Valeurs mobilières

À la déchiqueteuse!

AMF - Québec inc. VS Toronto inc.



Le gouvernement conservateur voulait connaître l'opinion de la Cour suprême au sujet de son projet de loi créant une commission nationale des valeurs mobilières? La voici: «Dans sa forme actuelle», ce projet de loi empiète à ce point sur les compétences des provinces qu'il en devient inconstitutionnel. Vaut-il la peine de le réécrire? Notre réponse est clairement non!
Depuis longtemps, les gouvernements qui se succèdent à Ottawa rêvent d'une plus forte concentration de leur capacité d'intervention dans l'économie du pays. Même le gouvernement conservateur, pourtant convaincu de l'importance de laisser les provinces occuper leurs champs de compétences, est de cet avis. Ce qui explique qu'il se soit facilement laissé convaincre par le lobby de l'industrie et le gouvernement de l'Ontario de la nécessité de créer une autorité unique de régulation des marchés financiers.
Or, après deux cuisantes défaites devant les tribunaux du Québec et de l'Alberta, voilà que son projet vient de subir le même sort en Cour suprême.
Pour l'essentiel, les trois tribunaux ont jugé que le projet fédéral empiétait sur la compétence des provinces en matière de «propriété et de droits civils». C'est même à l'unanimité que les neuf juges de la Cour suprême ont rejeté l'argumentation d'Ottawa selon laquelle son propre pouvoir de légiférer en matière «de trafic et de commerce» l'autorisait à agir dans l'intérêt supérieur du pays.
Pour la Cour, même en reconnaissant que l'importance du marché des valeurs mobilières «pourrait justifier une intervention fédérale différente de celle des provinces», cela ne suffit pas pour procéder à «la supplantation intégrale de la réglementation provinciale en vigueur».
La Cour ne conteste donc pas le droit d'Ottawa d'intervenir dans des domaines de compétence provinciale. Pourvu cependant qu'il fasse la démonstration irréfutable que cela est indispensable et ne constitue pas une simple substitution des mécanismes existants. Surtout si ces derniers fonctionnent plutôt bien, pourrions-nous ajouter, ce qui est le cas du système de «passeport» mis en place par les provinces, comme plusieurs études ont démontré.
Cette opinion met donc un terme à cinq années d'efforts pour tasser les provinces au nom d'une certaine vision du fédéralisme économique «efficace». Si Ottawa tient tant à «prévenir les risques systémiques» d'une crise qui serait liée à la fragmentation de l'autorité des marchés, il devrait «coopérer» avec les provinces au lieu de leur imposer sa solution, suggère la Cour.
Soit. Mais s'il faisait preuve de sincérité, ce même gouvernement admettrait que ce qu'il visait, ce n'était pas d'éviter une hypothétique crise du système, mais de répondre aux attentes des grands joueurs de l'industrie, sans se soucier de la Constitution et encore moins des conséquences sur l'économie d'une ville comme Montréal.
Voilà pourquoi il est peu probable qu'Ottawa revienne à la charge avec un projet édulcoré. Voilà aussi pourquoi l'Ontario, qui a fait bande à part dans l'espoir de gagner à la loterie judiciaire, devrait maintenant se rallier au système de passeport adopté par les autres provinces.


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