Le gouvernement Harper a persisté, et signé. Dans une provocation pouvant être qualifiée d'inutile et d'inappropriée dans le contexte économique actuel, le ministre Flaherty a fait une mesure budgétaire de son intention d'imposer une agence unique de réglementation en valeurs mobilières. Un projet de loi sera déposé dans l'année, auquel s'opposeront le NPD et le Bloc québécois. Que fera Michael Ignatieff?
Déchirés entre leurs intérêts politiques ontariens et québécois, et désireux de ménager les susceptibilités dans l'Ouest, les libéraux fédéraux n'ont jamais placé le dossier de l'agence pancanadienne de réglementation en valeurs mobilières au premier plan dans leur programme. Se positionnant en faveur de Bay Street et de l'agence unique, les libéraux, au pouvoir, trouvaient toujours d'autres dossiers plus prioritaires à traiter, laissant celui de la centralisation de la réglementation des valeurs mobilières flotter au rythme des études partisanes commandées pour en vanter les mérites. Cette fois, le gouvernement Harper va loin en court-circuitant les champs de compétences de chacun et en faisant fi de l'opposition des provinces de l'Ouest et du Québec pour imposer son modèle d'agence unique. Le prochain chef libéral devra trancher.
Le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, en a fait une mesure budgétaire. Un projet de loi visant la mise sur pied d'une agence canadienne se proposant en solution de rechange aux agences provinciales sera déposé cette année. Une enveloppe de 154 millions a été retenue à cet effet. Ce modèle d'agence unique étant rejeté tant par les provinces de l'Ouest que par le Québec, pour des raisons de coûts et d'efficacité davantage que de compétences, le Bloc québécois et le NPD voteront contre. Selon la position que prendra Michael Ignatieff, la provocation du gouvernement conservateur pourrait s'arrêter là.
L'attaché de presse du chef libéral, Jean-François Del Torchio, a rappelé hier la position officielle de son patron. Le thème de l'agence unique n'est pas une priorité dans la conjoncture actuelle, dominée par la crise économique et financière. Des choses plus importantes doivent être faites. Le cas échéant, M. Ignatieff travaillera en collaboration avec les provinces, se refusant de faire jouer les provinces l'une contre l'autre. Il dénonce la façon de faire unilatérale du gouvernement Harper, qui consiste à imposer un modèle centralisé.
La question lui a été posée lors d'un récent déjeuner privé organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Selon des sources composant l'auditoire de quelque 80 convives présents lors de cette rencontre privée, M. Ignatieff se serait dit à l'aise avec la structure actuelle, voire favorable à celle-ci. Cette structure, à laquelle l'Ontario refuse d'adhérer, favorise une harmonisation décentralisée, dans le respect des champs de compétences mais également des intérêts, des spécialités et des expertises de chaque province. Un système que d'aucuns (sauf à Ottawa et à Bay Street) considèrent comme efficace pour la protection des épargnants et investisseurs et moins coûteux pour les émetteurs, surtout les émetteurs de taille petite et moyenne. Pour les émetteurs, cette structure s'articule également autour du système de passeport, qui lui permet de faire des affaires uniquement avec l'autorité des valeurs mobilières de sa juridiction.
Jean-François Del Torchio n'a pas voulu confirmer une telle réponse de la part de son chef. Selon une collègue présente lors de cette rencontre privée, M. Ignatieff n'aurait pas été aussi catégorique. Il s'en serait tenu à sa réponse officielle, a dit le porte-parole. «Ça n'a pas été oui ou non.» Après tout, qui sait, peut-être que M. Ignatieff se serait dit favorable à l'agence unique s'il s'était présenté à un déjeuner des gens d'affaires de Toronto. Son attaché de presse rappelle que le chef libéral a exprimé sa position lors de sa rencontre avec les dirigeants du syndicat FTQ. Et que ce sujet a dû être abordé lors d'une rencontre avec Jean Charest avant Noël.
Si le projet de loi du ministre Flaherty est déposé, les provinces opposées à ce coup de force entendent prendre le chemin des tribunaux afin de faire respecter leur compétence en matière de valeurs mobilières. Parions qu'elles n'auront pas à aller jusque-là.
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