Lucien Bouchard au Devoir - Le PQ est un « drôle de parti »

L’ancien premier ministre garde sur le coeur les critiques dont il a été l’objet. La souveraineté ne se fera pas par la gauche, dit-il

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Nouvel acte dans « Les fourberies de Lucien »

Plus d’une décennie après avoir quitté la vie politique, Lucien Bouchard n’a toujours pas pardonné à certains péquistes les critiques dont il fut la cible au fil des ans. Encore blessé, l’ancien premier ministre estime que le Parti québécois est un «drôle de parti». Et il lance aux souverainistes le message que l’indépendance ne se fera pas par la gauche. Au fil d’une longue entrevue accordée vendredi au Devoir - où il a plaidé à titre «personnel» pour que les partis politiques québécois s’unissent pour exiger qu’Ottawa ouvre ses archives et éclaircissement les allégations contenues dans le livre La bataille de Londres -, Lucien Bouchard est revenu sur la difficile relation qu’il entretient avec son ancien parti. Visiblement, quelques affronts n’ont pas été oubliés. Ni pardonnés. « La chose qui m’a fait le plus mal, c’est d’avoir été hué quand on a projeté ma photo avec celle de Pierre Marc Johnson » lors d’un rassemblement partisan au lendemain de l’élection d’André Boisclair en 2005, a-t-il dit. « Ça, je regrette, je ne le prendrai jamais, jusqu’à la fin de mes jours. Je ne comprends absolument pas que des gens puissent se permettre de me huer. Ils pourront me huer quand ils feront 49,5 % ou un peu plus que moi dans un référendum. » Du même souffle, M. Bouchard a soutenu que le Parti québécois est un « drôle de parti, qui abrite en son sein des gens comme ça. Le parti lui-même est un grand parti avec des militants désintéressés qui ont un idéal. Mais que ça se retourne contre les chefs, qu’on cherche des boucs émissaires, c’est ça qui est mauvais », croit-il. Aussi Lucien Bouchard déplore-t-il que certains péquistes lui aient « reproché de ne pas avoir réussi à remonter le ressort » souverainiste dans les années suivant le référendum de 1995. « C’est un reproche qui, en particulier, me pique, dit-il. Parce qu’il vient de petits groupes de gens qui n’ont pas beaucoup vendu de cartes de membres, qui sont allés au micro pour faire peur aux gens plus que d’autre chose, et qui n’ont pas beaucoup aidé la souveraineté. La souveraineté, on fait ça avec tout le monde, pas juste avec les purs et durs. Il faut penser à tout le monde quand on parle », dit-il. Contexte de division M. Bouchard rappelle qu’au lendemain du référendum de 1995, le Québec était divisé et qu’il avait la responsabilité - comme premier ministre - « d’essayer de rétablir un minimum d’unité » et « de faire en sorte que tout le monde se sente dans le coup », explique M. Bouchard. Le contexte était tendu : le discours de Jacques Parizeau sur « l’argent et les votes ethniques » avait dérangé, les « anglophones étaient ulcérés », les allophones et les gens d’affaires se sentaient « marginalisés », relate M. Bouchard, qui se rappelle avoir été accueilli très durement dans un restaurant de Hudson le jour suivant le référendum. Des ponts devaient être rebâtis. Or, le discours du Centaur (écrit par Jean-François Lisée, où le gouvernement tendait la main aux anglophones) qui a suivi a été « très mal reçu par le parti », rappelle Lucien Bouchard. Cette recherche de l’unité s’est également faite dans un contexte budgétaire difficile, avec le projet d’atteinte du déficit zéro. « La situation était catastrophique », dit Lucien Bouchard. « Quand on a lancé le déficit zéro, ça a été dur, on a fait mal à beaucoup de monde », reconnaît l’ancien chef péquiste, tout en rappelant que son gouvernement a « fait un paquet d’affaires sociales » (assurance médicaments, équité salariale, garderies à 5 $…). Mais tenir un autre référendum dans ces conditions ? Impossible, suggère-t-il. L’échec de la gauche Selon Lucien Bouchard, si la souveraineté se réalise un jour au Québec, ce ne sera pas au terme d’une démarche menée trop à gauche du spectre politique et économique. En rappelant qu’aux États-Unis, les plus riches (comme George Washington) ont « partagé les aspirations de leur peuple parce qu’ils sentaient qu’ils feraient partie de tout ça », M. Bouchard lance une pointe à la gauche indépendantiste québécoise. « Nous autres au Québec, on a parfois voulu faire la souveraineté à gauche, indique le signataire du manifeste des lucides. On est passés par la gauche, mais ça ne menait pas à la souveraineté. Ça menait à l’échec. C’est le boulevard le plus large qui permettra d’arriver à la souveraineté. C’est pour un peuple qu’on fait ça. Tout le monde doit se sentir bénéficiaire de la grande aventure. » L’ancien premier ministre a indiqué au Devoir qu’il songe à publier une deuxième autobiographie pour couvrir les années les plus importantes de sa carrière politique. Lucien Bouchard a publié un premier tome, À visage découvert, en 1992 aux éditions Boréal (encore disponible en format compact). La période non couverte inclut donc son élection comme chef de l’opposition officielle à Ottawa en 1993, la campagne référendaire de 1995, son passage à Québec en 1996 et ses cinq années comme premier ministre. M. Bouchard a mentionné avoir contacté une collaboratrice pour lancer le projet. Et il a promis de répondre à la question de savoir si le Québec a un avenir au sein de la fédération canadienne ou pas.



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