Harper et ses crayons

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme



L'image qui va rester est celle de Stephen Harper distribuant des crayons à quelques-uns des 200 élèves de l'école Aschiana, dans le centre de Kaboul; l'institution reçoit du Canada environ 10% de son budget de fonctionnement. Message clair: le premier ministre aura consacré sa deuxième visite-éclair en sol afghan à promouvoir les efforts de reconstruction consentis par les Canadiens, plutôt que leur rôle militaire dans le sud du pays.


Le hic, c'est que cette image ne donne pas d'informations sur l'état réel de la situation en Afghanistan. Et moins d'indications encore sur ce qu'il convient de faire au moment où la stratégie adoptée à ce jour par l'OTAN ne donne pas les résultats escomptés.
Les Afghans sont déçus: moins de 45% d’entre eux estiment que leur pays est sur la bonne voie, alors qu'ils étaient 64% à le croire il y a trois ans (Asia Foundation). Cela les met à peu près sur la même longueur d'ondes que les Québécois qui, sondage après sondage, désespèrent de la situation et ne seront vraisemblablement pas plus optimistes dans deux mois, lorsque 1800 militaires de la base de Valcartier iront à leur tour y risquer leur vie.
De fait, dans et autour de l'Afghanistan, deux quasi-consensus s'établissent de plus en plus.
Un: notamment à cause des bavures, nombreuses, l'«occupation» étrangère est de plus en plus mal vécue par les Afghans - et, comme en Irak, le plus urgent est sans doute de construire le dispositif de sécurité autochtone. Deux: il sera impossible d'éviter les négociations, fussent-elles locales, partielles, imparfaites et susceptibles d'imposer de douloureux compromis, avec des leaders talibans.
À ce sujet, l'injonction vient autant de leaders d'opinion afghans, européens et américains que d'un homme aux abois, aux allégeances incertaines mais qui connaît bien le terrain, le président pakistanais Pervez Musharraf. «Il faut négocier, développer des contacts avec ceux qui ne veulent pas combattre», dit-il (au Globe and Mail ).
Le Canada n'a peut-être pas une grande influence sur l'aspect diplomatique du dossier. Mais il peut certainement claironner que, passé 2009, il se retirera des zones de l'Afghanistan où sévissent de façon endémique les contre-offensives talibanes.
On l'a suffisamment répété ici: l'intervention en Afghanistan constitue le prototype des missions d'imposition de la paix du futur.
Le contexte dans lequel elle se situe, celui de l'après-11 septembre 2001, ne fournit certes pas les circonstances idéales. On sait à quel point l'administration Bush, dans sa naïve vision d'une réforme du «grand Moyen-Orient» surtout axée sur le renversement de Saddam Hussein, a plutôt brassé des germes d'extrémisme et de violence qui, de Bagdad et Kaboul, gangrènent aujourd'hui la Turquie, le Liban, l'Afrique du Nord et de l'Est.
Bref, après cinq ans de présence en sol afghan, les Canadiens - et leur gouvernement - doivent certainement se poser des questions.
Qu'est-ce qui constituerait une «victoire» en Afghanistan? Jusqu'à quel point peut-on, et doit-on, imposer à ce type de société un modèle où, par exemple, l'État est seul alloué à utiliser la violence nécessaire, où les relations sont fondées sur le droit, où la femme est l'égale de l'homme? Qu'est-ce qui est, non pas souhaitable puisque tout ça l'est absolument, mais simplement possible à court ou moyen terme? Et faut-il faire de douloureux compromis sur de grands principes? ce qui sera un jour dénoncé dans le grand Livre noir de l'Occident, probablement par les mêmes ténors se réclamant du progressisme et qui ont été les plus virulents dans leur opposition à l'opération afghane!
Or, cette intervention était et est toujours nécessaire et morale.
Simplement, il s'agira bientôt de déterminer à quel moment - et à quel niveau de résultats obtenus - il sera nécessaire et moral, aussi, d'y mettre un terme dans sa forme actuelle.


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