L'Affaire Michaud

Honteux anniversaire

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À ce jour, le ministre de la Justice, Bertrand Saint-Arnaud, n'a toujours pas accusé réception de la lettre que lui faisaient parvenir Pierre Cloutier et Richard Le Hir le 2 novembre dernier.

Michel David 28 octobre 2010 Québec
La classe politique est friande d'anniversaires, qui sont l'occasion d'actualiser d'anciennes polémiques ou d'en lancer de nouvelles... À cet égard, 2010 est une année particulièrement faste: 50e anniversaire de la Révolution tranquille, 30e du référendum de 1980, 20e de la mort de l'accord du lac Meech, 15e du référendum de 1995...
Il y a cependant un anniversaire que l'Assemblée nationale ne célébrera pas: le 14 décembre prochain, il y aura dix ans que, pour la seule et unique fois de l'histoire du Québec, son assemblée législative a officiellement blâmé un homme, Yves Michaud, sans même l'entendre et sans aucune justification.
Tout le monde sait depuis longtemps qu'il n'a jamais prononcé les propos antisémites qu'on lui avait reprochés. Pourtant, toutes les tentatives de lui accorder une réparation ont été délibérément sabotées.
L'ancien chef du Service de recherche et directeur des Études documentaires de l'Assemblée nationale pendant 25 ans, Gaston Deschênes, qui vient de publier un livre intitulé L'Affaire Michaud. Chronique d'une exécution parlementaire, n'a rien d'un extrémiste. Cet historien devenu fonctionnaire avait toujours eu le plus grand respect pour l'Assemblée nationale, mais il a été scandalisé par ce déni de justice, comme devraient l'être tous les Québécois soucieux de démocratie.
La semaine dernière, le député péquiste de Borduas, Pierre Curzi, au comble de l'indignation, a comparé à la Loi sur les mesures de guerre le bâillon imposé par le gouvernement Charest pour forcer l'adoption de la loi sur les écoles passerelles. On fait tout un cirque pour une entorse au règlement qui se répète tous les ans, mais l'Assemblée nationale peut traîner un citoyen dans la boue sans qu'aucun de ses membres s'en émeuve.
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Quand on sait à quel point les parlementaires sont pointilleux sur la fidélité des propos qu'on leur a prêtés, la désinvolture avec laquelle ils ont condamné M. Michaud, alors qu'il leur était physiquement impossible de savoir ce qu'il avait dit, est tout simplement révoltante.
M. Michaud a annexé au texte qu'il a publié hier dans Le Devoir les noms des 22 députés toujours en fonction qui ont voté pour la motion, notamment Jean Charest et Pauline Marois, et qui n'ont jamais manifesté publiquement le moindre regret.
Sans l'excuser, l'absence de scrupules des députés libéraux, qui cherchaient à piéger l'adversaire, n'a rien de très étonnant. Que les péquistes se soient joints à eux pour lapider un des leurs sans se poser de questions est franchement honteux, même si M. Michaud était indéniablement un homme dérangeant.
Même son vieil ami Bernard Landry l'a accablé en déclarant sans la plus petite vérification qu'il avait commis «une erreur historique monstrueuse en banalisant l'Holocauste». Qu'en était-il de la fameuse règle du audi alteram partem?
C'est l'ancien chef du Parti égalité et directeur régional de B'naï Brith, Robert Libman, qui a du prendre la défense de cet indépendantiste de la première heure et défenseur acharné de la langue française. Trouvez l'erreur!
On peut comprendre la panique de Lucien Bouchard à l'idée que ce franc-tireur totalement incontrôlable soit désigné candidat péquiste à l'élection partielle dans Mercier. M. Michaud lui aurait rendu la vie impossible. Il aurait cependant dû avoir le courage d'exercer son autorité de chef et s'opposer à son investiture, quitte à déclencher une autre crise au PQ. En sa qualité de premier ministre, il avait le devoir de préserver l'intégrité de l'Assemblée nationale. Il y a gravement manqué en la transformant en tribunal d'inquisition.
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Il est troublant de penser que rien ne pourrait empêcher la répétition de cette injustice puisque les tribunaux s'en sont lavé les mains et que l'Assemblée nationale a refusé d'inclure les dispositions nécessaires dans son règlement.
M. Deschênes s'est même vu interdire l'accès au fonds d'archives Jean-Pierre Charbonneau, qui était président de l'Assemblée au moment de «l'affaire Michaud». Comment peut-on protéger la réputation des gens honnêtes si n'importe qui peut se fourrer le nez dans les archives, n'est-ce pas? Encore une fois, trouvez l'erreur!
Même si M. Michaud avait tenu les propos qui lui ont été reprochés, la liberté d'expression fait partie des droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, aussi bien que par la Charte canadienne des droits et libertés.
Invité au lancement du livre de M. Deschênes, Jacques Parizeau a dénoncé cette «dictature de la rectitude politique», dans laquelle il voit un effet de la concentration des médias, qui favorise la pensée unique.
S'il y a un homme qui a été injurié et même diffamé au cours de sa carrière, c'est bien l'ancien premier ministre. Il ne lui est cependant jamais venu à l'esprit d'utiliser l'Assemblée nationale pour régler ses comptes.
Le Québec se flatte à juste titre d'avoir un des plus anciens Parlements du monde. Son histoire n'a pas été toujours très édifiante, mais la motion du 14 décembre 2000 est certainement une de ses pages les moins glorieuses.


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