Le dernier sondage montre que le parti Libéral coiffe le parti Conservateur de trois points. Ce n’est pas encore une avance confortable mais le bulletin de nouvelles nous a montré les libéraux passablement allègres en fin de semaine. La montée s’effectue aussi au Québec où le parti Libéral est quatre points en arrière du Bloc Québécois.
Si les coffres se remplissent et que le contexte semble favorable à ce parti, Ignatieff songera à défaire le gouvernement. Ce n’est pas très charmant de s’emparer du gouvernement dans un temps de récession mais un tien vaut mieux que deux tu l’auras.
L’ignatieffomanie comme bien des grands climats émotifs collectifs autour d’un personnage ne se fonde pas sur des faits empiriques. Nous nous sommes forgés une bonne expérience là-dessus. Nous avons vu Trudeau flatter la fibre nationaliste des Québécois qui tiraient leur fierté de voir un gars à patronyme français défendre une organisation idéale du Canada.
Comme les sondages évoquent le spectre d’un autre gouvernement minoritaire, le parti Libéral voudrait remettre le Québec entre ses pattes. Ce n’est pas qu’Ignatieff ait des désirs ou des voeux si différents à proposer que ne le faisait Stéphane Dion ou Jean Chrétien par rapport au Québec. Seulement, l’ouest canadien est conservateur jusqu’au bout des ongles alors que le Québec, avec son contingent de nationalistes mous et son bloc acquis au parti Libéral, est plutôt du genre indéterminé. En fait, le parti Libéral sait que le Québec est une contrée manipulable.
La stratégie a donc été mise sur pied sans tracas. Au lieu de parler de demandes du Québec ou de conditions d’adhésion du Québec à la fédération, Ignatieff est allé consulter directement les élus locaux. Il s’est dit préoccupé de la décrépitude du pont Champlain. Les maires bien contents y ont vu la promesse d’une décentralisation, plus de pouvoir, plus d’argent pour les paliers gouvernementaux. Avec Ignatieff, c’est le citoyen canadien réel, vivant sur le terrain québécois qui va dire au fédéral à quoi prêter attention. Power to the people! Ignatieff nous montre que le Fédéral n’a pas besoin d’intermédiaires et qu’il peut aller directement à la rencontre du peuple.
Ignatieff ne parle jamais de la nation québécoise. Il est plus prudent de laisser ses lieutenants en arrière, Rodriguez et Denis Coderre, rappeler sans arrêt qu’Ignatieff n’était pas contre son évocation à la Chambre des Communes et que cela lui a même valu la chefferie dans un premier temps. Un courage à la Jeanne d’Arc.
Pourquoi Ignatieff n’en parle-t-il pas lui-même ? Parce qu’il ne veut pas préciser quelle idée juste il faut se faire de l’implication entourant la nation québécoise. La vérité d’ailleurs ne peut être comprise que si on se place sur les positions du fédéralisme canadien.
Dans son discours dans l’amphithéâtre rempli de libéraux, Ignatieff s’est borné à dire aux Québécois qu’il faut avoir une pensée créatrice. Si on n’est pas libre d’appartenir au Canada et de déterminer notre marge d’émancipation, ce pays nous possède bien, on est libre de déclarer une fidélité première au Québec, si on veut. Dans l’intimité de notre foyer cependant, car ce n’est là que la liberté de nourrir des sentiments sur notre appartenance au Canada, rien qui annonce un changement dans la vie publique. Comme vision du fédéralisme, les libéraux peuvent écouter Ignatieff tranquilles, eux qui s’inquiètent tellement de la pureté de l’isme dans leur congrès.
Selon la nouvelle de la fin de semaine, Michael Ignatieff tend la main au Québec. Si on y regarde plus près, Michael Ignatieff n’a pas l’intention de dépasser les prémices trompeuses qui ont été au principe même du parti qu’il dirige. La nouvelle du bulletin de Radio-Canada nous montrait des militants assurant que le « Québec est en amour avec Ignatieff ».
Les militants au micro nous ont dit que le rejet du Québec est le fait de certains fédéralistes et non du fédéralisme canadien lui-même. On nous dira que les blocages diminuent ou grandissent à chaque changement de personnes et qu’il ne faut jamais arrêter son jugement à propos des impasses s’il y a apparence d’impasse. Ignatieff arrive, gardons le sourire. Le Québec n’aura même plus besoin d’être dans l’opposition comme du temps du Bloc.
Arrive un moment où les obstacles sont moindres que ceux d’hier si on fait les bons choix de personnes. Envoyez des Québécois à Ottawa être avec Ignatieff, le message est lancé sans qu’on en étudie le contenu. Ignatieff nous dit que le fédéralisme a des règles et que ces règles ne se changent pas en cours de route. Chemin faisant, il réaffirme les règles édictées et veut juste les faire apparaître comme la garantie que nous ne serons pas traités arbitrairement. Ses lieutenants Coderre et Rodriguez ont tous deux, comme si cela expliquait ou ajoutait du nouveau, déclaré qu’il ne fallait pas avoir peur de faire sa place au Canada.
Nous y voilà. Il ne faut pas craindre la diversité et accorder pleine confiance dans nos moyens de faire notre place au Canada. Un très long détour pour nous resservir du réchauffé tout droit sorti du règne de Trudeau.
Un nouvel acteur, Ignatieff, surgi du jet set londonien pour nous donner un cours dont nous connaissons par coeur la formulation. Le gouvernement fédéral ne peut pas s’éloigner de l’unité et des formules universalisables. L’idée de durée implique celle d’identité mais l’identité, raconte le catéchisme fédéraliste, tient, au Canada, dans sa structure et ses règles édictées concernant la province de Québec.
Rodriguez, Coderre et les autres libéraux ne s’en formaliseront pas. Pour eux, que le Québec soit une province annexée, cela compte déjà parmi les questions rapidement dépassées. Ce sera de plus en plus en de l’ordre des bagatelles historiques car nous évoluons dans un Canada économique et un monde en métamorphose.
Pas de quoi s’en faire, dira le militant libéral émerveillé. Le Canada n’est jamais un jour ce qu’il a été la veille et cela, sur tant de points, la culture, la mode, les connaissances, les industries. Si le Produit Intérieur Brut du Québec grossit, sa stature grossira aussi. Il sera, de fait, plus puissant sans avoir à outrepasser sa condition statutaire de province annexée par les neuf autres provinces et dominé par le Fédéral.
Avec Ignatieff, on remet la question du Québec en perspective dans la bonne vieille tradition du parti Libéral.
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
29 mars 2009Et méfions-nous, il nous reviendra avec la « dualité canadienne » qui a tant servi les fédéraux libéraux et les souverainistes mous.
Les libéraux ont toujours été spécialistes de la division et quand ça force trop, ils nous présentent un petit suçon. Et voilà les Québécois calmés et satisfaits pour un temps.
Au moins avec Harper, nous savons à quelle enseigne il se loge : il aime le Canada, son pays et il le défend. Et c'est son droit. Quant aux libéraux, ils jouent toujours avec la dualité canadienne.
Marie Mance Vallée
Michel Guay Répondre
24 mars 2009Ignatieff a appuyé l'invasion de l'Irak en 2003. Dans un article de la New York Times, The Burden (le fardeau), il parle du poids qui pèse sur les États-Unis d’imposer par la force leur vision de la démocratie sur le reste du monde.
Il est contre le Protocole de Kyoto. Ses propos sur la torture sont considerés ambigus. Ses propos sur le bombardement de Cana en juillet 2006 sont contradictoires.(crédibilité? [3])
Dans son essai sur les nationalismes, Blood and Belonging: Journeys into the New Nationalism (1993), qui est sans doute son œuvre la plus connue, il décrit le nationalisme québécois comme un risque pour la démocratie, une opinion qu'il dit avoir révisée depuis. Source : [2] Bio sur Radio-Canada
Michel Guay Répondre
24 mars 2009Effectivementnous avons affaire à un nouveau Trudeau avec les mêmes slogans vides pour charmer les Yvettes et les Épais
Laurent Desbois Répondre
23 mars 2009"Un très long détour pour nous resservir du réchauffé tout droit sorti du règne de Trudeau."
Du Trudeau à son meilleur… « Un oui, c’est un non….. ». N’empêche, que sans le vouloir, il nous avait annoncé la souveraineté du Québec en 1963!
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Le gros mensonge de Pierre E. Trudeau, en 1963 :
« Tout ce qu’il veut sentir [le canadien français] c’est que s’il se transporte ailleurs au pays, que dans le Québec, la loi ne lui sera pas défavorable. Comment il se servira de cette loi? C’est l’avenir qui le dira; moi, personnellement, je ne pense pas que même ayant des lois justes, le français, que le français se mettra à monter en flèche dans des parties du Canada, dans les provinces où le canadien français est une infime minorité.
Il faudrait peut-être à ce moment-là, envisager d’autres solutions, par exemple, il faudrait assurer la mobilité de la main-d’œuvre, la mobilité des citoyens, que ceux qui veulent vivre dans un milieu bilingue, qu’il déménagent dans une autre partie du Canada, que vous leur facilitez cela. »
« … Quand on aura trouvé [ce que cela coûte en termes humains] on saura vraiment si le pays peut vivre, s’il doit continuer d’opérer en tant que pays. Si c’est plus coûteux, disons, du point de vue du Canadien anglais de faire de ce pays un pays bilingue ou multiethnique, si c’est plus coûteux de faire cela que de renoncer à l’identité du Canada, et de s’attacher aux États-Unis, on saura où est l’avenir. Et inversement, si c’est du point de vue du Canadien-français, les avantages qu’il trouve de vivre dans un pays qui s’appelle le canada, s’ils sont moins grands que les désavantages qu’il trouve de vivre dans un pays qui ne le reconnaît pas en pratique et en loi le bilinguisme, eh bien, lui décidant de se séparer , je pense que c’est seulement après avoir pesé ce genre de réalités que l’on saura où l’on va. »
Pierre E. Trudeau. Extrait d’une audience de la commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, jeudi le 7 novembre 1963, 17 :54 h-18 :14h. Et préface au « Les héritiers de lord durham » publié par la fédération des francophones hors Québec en avril 1977.