Grande offensive au Québec

Visite d'une dizaine de villes, barbecues familiaux, grand rassemblement: l'armée veut faire accepter sa campagne en Afghanistan

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NON à l'aventure afghane



Ottawa -- Avant de mener leur première attaque contre les talibans en août, les soldats québécois de Valcartier s'adonneront à une vaste offensive de relations publiques dans les prochaines semaines. Des cérémonies de départ, des échanges de drapeaux avec une dizaine de villes, des barbecues familiaux, un grand rassemblement, une marche et une forte présence au match des Alouettes de Montréal du 21 juin sont notamment à l'horaire des militaires québécois. L'objectif de cette mission éclair? «Informer», «rassembler» et aller chercher le «soutien» de la population avant le grand départ pour l'Afghanistan.
Dans moins de deux mois, 1900 soldats de la base de Valcartier iront remplacer leurs collègues en poste dans le sud de l'Afghanistan. Ils formeront alors le gros du contingent de 2500 hommes déployé par le Canada sous les drapeaux de l'OTAN et de l'ONU. Depuis 2002, 57 militaires canadiens de différentes provinces sont tombés au combat. Mais cette fois, c'est le Québec qui sera sur la ligne de feu.
Conscients que la popularité de la mission est plus faible au Québec qu'ailleurs au pays, les soldats de Valcartier tentent une dernière offensive de charme avant leur départ. «On veut dire au revoir à nos familles, au Québec et demander le soutien de la population», explique au Devoir Hubert Genest, capitaine de corvette et chargé des relations publiques pour la force opérationnelle en Afghanistan. Selon l'officier basé à Québec, les soldats vont «faire un effort pour rejoindre les gens d'ici et leur expliquer que la mission en Afghanistan est noble».
Le coup d'envoi des sorties publiques se fera à Montréal la semaine prochaine, lors du dernier match préparatoire des Alouettes contre les Argonauts de Toronto, au stade Percival-Molson. Près de 2000 militaires seront présents à la partie et seront présentés à la foule. Les détails de l'événement ne sont toutefois pas tous ficelés, dit-on.
Le lendemain, 22 juin, les soldats organisent un grand rassemblement doublé d'un barbecue familial au Centre des congrès de Québec. Les milliers de personnes attendues prendront ensuite le chemin de la Haute-Ville pour une marche dans les rues de la capitale.
C'est d'ailleurs lors de cette parade que la coalition Guerre à la guerre, un groupe pacifiste qui s'oppose à la mission canadienne en Afghanistan, entend manifester contre l'envoi des soldats québécois. La coalition a envoyé 3000 lettres aux soldats cette semaine leur enjoignant de faire défection plutôt que d'aller outre-mer. Une tentative qui a bien peu de chances de réussir, selon Hubert Genest. «Ça fait longtemps qu'on se prépare. On a tous hâte d'y aller. Les Afghans ont besoin de nous», dit-il.
Mais la campagne de relations publiques ne s'arrêtera pas que dans les deux grandes villes de la province. Les soldats de Valcartier ont en effet confectionné un drapeau -- une tradition militaire -- reflétant leur mission à venir. De couleur sable pour refléter le désert afghan, le pavillon laisse voir au centre un écusson bleu et rond où l'on peut lire: «Force opérationnelle 3-07 Afghanistan». Une feuille d'érable, deux épées et le logo de l'OTAN sont aussi sur le drapeau.
Les militaires québécois visiteront des villes aux quatre coins du Québec pour échanger leur étendard contre celui des municipalités. Le pavillon de la ville participante flottera à Kandahar jusqu'au retour des soldats, en 2008. Jusqu'à présent, dix mairies ont accepté l'invitation: Sherbrooke, Saguenay, Rimouski, Rouyn-Noranda, Gaspé, Saint-Jean-sur-Richelieu et Gatineau. Montréal a été approché pour faire l'échange des pavillons le 21 juin, lors du match des Alouettes, mais rien n'a encore été décidé. À Québec, les militaires devraient faire l'échange lors de la parade du 22 juin.
D'autres événements de moindre envergure sont aussi prévus dans différentes villes et régions, notamment des barbecues et des cérémonies de départ. «Certaines activités seront plus intimes et plus discrètes», confirme Hubert Genest, qui quittera lui aussi le Québec pour l'Afghanistan en août avec le reste du contingent. Ces activités sont en préparation depuis «assez longtemps», selon l'officier.
L'objectif de l'offensive publique est double: d'abord, remercier ceux qui appuient la mission. «On sent qu'on a besoin du soutien de la population. On l'a déjà de plusieurs personnes et à celles-là, on veut dire merci de nous soutenir. C'est une façon de dire "on compte sur vous"», explique Hubert Genest.
Puis, tenter de gagner à sa cause les sceptiques à l'égard de l'intervention. Au Québec, ils sont nombreux. Selon un coup de sonde Ipsos Reid réalisé à la fin du mois d'avril, à peine 37 % des Québécois sont favorables à la mission en Afghanistan. La moyenne canadienne se situe à 52 %.
«On est conscients qu'il faut faire un effort de relations publiques et c'est pour ça qu'on le fait, affirme Hubert Genest. Les événements publics vont nous permettre d'informer les gens, parce que plusieurs personnes ne comprennent pas la nature de la mission. Par exemple, beaucoup de gens confondent l'Irak et l'Afghanistan. Nous, [les soldats], on croit à la mission. Ceux qui sont contre oublient que 36 autres pays du monde pensent que c'est une mission qui vaut la peine. L'ONU soutient aussi la mission là-bas.»
Le militaire estime que le «vrai débat» sur la mission n'a pas eu lieu au Québec. Il dit d'ailleurs être ouvert à la contestation. «On voit qu'au Canada, on a un système démocratique qui fonctionne. On peut débattre de la mission, être pour ou contre, envoyer des lettres aux soldats et ainsi de suite. C'est sain. C'est exactement pour ces valeurs de démocratie qu'on va se battre là-bas.»


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