sont trop importants et Couillard est leur homme, leur pantin, leur fantoche. C'est sans doute le pire aveu qu'il pouvait faire.

Enfin, il oublie fort opportunément pour son camp que le moyen pour un gouvernement de se donner la légitimité requise pour mettre en œuvre un programme aussi radical que celui qu'il propose, c'est d'aller en élections générales. C'est ce qu'avait fait Jean Lesage en 1962 pour procéder à la nationalisation de l'électricité sur le thème « Maîtres chez nous ».

Se poserait évidemment le problème du thème de la campagne. « Locataires chez nous »? « Serviteurs chez nous »? « Évincés de chez nous »? …

Rarement n'a-t-on senti un tel flottement au pouvoir à Québec, et ce flottement constitue un autre signe de l'absence de légitimité du gouvernement actuel et de la totale incompétence de Philippe Couillard à exercer les fonctions de premier ministre.

Occuper de telles fonctions sans avoir la capacité requise pour les exercer, à la solde d'intérêts autres que ceux de ses commettants, c'est les usurper ! C'est un usurpateur à la tête d'un gouvernement d'usurpateurs. Il faut renverser le gouvernement Couillard à la première occasion. Il conduit le Québec et les Québécois à leur perte sur tous les plans.


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