À la fin du mois de février 1999, le ministère des Relations extérieures de Cuba apprend, de sources non officielles, que le gouvernement canadien est prêt à verser 300 000 dollars pour le programme médical en Haïti. Une bonne nouvelle enfin!
Dix mois se sont maintenant écoulés, depuis la rencontre Fidel-Chrétien, sans que le Canada donne une réponse officielle. Quelques jours plus tard, le 4 mars, le ministre cubain des Relations extérieures reçoit une lettre surprenante du ministre des Affaires extérieures du Canada, M. Lloyd Axworthy, qui dit, entre autres:
«J’ai été informé que l’Assemblée nationale de Cuba a voté une loi, le 16 février 1999, intitulée Loi sur la protection de l’indépendance et l’économie de Cuba. Cette loi vise à contrer l’augmentation de la délinquance et des activités subversives. [...] J’ai demandé à mes fonctionnaires d’analyser les récentes mesures adoptées par Cuba, y compris la prochaine condamnation des membres du Groupe de travail de la dissidence interne. Nous voulons déterminer si cela aura un impact sur l’ensemble des activités que nous avons entreprises dans le cadre de la Déclaration conjointe bilatérale. Tant et aussi longtemps que cette analyse n’aura pas rendu son rapport, j’ai demandé à mes fonctionnaires de s’abstenir de participer à de nouvelles activités conjointes. Je vais également en aviser mes collègues du Cabinet pour les mettre au courant de cette situation et pour qu’ils réexaminent, de leur côté, le fonctionnement des programmes de coopération bilatérale avec Cuba. Comme mesure immédiate, j’ai mis un terme à l’analyse conjointe, réalisée par mon ministère ainsi que par l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et Santé Canada, au sujet de la demande de Cuba de mener à bien un programme de coopération médicale avec un tiers pays en Haïti. [...]
«Les jours à venir seront importants pour déterminer si Cuba a choisi la politique de rapprochement et d’intégration avec la communauté internationale ou s’il poursuit sur sa lancée incertaine des derniers jours. Nous espérons que vous saurez nous envoyer un signal clair qui nous éclairera quant aux intentions de Cuba. En particulier, un tel signal serait d’une grande utilité pour faire en sorte que les derniers événements deviennent une préoccupation non fondée à la Commission des droits de la personne à Genève.»
Le Canada fait ici référence à l’arrestation de quelques dizaines de soi-disant journalistes indépendants cubains qui, en fait, étaient payés et soudoyés par la section des intérêts nord-américains à La Havane (SINA), une sorte d’ambassade des États-Unis, dans le seul but de discréditer le gouvernement cubain et de susciter des troubles. C’est comme si le gouvernement français s’immisçait dans les affaires internes du Québec et du Canada, en prônant, disons, l’indépendance du Québec ou le contraire, le maintient du Québec dans la confédération canadienne, en utilisant quelques «poteaux» bien connus au Québec. Ce serait tout autant inadmissible.
Est-on insensible à ce point à la tragédie haïtienne? se demande Fidel. «Comment expliquer que durant tout ce temps, alors que les faits allégués ne s’étaient pas encore produits, faits qui ont motivé une décision aussi dure et une lettre aussi insolente, comment se fait-il donc que le Canada n’ait pas eu le temps de nous donner une réponse officielle? [...] Mais ce que je trouve le plus triste, ce n’est pas les mesures punitives et les menaces contre Cuba, car il s’agit de gestes auxquels nous sommes habitués depuis 42 ans. Non. Ce sont les 300 000 dollars promis aux malades haïtiens. [...] Je ne pouvais concevoir qu’on nous punissait en mettant en danger la vie de milliers d’enfants haïtiens, déjà que dans ce pays, il en mourait pas moins de 25 000 par année. La majorité de ces morts pouvaient être évitée grâce à de simples vaccins que nous pouvions acheter avec des dollars canadiens ou nord-américains, peu importe. Quelqu’un, sans aucun doute, a commis une grave erreur.»
Alors, après tant de cynisme et d’abandon, quand on entend le Canada se dire préoccupé par la situation actuelle en Haïti, quand on voit la masse de journalistes radio-canadiens se précipiter en Haïti, à la suite du terrible tremblement de terre, pour filmer en direct la misère et la souffrance en se donnant des airs de bonne conscience et en se demandant le plus sérieusement du monde comment faire pour sortir de cette misère, comme si le système capitaliste et le régime colonial n’étaient pas directement en cause dans tous ces drames, je me dis qu’il y a des coups de pied au cul qui se perdent.
Aujourd’hui encore, près de 400 médecins cubains en Haïti offrent des services gratuits dans 227 des 337 communes du pays, autant de médecins haïtiens sont formés à Cuba tous les ans. Ces médecins, ces ingénieurs, ces professeurs étaient tous présents au moment du terrible tremblement de terre du 12 janvier dernier. Heureusement, aucun de ces coopérants n’a été blessé sérieusement et tous ont pu entreprendre sur-le-champ de sauver de nouvelles vies.
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