Le Parti Québécois a procédé à un changement de cap majeur, lors de son dernier Conseil national. Pauline Marois a ciblé, comme adversaire principal, le gouvernement Harper, reléguant Jean Charest et François Legault au rang de sous-fifres, remettant ainsi la question de la souveraineté à l’avant-scène.
Dans les deux discours prononcés à cette occasion, la chef du Parti Québécois a également renoué avec l’héritage social-démocrate du parti et ses préoccupations sociales.
Le virage à 180 degrés est passé relativement inaperçu, les reportages des médias ayant surtout porté sur le leadership et sur certaines propositions débattues par les délégués, comme le vote à 16 ans, les transfuges politiques et les référendums d’initiative populaire.
Changement de stratégie
Jusqu’à tout récemment, le cœur de la stratégie péquiste était de courtiser l’électorat adéquiste pour faire des gains électoraux dans la région de Québec et de Chaudières-Appalaches, en prenant pour acquis l’électorat plus progressiste. Le discours politique était à l’avenant, avec une insistance sur la réduction du rôle de l’État et un accent mis sur l’enrichissement individuel.
La présentation d’un projet de loi privé pour empêcher toute contestation légale du contrat de l’amphithéâtre de Québec était de la même eau.
Les résultats ont été probants : crise majeure avec des défections et chute drastique du PQ dans les sondages, particulièrement dans les régions ciblées, soit celles de la Capitale nationale et de la Beauce, où la Coalition Sirois-Legault domine aujourd’hui.
Ce faisant, la base syndicale et populaire du Parti Québécois s’est effritée, grugée par Québec solidaire.
Depuis déjà un bon moment, nombreux étaient ceux qui craignaient, à moins d’un redressement radical, la disparition même du Parti Québécois.
Les deux discours prononcés par Mme Marois, à l’ouverture et à la clôture du Conseil national, semblent indiquer que le Parti Québécois est un train d’opérer ce tournant majeur.
La cible : Ottawa !
Au cours des dernières années, une certaine « division du travail » avait cours entre le Bloc et le Parti Québécois. Le Bloc s’occupait des dossiers relevant du gouvernement fédéral et le PQ des dossiers de l’Assemblée nationale, avec pour conséquence de cantonner ce dernier dans une approche « provincialiste ».
La quasi-disparition du Bloc oblige le PQ à s’occuper des « affaires canadiennes », avec pour effet de remettre à l’avant-scène la question de la souveraineté – plus populaire (43% pour le Oui) que le PQ (25% d’intentions de vote).
Les discours de Mme Marois, en fin de semaine dernière, en témoignent. « Nous sommes aux prises, a-t-elle déclaré, avec le gouvernement fédéral le plus dévastateur pour le Québec depuis celui de Trudeau. Tout est en train d’y passer. Il s’attaque à nos valeurs, à nos intérêts, à nos finances. Le véritable adversaire du Québec est à Ottawa : c’est le gouvernement conservateur de Stephen Harper! »
Des choix clairs !
Mme Marois a donné trois exemples concrets de cette opposition entre les intérêts du Québec et ceux du gouvernement Harper.
Dénonçant la hausse des droits de scolarité de 3 795 $ par enfant – qualifiée d’« insupportable pour la classe moyenne » – et les 500 à 600 millions $ nécessaires pour la construction de nouvelles prisons, conséquence de l’adoption de la loi C-10, Mme Marois a posé crûment le choix auquel sont confrontés les Québécois : l’éducation ou les prisons! « Le choix du Canada de Stephen Harper est clair : ce sont les prisons. Et bien nous, au Québec, c’est l’éducation! ».
Après avoir rappelé que les Québécois ont envoyé, l’an dernier, 46 milliards $ en taxes et impôts à Ottawa, soit 14 000 $ par famille, la chef du Parti Québécois a mis en lumière les choix budgétaires du gouvernement Harper. D’une part 10 milliards $ pour l’auto en Ontario, 33 milliards $ pour les bateaux de guerre et 30 milliards $ pour des avions de chasse; de l’autre, des compressions dans les transferts pour la santé et dans les pensions de vieillesse. Encore une fois, le choix est clair, selon Mme Marois : « M. Harper a choisi ses escadrilles. Nous, on choisit les familles! »
Avec un Harper qui réinstaure la royauté, Mme Marois n’allait pas rater une si belle occasion. « Ce n’est pas la Reine qui a bâti le Québec, ce sont nos aînés. M. Harper choisit de dépenser notre argent pour s’occuper de la royauté. Nous, on s’occupe de nos aînés! »
L’indépendance énergétique
Dernièrement, lors de la réunion des premiers ministres des provinces sur la santé, le premier ministre Charest a décrié le geste unilatéral du gouvernement Harper en déclarant : « Il y a deux économies au Canada. Celle du pétrole, du gaz et de la potasse, et le reste du pays ». Une affirmation juste, mais dont il ne tire aucune leçon pratique.
Mme Marois a abordé ainsi la question : « Nos intérêts économiques nous dictent de réduire nos importations de pétrole. La menace économique la plus grave qui plane sur nos têtes, c’est le déficit commercial du Québec. En 2010, il a atteint 24 milliards de dollars. C’est énorme, c’est 66 millions de dollars qui sortent du Québec à chaque jour. Des millions qui ne sont pas investis chez nous, dans nos régions, pour créer des emplois pour notre monde. Une grande partie de ce déficit est imputable à nos importations de pétrole. Or, nous sommes pris dans un Canada en train de se transformer en État pétrolier. Le Québec se doit d’aller dans la direction exactement contraire. Notre avenir, ce n’est pas le pétrole bitumineux, c’est l’indépendance énergétique! »
Dans son discours de clôture, elle est revenue sur le sujet avec cette déclaration choc : « Il faut libérer l’économie québécoise du pétrole. Libérer les Québécois des pétrolières. Et libérer le Québec du Canada! »
Elle a indiqué une des clefs de cette libération : « Il nous faut des transports en commun efficaces, performants. Nous sommes justement des leaders mondiaux en transport. Rien ne nous empêche de construire des autobus, des trains, des métros, des camions et des voitures roulant avec l’énergie propre au Québec : l’électricité. Si on s’en donne les moyens, nous pouvons électrifier nos transports et faire du Québec un des endroits les plus verts et les plus prospères en Amérique! »
Justice sociale et économique
Cette « deuxième Révolution tranquille », comme la qualifie l’environnementaliste Daniel Breton, présenté par Mme Marois, lors du Conseil national, comme un futur candidat du Parti Québécois, est en soi une stratégie industrielle créatrice d’emplois, une nécessité alors que 140 travailleurs par jour perdent présentement leur emploi, comme l’a souligné la chef du Parti Québécois.
Pauline Marois a également dénoncé l’injustice fiscale des politiques libérales. « Jean Charest a décidé d’imposer une taxe santé de 200 dollars aux Québécois, sans égard à leur revenu. La justice économique nous dicte d’agir à l’opposé. Chacun doit contribuer selon ses moyens. »
Toujours à propos de la santé, François Legault était aussi dans son collimateur : « En santé, la seule solution de François Legault, c’est d’augmenter le salaire des médecins. Il veut leur donner 500 millions $ de plus par année. Nous faisons un choix différent. Nous voulons investir dans les soins à domicile, pour soulager les proches aidants et mieux s’occuper de nos aînés, qui pourront vieillir chez eux. »
Voilà des choix qu’endosse le Dr Réjean Hébert, présenté au Conseil national comme futur candidat du Parti Québécois. Cet ancien doyen de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, qui a été candidat dans la circonscription de St-François lors de la dernière élection, est un des plus ardents défenseurs d’un système de santé public.
Au Conseil national, Mme Marois est intervenue sur les dossiers des fermetures d’usines – particulièrement dans le cas des entreprises d’électroménagers Mabe de Montréal-Est et de l’usine White Birch à Québec. Une résolution d’urgence en appui aux lockoutés de Rio Tinto Alcan, présenté par le député Alexandre Cloutier, a été adoptée à l’unanimité.
De façon plus globale, Mme Marois a renoué avec un discours pro-travailleur, absent depuis de nombreuses années des délibérations lors des instances du Parti Québécois.
Elle a déclaré : « Il y a un autre débat fondamental sur lequel nous devrons nous pencher davantage. Toutes ces travailleuses, tous ces travailleurs qui perdent leur emploi. Tous ceux qui font face à des employeurs qui ne respectent pas leurs droits, comme on l’a vu à l’usine de papier White Birch à Québec. Les travailleurs âgés qui perdent leur fonds de retraite en tout ou en partie. Nous devons penser à eux et trouver des solutions. Au Parti Québécois, nous sommes au service des gens, des gens qui travaillent fort pour gagner leur vie et s’occuper de leur famille. Vous pouvez compter sur nous : nous ne laisserons pas tomber les travailleurs! »
Voilà qui est bien dit! Voilà un discours qui réjouit tous les syndicalistes et les progressistes! Nous jugerons maintenant l’arbre à ses fruits !
Photo : Jacques Nadeau - Ledevoir.com
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé