Commission unique des valeurs mobilières

Une agence sans siège social

Le Bureau de transition se défend de proposer une structure décentralisée pour calmer le Québec, l'Alberta et le Manitoba

AMF - Québec inc. VS Toronto inc.

François Desjardins - La commission fédérale des valeurs mobilières que veut créer le gouvernement Harper n'aura pas de siège social à Toronto mais des bureaux locaux dans chacune des provinces, indique le plan dévoilé hier par l'équipe chargée de piloter sa mise en marche, prévue en juillet 2012. Certains bureaux pourraient toutefois jouer un rôle clé.
La direction du Bureau de transition canadien en valeurs mobilières, qui a le mandat de tracer la marche à suivre, s'est défendue d'avoir choisi cette structure uniquement dans le but de calmer les provinces encore récalcitrantes que sont le Québec, l'Alberta et le Manitoba.
«Ce n'était pas le but. Ce que nous avons tenté de faire, c'est d'avoir une structure efficace. Et dans le processus, il se trouve que ça touche à l'angoisse exprimée par certaines provinces qui craignent une perte de leur expertise locale», a dit lors d'un entretien le vice-président du Bureau, Bryan Davies.
«Nous ne croyons pas que ce serait une bonne idée de tout centraliser», a ajouté M. Davies.
Cependant, le «plan de transition» indique clairement que «certains bureaux pourraient assumer de nouvelles fonctions pour refléter le mandat élargi» de la commission, notamment par rapport aux enquêtes criminelles. «De plus, certains bureaux locaux joueront des rôles de soutien à l'échelle nationale pour générer des économies d'échelle, traiter la surcharge de travail et offrir des capacités de sauvegarde.»
Une attachée de presse du ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a indiqué que ce dernier ne souhaitait pas faire de commentaires pour l'instant.
Le projet fédéral, qui emprunterait d'abord la réglementation déjà en place, vise essentiellement à créer un régime pancanadien auquel les provinces peuvent adhérer sur une base volontaire. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a présenté le projet de loi en mai puis l'a immédiatement soumis à la Cour suprême pour un avis constitutionnel.
Le projet porte entre autres sur la création d'un comité d'investisseurs et d'un tribunal pancanadien. Les causes de nature criminelle continueraient toutefois d'être entendues par les tribunaux compétents déjà en place.
Envahir un champ de compétence
En vertu de l'article 92.13 de la Constitution, qui porte sur «la propriété et les droits civils», les valeurs mobilières sont de compétence provinciale. Cependant, Ottawa plaide que l'article 91.2, qui lui donne la responsabilité du «trafic et du commerce», devrait aussi englober les valeurs mobilières.
La Cour suprême doit entendre les arguments d'Ottawa et des provinces en avril 2011. Le Bureau de transition croit que le Parlement pourrait faire adopter sa loi en décembre 2011 et que l'Autorité canadienne de réglementation des valeurs mobilières — son nom officiel — pourrait démarrer en juillet 2012.
Dans un communiqué, le ministre Flaherty a insisté sur l'importance d'une transition «sans heurts, tant pour les professionnels que pour les investisseurs».
De son côté, le gouvernement Charest a demandé à la Cour d'appel du Québec de se prononcer sur la faisabilité constitutionnelle du projet fédéral. Cette cause, à laquelle participeront notamment des avocats fédéraux, sera entendue en janvier 2011.
L'Autorité des marchés financiers (AMF), qui assure l'encadrement de l'industrie au Québec, a déjà fait valoir que la création d'une agence fédérale et la mise sur pied d'un siège à Toronto — comme le souhaite l'Ontario — auraient des conséquences désastreuses pour le milieu financier du Québec. Lors d'une entrevue au Devoir en mai, le p.-d.g. de l'AMF, Jean St-Gelais, avait dit que l'organisation ne voulait pas devenir «un gros bureau régional qui fait du "rubber-stamping"».
Les promoteurs d'un régime pancanadien font valoir qu'il serait plus efficace que l'actuel système décentralisé. Ses détracteurs répondent que le système canadien se classe déjà très bien à l'échelle mondiale.
Lundi, un attaché de presse du ministre des Finances de l'Ontario, Dwight Duncan, a dit que les libéraux de Queen's Park appuient le projet Flaherty «en principe». «Je pense que nous pouvons encore faire valoir les mérites de Toronto», a dit le porte-parole.
En mai, toutefois, le premier ministre Stephen Harper lui-même avait exprimé un doute sur les visées ontariennes. «Comme Albertain, je n'ai aucune envie de voir ce secteur se concentrer à Toronto», avait-il dit à la Chambre des communes.


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